Vous portez aux côtés de Robert Flynn Johnson l’exposition « Jeux de rôle » qui évoque la représentation de la femme en privé ou public. Pourquoi ce thème ?
Nous avons rencontré, en 2023, Robert Flynn Johnson à la Fondation pour la photographie à Tanger. C’est un collectionneur très actif qui possède une partie des photos exposées dans” Jeux de rôles” à savoir les images de la comtesse de Castiglione, ainsi que les photos de Francesca Woodman, qu’il avait déjà exposées à Boston. Après notre rencontre, nous lui avons proposé d’organiser une exposition à la Fondation sur le thème de l’autoreprésentation dans laquelle interviendraient uniquement des femmes photographes. Ce thème a été souvent utilisé par les artistes féminines qui dépassant la simple autoreprésentation d’elles-mêmes, font passer des messages, partagent leurs opinions et font écho de leur protestation, et de leurs combats, dans une société qui prend enfin conscience de leurs talents et des frustrations qu’elles affrontent.
Sur les murs, les œuvres de six photographes talentueuses voire iconiques comme Francesca Woodman, Cindy Sherman, Amina Benbouchta, Safaa Mazirh, Fatima Mazmouz et Fatima Zohra Serri. Quelle est la particularité de ces 7 photographes ?
Ce sont de grandes artistes qui abordent les thèmes de la représentation de la femme en privé et en public. Elles vont utiliser leurs visages et leurs corps, imaginer le décor de leur présence ou de leur absence, créer coiffures et maquillages, s’habiller, se déguiser ou se dénuder. Elles crient, elles chuchotent, elles contestent, elles critiquent : leurs images sont leurs mots.
Un mot sur les œuvres et les photographes marocaines ?
Pour comprendre leur univers, je vais reprendre certains de leurs propos ou des descriptions faites par leurs galeries ou le commissaire de l’une de leurs expositions. Amina Benbouchta raconte ainsi qu’« A Dar El Kitab, j’ai cherché à retrouver ma place de femme, de fille dans la hiérarchie ou les femmes ne sont pas maîtresses des écrits et des généalogies. « Elle a fusionnée dans sa vie et son travail ses racines musulmanes et européennes. » Pour le Cube Independent Art Room, « la photographe Fatima Mazmouz a transformé son enveloppe charnelle en territoire politique marqué par le féminisme postcolonial, la mémoire, la résistance, la réécriture de l’histoire. » Pascal Therme met en avant le travail de Safaa Mazirh qui « s’est singulièrement imposé sur le plan formel et plastique que par sa puissance de création où le corps se déploie dans une sorte de transe mystérieuse où il met en scène un vocabulaire fait d’attitudes et de mystère. Les photographies de Safaa Mazirh sont les fragments de son imagination détachée de la réalité. » Quant à Fatima Zohra Serri, elle confie que ses photos sont le reflet de sa vie quotidienne et celles d’autres femmes. « Je veux détruire les obstacles que la communauté et d’autres sociétés ont érigés », écrit-elle