Endométriose, Syndrome des Ovaires Polykystiques (SOPK), kystes ovariens… Ces termes résonnent de plus en plus dans les discussions, mais bien souvent, ils restent vagues pour de nombreuses femmes. Derrière ces mots se cachent des pathologies gynécologiques qui, bien qu’omniprésentes, sont encore mal comprises. Si l’on entend régulièrement parler de ces affections, il est rare que l’on prenne vraiment le temps de les différencier ou de comprendre leurs impacts sur la santé menstruelle. Pourtant, ces troubles ne se limitent pas à des douleurs passagères durant les règles, mais peuvent entraîner des conséquences graves, notamment sur la fertilité. Dans un contexte où les maladies gynécologiques féminines restent encore taboues dans de nombreuses sociétés, dont la nôtre, il devient crucial de briser ce silence pour mieux comprendre ces affections souvent négligées.
“Le sang menstruel est souvent perçu comme impur”, observe Dr. Chrif Boukhriss, spécialiste en gynécologie obstétrique et fertilité. “Cette perception crée un climat de gêne et de silence, qui s’installe dès l’adolescence. Les jeunes filles sont conditionnées à cacher leurs règles, leurs douleurs, voire même leurs protections hygiéniques”, précise-t-elle.
Ce silence freine l’expression des femmes sur leurs symptômes et retarde souvent la consultation médicale. Dr. Nadia Zinoun, gynécologue obstétricienne, nuance toutefois ce constat : “Aujourd’hui, nous assistons à une évolution positive. Les jeunes filles et les femmes osent davantage consulter pour leurs troubles menstruels. Néanmoins, dans certains milieux marqués par un rigorisme religieux ou éducatif, parler de menstruations à ses parents demeure encore difficile.”
Les signaux d’alerte
Petit rappel élémentaire : un cycle menstruel normal dure entre 25 et 35 jours. Il est régulier, peu douloureux, avec des règles qui ne dépassent pas 7 jours. Toute variation significative, douleurs intenses, abondance inhabituelle, irrégularités marquées, devrait alerter. “Des douleurs invalidantes, des règles très longues ou absentes, un cycle trop court ou trop espacé, sont autant de signes à ne pas négliger”, avertit Nadia Zinoun. “Une consultation s’impose, car ces anomalies peuvent cacher des pathologies comme le SOPK, l’endométriose ou des déséquilibres hormonaux”, poursuit la spécialiste.
“Ces douleurs peuvent être dites ‘essentielles’, sans cause organique identifiée, notamment chez les jeunes filles, et tendent à s’atténuer après un premier accouchement ou le mariage”, explique Dr. Zinoun. Mais lorsque ces douleurs sont secondaires, “elles révèlent souvent des pathologies sous-jacentes graves, comme l’endométriose, une maladie inflammatoire chronique qui peut compromettre la fertilité”, précise-t-elle.
Le flux menstruel peut également présenter des anomalies : certaines femmes ont des règles très légères (oligoménorrhée), parfois liées à des antécédents médicaux ou à la prise de contraceptifs oraux, tandis que d’autres souffrent de règles abondantes pouvant entraîner une anémie sévère. “Des règles trop longues, qui dépassent sept jours, nécessitent aussi un suivi médical attentif, car elles peuvent sérieusement impacter la santé générale”, ajoute Nadia Zinoun.
Même son de cloche du côté de Dr. Hind Chihani, gynécologue spécialisée dans les troubles menstruels, qui explique que “les affections liées aux menstruations sont des motifs fréquents de consultation. Beaucoup de femmes souffrent en silence de douleurs menstruelles chroniques, de règles irrégulières, ou de troubles hormonaux sans chercher de solution, ce qui peut aggraver leur situation. Il est essentiel que les femmes consultent dès qu’elles constatent des symptômes inhabituels, afin de bénéficier d’un diagnostic précoce et d’un traitement adapté.”
