Après le séisme, l’espoir au milieu des décombres

Passés le choc et l'émotion provoqués par le séisme meurtrier du 8 septembre dernier, le Maroc a fait montre d’une mobilisation exceptionnelle face à cette catastrophe naturelle. Et dans les villages les plus touchés du Haut Atlas, l’aide déployée en urgence a permis aux sinistrés de retrouver un semblant de retour à la normale.

Talat N’Yaaqoub. C’est ici, à une centaine de kilomètres de Marrakech, que se situe l’épicentre du puissant séisme qui a frappé notre pays le soir du vendredi 8 septembre. On nous a prévenus : “Mettez vos masques avant d’y aller !”. Ici, il faut retenir ses larmes mais aussi son souffle. Cinq jours après la catastrophe, l’odeur de putréfaction est toujours présente. Les secours tentent d’extraire tant bien que mal des cadavres d’humains et d’animaux ensevelis sous les montagnes de débris. Ou du moins, ce qu’il en reste. “À l’endroit même où vous vous tenez, un chien a récupéré une jambe ce matin”, nous précise un gendarme.

Très peu de demeures ont échappé au terrible aléa dans cette petite localité du Haut Atlas. En une seule nuit, le village s’est transformé en un amas de gravats. Dans la région d’Ighlil, qui compte une quarantaine de villages, 450 personnes ont péri. Des maisons, des écoles, des édifices administratifs, des internats, des cafés et des commerces, il ne reste plus grand-chose.

Des familles décimées

Après le choc et l’effroi, quelques habitants reviennent sur les lieux pour tenter de récupérer des affaires importantes, de la paperasse ou encore des habits de leurs proches disparus. C’est le cas de Abdellah. Se tenant sur les décombres de sa maison, sous un soleil de plomb, ce père de famille respire les vêtements de ses deux enfants décédés. “C’est tout ce qu’il me reste d’eux”. L’homme, qui a perdu 9 membres de sa famille dans cette catastrophe, est resté coincé avec sa femme pendant 40 minutes sous les ruines avant de pouvoir sortir. “Lorsque j’ai réussi à me dégager des débris, je suis allé directement dans la chambre des enfants. J’ai touché les jambes de mon aîné, elles étaient froides. J’ai compris qu’il était mort” nous raconte-t-il. Abdellah a également perdu son autre fils.

Quelques mètres plus loin, juste derrière le lycée, les forces armées royales et la gendarmerie ont transformé un terrain vague en base d’opération. Ambulances, citernes et engins militaires s’activent pour apporter les secours nécessaires. Des hélicoptères sont également à l’œuvre pour acheminer les aides aux villages les plus reculés tout en transportant des blessés. Des camps d’hébergements ont été installés pour abriter les sinistrés. Devant l’une de ces tentes, Zineb enlace son frère venu s’enquérir de son état de santé et lui apporter un peu de réconfort après le décès de son enfant Achraf, âgé de six ans. “On était dans la cuisine, on s’apprêtait à dîner lorsque le plafond est tombé sur nos têtes. La maison s’est effondrée en un instant. Nous avons dû escalader les débris de la maison pour s’en sortir. Ce n’est qu’au petit matin que j’ai retrouvé mon fils sous une dalle. Nous ne pouvons rien faire, c’est la volonté de Dieu”.

Saïda l’a échappé belle. Elle, qui séjournait chez ses parents à Talaat N Yaacoub, a quitté le village un jour avant le drame. Ses parents et sa sœur n’ont pas survécu. Aux côtés des autres sinistrés, Saïda tente d’aider comme elle peut et d’exprimer sa solidarité avec ses voisins en ces temps difficiles. 

Les enfants sont également traumatisés. Les quelques répliques de secousses et les bruits des hélicoptères rappellent aux enfants l’horreur de cette nuit où tout a basculé. “Dès qu’ils entendent un hélicoptère ou vivent une secousse, ils courent se réfugier dans les tentes”.

“C’est comme si le monde avait explosé !”

Non loin de Talaat N’Yaaqoub, se trouve Moulay Brahim, un autre village fortement endommagé par le séisme. La route qui mène à ce petit douar est sinueuse. De gros rochers tombés de la montagne jonchent le milieu de la route pendant que d’autres éboulements continuent de se produire. Il faut conduire avec beaucoup de prudence, et s’arrêter à plusieurs reprises le temps que les pelleteuses dégagent la route. Au milieu de ces montagnes immenses, les gens marquent un temps d’arrêt devant un spectacle désolant : une voiture complètement écrasée par une pierre. Au milieu de ce chaos, des sources d’eau jaillissent de partout, comme par miracle, obligeant parfois les automobilistes à redoubler de prudence.

Accroché à flanc de falaise du Haut Atlas dans un décor splendide, Moulay Brahim est habituellement apprécié par les touristes marocains et étrangers. La beauté des paysages tranche avec les bâtiments effondrés. 

À l’entrée du village, un bâtiment construit sur trois étages donne le la. S’il tient à peine debout, la majorité des habitations à Moulay Brahim s’est transformée en tas de béton et de pierres. Beaucoup de maisons sont lézardées, fissurées et menacent de tomber aussi. Comme celle de Khaddouj, dont un trou béant écorche la façade.

“Nous étions en train de dîner en famille quand j’ai senti le sol sous mes pieds tanguer. Ensuite un bruit assourdissant. Je croyais que c’était une bombe. Mon mari voulait sortir mais je l’ai retenu en lui disant : s’il faut mourir, mourrons ensemble !”. “Dans les moments de peur intense, je n’arrive plus à bouger, je suis tétanisée”, explique Khaddouj dont la maison est désormais inhabitable. “Nous avons déjà vécu des séismes dans la région mais jamais d’une telle ampleur”, poursuit-elle.

