Abderrahmane Lahlou : “Des Progrès significatifs ont été réalisés pour améliorer l’accès à l’éducation dans le monde rural”

Le Maroc intensifie ses efforts pour réformer son système éducatif. Abderrahmane Lahlou, consultant en éducation et expert agréé auprès d'organismes internationaux, dresse un bilan des réformes en cours, évaluant les avancées et les obstacles persistants. Entre mise en œuvre complexe et tensions dans le secteur public, il discute des implications pour l’équité éducative. Interview.

Quels changements avez-vous observés suite à la réforme de l’éducation, notamment dans le secteur public ?

La réforme de l’éducation au Maroc a introduit des initiatives structurantes, mais leur implémentation reste incomplète, surtout dans le secteur public. Parmi les efforts notables figure la réorganisation des Centres Régionaux de Formation (CRF) des enseignants, destinée à accroître l’efficacité de la formation initiale. Bien que cette initiative ait été bien accueillie au plan théorique, des tensions sont survenues rapidement, principalement en raison du statut contractuel  d’une partie des enseignants. Ces tensions ont provoqué des grèves prolongées, perturbant ainsi les progrès attendus. Les réformes, bien que conçues sur la base de diagnostics solides des besoins du système éducatif, leur pleine réalisation est freinée par des problèmes de gouvernance et des tensions sociales. La réforme, malgré ses ambitions, souffre donc d’une mise en œuvre entravée par des obstacles structurels et organisationnels.

Comment résoudre les défis liés à la formation continue des enseignants, souvent rejetée par ces derniers ?

La formation continue des enseignants représente un défi majeur en raison de la taille importante du corps enseignant marocain, composé de près de 250.000 membres. Une partie significative de ces enseignants approche de la retraite, avec une mentalité encore ancrée dans les méthodes pédagogiques traditionnelles, rendant difficile leur engagement dans une formation continue. De plus, environ 30 % des enseignants actuels, recrutés durant les périodes de crise du système éducatif, nécessitent une refonte complète de leur formation initiale, en plus d’une formation continue. Le chantier de la formation continue est donc complexe et nécessite une approche rigoureuse et accélérée pour pallier ces lacunes avant qu’il ne soit trop tard. 

Quel est l’état d’avancement des écoles pilotes dans le cadre de la réforme ?

Les écoles pilotes, lancées dans le cadre des réformes éducatives, ont connu un début prometteur avec des programmes allégés et un soutien accru pour les enseignants. Cependant, le passage de la phase pilote à une mise en œuvre nationale demeure complexe. Le processus de  “scaling” est crucial pour évaluer l’efficacité des initiatives à grande échelle. Les résultats des élèves marocains aux tests internationaux restent faibles, principalement en raison des méthodes pédagogiques axées sur la mémorisation plutôt que sur la compréhension. Une révision approfondie des méthodes d’enseignement est nécessaire pour aligner le système éducatif marocain avec les standards internationaux et améliorer les performances des élèves.

Quelle est la situation actuelle du préscolaire dans les écoles publiques ?

Depuis le début des réformes éducatives au Maroc, l’éducation préscolaire a fait des avancées notables. La majorité des écoles primaires publiques ont intégré des classes préscolaires, un projet coordonné par la Fondation Marocaine pour la Promotion du Préscolaire (FMPS) et soutenu par des partenariats avec des écoles privées. Cette expansion vise à offrir une préparation de qualité aux jeunes enfants, essentielle pour leur développement et leur réussite scolaire future. Ceci dit, des défis persistent, notamment des problèmes logistiques et un besoin constant d’adaptation des programmes et de formation des enseignants. Malgré ces obstacles, les efforts pour améliorer l’accès au préscolaire avancent positivement, établissant des bases solides pour une éducation plus équitable dès le plus jeune âge.

Le Maroc a-t-il établi d’autres partenariats internationaux pour soutenir ces réformes, en dehors de l’Agence française de développement (AFD) ?

L’Agence Française de Développement (AFD) reste un partenaire clé pour le financement des réformes éducatives au Maroc. Toutefois, le Maroc a également développé d’autres partenariats avec des pays comme la Belgique, l’Espagne et les États-Unis. Ces accords, bien que moins profonds que ceux avec l’AFD, contribuent au soutien des réformes. Les prêts de la Banque Mondiale et du Millennium Challenge Corporation (MCC) jouent également un rôle crucial. Avec les projets pilotes désormais opérationnels, il est important d’élargir ces initiatives et de garantir leur pérennité. Les partenariats internationaux devront être renforcés pour assurer le succès des réformes à long terme.

Quelles stratégies sont mises en œuvre pour garantir l’équité d’accès à l’éducation dans les zones rurales ?

Des progrès importants ont été réalisés pour améliorer l’accès à l’éducation dans les zones rurales, avec la création d’écoles communales et la mise en place de transports scolaires. Ces mesures visent à surmonter les obstacles géographiques et économiques qui limitent l’accès à l’éducation. Cependant, des défis subsistent, notamment la pauvreté et les mentalités locales. Pour surmonter ces obstacles, des initiatives telles que les allocations pour encourager la scolarisation sont déjà entamées et doivent être renforcées. Bien que les résultats soient encore partiels, la persistance de ces efforts est essentielle pour garantir une éducation équitable pour tous les enfants, indépendamment de leur lieu de résidence.

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