Le Syndrome prémenstruel (SPM) : une douleur minimisée
Le syndrome prémenstruel (SPM) fait partie des maladies menstruelles les plus répandues au Maroc et ailleurs. C’est un ensemble de symptômes physiques, émotionnels et comportementaux qui apparaissent avant les règles. Les signes peuvent inclure des douleurs pelviennes, de la fatigue, de l’irritabilité, des douleurs mammaires et une humeur changeante. Bien que ces symptômes soient relativement courants, ils sont souvent minimisés. Dr. Boukhriss souligne que la gestion du SPM nécessite une prise en charge sérieuse : “Bien que souvent banalisé, le SPM peut rendre la vie quotidienne difficile pour certaines femmes. Les douleurs et les perturbations émotionnelles peuvent devenir invalidantes. Il est essentiel d’adopter une approche multidimensionnelle dans le traitement, qui inclut une gestion des symptômes physiques et émotionnels.”
Les traitements pour le SPM incluent des analgésiques pour les douleurs, des traitements hormonaux pour rétablir l’équilibre hormonal, et des solutions psychologiques comme la thérapie cognitive et comportementale pour gérer les symptômes émotionnels.
L’Endométriose : une souffrance invisible
L’endométriose, autre trouble menstruel fréquent chez la femme, est une maladie dans laquelle des tissus semblables à ceux qui tapissent l’utérus se développent en dehors de celui-ci, sur les ovaires, les trompes de Fallope, ou même dans d’autres organes comme l’intestin. “L’endométriose est une affection chronique bénigne affectant 10 à 15 % des femmes en âge de procréer, avec une incidence atteignant 50 % chez les femmes infertiles”, précise Dr. Hind Chihani, gynécologue obstétricienne. “L’étendue de la maladie est très variable, allant de dépôts péritonéaux minimes à une endométriose profonde qui peut envahir l’intestin, la vessie, les uretères et plus rarement, se propager à l’extérieur de la cavité pelvienne (p. ex., atteinte cutanée, thoracique)”, poursuit-elle. Cette maladie engendre des douleurs pelviennes chroniques, des règles abondantes, et peut causer des problèmes de fertilité.
L’adénomyose, quant à elle, est une forme d’endométriose où le tissu endométrial envahit la paroi musculaire de l’utérus, ce qui entraîne des douleurs menstruelles intenses et des saignements anormaux. Dr. Zinoun insiste sur la nécessité de diagnostiquer ces pathologies tôt : “L’endométriose et l’adénomyose peuvent être extrêmement invalidante, mais malheureusement, elles sont souvent diagnostiquées trop tard. Les douleurs sont parfois banalisées par les femmes elles-mêmes et par les médecins. Un diagnostic précoce permettrait de mieux gérer les symptômes et d’éviter des complications sur la fertilité.” Les traitements de ces deux troubles varient selon la gravité de la maladie et peuvent inclure des médicaments hormonaux pour bloquer la croissance du tissu endométrial, des anti-douleurs et parfois des interventions chirurgicales pour enlever les lésions.
Le Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : quézaco ?
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est un trouble hormonal qui touche environ une femme sur dix et débute souvent dès l’adolescence. Il est lié à un déséquilibre hormonal complexe, caractérisé par une production excessive d’androgènes par les ovaires. “Les ovaires polykystiques signifient en fait que les ovaires fonctionnent mal. Souvent, au lieu de produire principalement des hormones féminines, ils produisent davantage d’hormones masculines”, explique Nadia Zinoun. Cela se traduit par des cycles irréguliers, une pilosité excessive (hirsutisme), de l’acné, et parfois une prise de poids difficile à contrôler.
Hind Chihani décrit le SOPK comme étant plus complexe qu’un simple problème de kystes : “Le SOPK est une maladie hormonale multifactorielle. Les femmes ne doivent pas seulement se concentrer sur la présence de kystes ovariens, mais également sur l’aspect hormonal et métabolique, notamment une résistance à l’insuline, qui nécessite une prise en charge globale.” Néanmoins, Nadia Zinoun rappelle que “le SOPK n’est pas forcément synonyme d’infertilité ou de prise de poids incontrôlable. Il existe des traitements efficaces pour induire l’ovulation et accompagner les patientes vers la conception.” Ces traitements incluent “la régulation hormonale via des contraceptifs oraux pour rétablir les cycles menstruels, ainsi que des médicaments pour réduire l’hyperandrogénie (hirsutisme et acné). La gestion du poids et l’amélioration de la sensibilité à l’insuline sont également des éléments clés du traitement”, poursuit Dr. Zinoun.