Non loin de là, sur un terrain vague, des tentes de fortunes ont été érigées pour abriter les sinistrés. Malgré le désarroi et la douleur, Khadija esquisse un sourire lorsqu’elle nous aperçoit et nous propose du thé. « On préfère dormir là, parce que toutes les maisons sont fissurées. C’est très risqué », explique-t-elle. Le soir du séisme, Khadija se trouvait chez elle et s’apprêtait, comme ses proches, à se coucher quand tout a basculé. “C’est comme si le monde avait explosé !”, se souvient-elle. “Nous sommes sortis pieds nus et nous sommes restés sur ce terrain. Ma maison et celle de ma fille sont complètement détruites, nous n’avons nulle part où aller”.

Pendant qu’un camion venait décharger des vivres et couvertures au profit des victimes, Mohamed, nous raconte sa nuit cauchemardesque. L’homme a perdu son fils et sa femme au même moment. “Mon fils était en train de manger quand il a senti la terre trembler. Alors qu’il essayait de fuir, il a entendu sa mère crier et est remonté pour la secourir. C’est là que le plafond leur est tombé sur la tête, les emportant tous les deux dans la mort.” 

MOBILISATION L’entraide et la solidarité sont omniprésentes.

Un hôpital pour panser les plaies et les âmes 

En contrebas, dans la commune d’Asni située à une quarantaine de kilomètres de Marrakech, un hôpital de campagne médico-chirurgical a été déployé sur un immense parking par les Forces armées royales (FAR). Au milieu du chaos, cet hôpital se veut un havre de paix et de soins. Hommes et femmes en treillis s’affairent jour et nuit pour dispenser les soins médicaux et chirurgicaux nécessaires aux victimes du séisme.

UN HÔPITAL DE CAMPAGNE a été dépoyé pour prodiguer soins et secours aux blessés.

L’hôpital dispose de 24 médecins de différentes spécialités médicales, comme la pédiatrie, la médecine interne, la médecine générale et également des spécialités chirurgicales comme l’orthopédie, la chirurgie maxillo-faciale, la neurochirurgie, l’ORL et l’ophtalmologie. Chaque tente correspond à une spécialité. Cette structure hospitalière est aussi dotée d’un bloc opératoire, d’une pharmacie, d’un laboratoire d’analyses ainsi que d’un espace radiologie. Une cellule psychiatrique composée d’un médecin et de 50 assistantes sociales a été mise en place pour le suivi des patients traumatisés.

Devant cet hôpital médico-chirurgical de campagne, un vaste camp a été déployé. Des tentes bleues, jaunes et vertes ont été dressées pour accueillir les habitants qui ont perdu leurs maisons. Malgré la douleur, encore vive, et leur inquiétude quant à l’arrivée du froid et de la pluie, les sinistrés ne manquent pas de témoigner leur reconnaissance envers les autorités, qui leur sont rapidement venues en aide et du formidable élan de solidarité qui s’est mis en place pour alléger leur souffrance. “Dieu merci, on a pris soin de nous. Cela met du baume au cœur”, nous confie Omar, qui a trouvé refuge avec sa famille dans l’une de ces tentes. 

C’est qu’au cœur de ce chaos, les sinistrés commencent à relever doucement la tête. La solidarité est bien là, lorsqu’un camion rempli à ras bord arrive et que des bénévoles distribuent de la nourriture, de l’eau, des couvertures, des bonbons et des mots de réconfort.

Sur la terre brune, les enfants jouent avec des cailloux, d’autres courent entre les tentes. Un bienfaiteur a eu la belle idée de faire don d’un trampoline. Les enfants s’y défoulent et les cris de joie se répandent dans le campement chassant un peu de tristesse et réchauffant les cœurs meurtris.

L’envers du décor

L’élan de solidarité sans précédent au lendemain du séisme du vendredi 8 septembre a malheureusement été entaché par des agissements d’individus excessifs ou malintentionnés. D’abord il y a eu ces personnes autoproclamées influenceurs/ses qui ont saturé les routes fraîchement déblayées pour poster des stories au milieu des sinistrés, empêchant les secours et les associations d’accéder à des zones reculées. 

D’autres individus n’ont pas hésité à se prendre en photo avec des enfants sans leur consentement ni celui de leurs parents. Il y a eu également ceux qui, mus par de bonnes intentions, versent malheureusement dans l’excès. Il y a eu tellement de dons en vivres au point qu’il y avait de la nourriture jetée par terre. Nous avons vu à plusieurs reprises des briques de lait ou encore des bouteilles d’eau au bord de la route… C’est du gâchis. 

De l’absurdité aussi il y en a eu. Vous avez peut-être vu cette photo d’un célèbre influenceur prenant la pose au milieu des débris, assis (probablement sur des cadavres), lunettes Gucci vissées sur la tête ou encore ce cliché montrant une paire d’escarpins à strass sur une pile de vêtements près d’une tente… Au lieu d’être réellement à l’écoute des besoins des gens et dans le respect de leurs traditions, certains ont transformé cette belle cohésion dont a fait preuve notre pays en un concours de celui qui aura le plus de vues ou de likes sur un post. 

Ensuite, le sordide est monté d’un cran. Dans le flot de bénévoles spontanés, il y a eu des personnages douteux qui ont voulu profiter de la détresse des victimes pour dénicher “une bonne à tout faire”, corvéable à merci. Les charognards et prédateurs sexuels ont eux aussi pointé le bout de leur nez. La vidéo d’un détraqué sexuel se trouvant dans un des villages sinistrés, invitant une jeune fille mineure à le rejoindre dans sa ville de résidence, a fait le buzz et suscité l’ire générale. Heureusement, les associations féministes et les autorités sont rapidement intervenues pour arrêter ces détracteurs. 

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