Les fibromes et les kystes ovariens
Les fibromes et les kystes sont des anomalies très courantes du système reproducteur féminin et affectent généralement les femmes en âge de procréer. Dans la plupart des cas, Les kystes sont bénins et disparaissent d’eux-mêmes. Cependant, certains kystes peuvent causer des douleurs pelviennes, des règles irrégulières ou des saignements abondants. Dr. Nadia Zinoun met en garde contre la négligence de ces kystes: “Bien que beaucoup de kystes soient fonctionnels et ne nécessitent pas de traitement, certains peuvent être plus complexes. Les kystes plus volumineux ou ceux qui provoquent des douleurs ou des complications doivent être suivis de près.”
En fonction de leur taille et de leurs symptômes, les kystes ovariens peuvent être surveillés par échographie ou nécessiter une intervention chirurgicale.
Les fibromes utérins sont, pour leur part, des tumeurs bénignes qui se développent dans le muscle de l’utérus. Ces fibromes sont fréquents et touchent jusqu’à 30 % des femmes. Bien que souvent asymptomatiques, les fibromes peuvent, tout comme les kystes, causer des saignements menstruels abondants, des douleurs pelviennes, et des problèmes de fertilité. “Les fibromes peuvent être sources de complications, notamment pour les femmes qui souhaitent avoir des enfants”, précise Dr. Boukhriss. Le traitement des fibromes, note la praticienn, dépend de leur taille, de leur localisation et des symptômes associés. Les options vont des médicaments pour réduire les symptômes (comme les anti-inflammatoires) aux interventions chirurgicales pour enlever les fibromes ou même l’utérus dans les cas les plus graves.
Ménopause et périménopause : bien vivre la transition hormonale
Et lorsque les troubles menstruels semblent enfin s’apaiser, vient le dernier virage : celui de la ménopause! Cette période, marquée par l’arrêt définitif des règles, survient généralement entre 45 et 55 ans et est précédée par la périménopause, une phase de changements hormonaux. Ces fluctuations, principalement des niveaux d’œstrogènes et de progestérone, entraînent des symptômes variés, tels que des bouffées de chaleur, des troubles du sommeil, des changements d’humeur et une sécheresse vaginale. Les cycles menstruels deviennent irréguliers avant de s’arrêter complètement.
La gynécologue Nadia Zinoun souligne que cette transition peut durer de 2 à 8 ans et nécessite un suivi médical pour gérer les symptômes. Les risques associés à cette phase, comme l’ostéoporose ou les maladies cardiovasculaires, doivent être pris en compte.
Cette période, comme le rappelle Dr. Boukhriss, est à ne pas négliger. Des options comme le traitement hormonal substitutif (THS) peuvent être envisagées pour soulager les symptômes. Cependant, Hind Chihani insiste sur la nécessité d’une approche personnalisée, chaque femme réagissant différemment aux symptômes.
En somme, les troubles menstruels, tels que le syndrome prémenstruel, l’endométriose, le SOPK, les fibromes ou les kystes ovariens, sont fréquents mais encore trop souvent méconnus ou minimisés. Ils peuvent fortement affecter la vie quotidienne des femmes, tant physiquement qu’émotionnellement, et avoir des conséquences sur la fertilité. Le silence et les tabous liés aux règles freinent souvent la prise en charge médicale, retardant ainsi les diagnostics et les traitements adaptés. Il est donc crucial de sensibiliser dès l’adolescence, d’encourager les femmes à consulter dès l’apparition de symptômes anormaux, et de proposer une approche médicale globale et personnalisée.
