La rentrée littéraire 2024 s’annonce riche. Maylis de Kerangal, Gaël Faye, Amélie Nothomb, … 459 nouvelles publications sont attendues pour assouvir notre soif de lecture. Dans cette dynamique des sorties, le Maroc n’est pas en reste : plusieurs livres passionnants et captivants sont publiés. Parmi eux, “Ciné Casablanca -La Ville Blanche en 100 films” de Rabéa Ridaoui, animatrice culturelle et présidente de Casamémoire (2019-2023) et Roland Carrée, docteur en études cinématographiques de l’Université Rennes 2 et enseignant en Cinéma à l’ESAV (Ecole Supérieur des Arts Visuels) à Marrakech. Publié aux éditions Le Fennec, ce livre propose aux lecteurs une visite unique de la ville à travers le cinéma. “Itto” de Jean Benoit-Lévy et Marie Epstein (1934), “Salut Casa !” de Jean Vidal (1952), “Bob Fleming… “Mission Casablanca” d’Antonio Margueriti (1966), “Le Retour de la panthère rose” de Blake Edwards (1975), “Casablanca, Casablanca” de Farida Benlyazid, (2002), … Cent films, nationaux ou étrangers, du début du XXème siècle à aujourd’hui, ont ainsi été minutieusement sélectionnés pour conter autrement la ville économique. Du choix des lieux aux intentions artistiques en passant par le contexte historique et architectural, tout y est décrypté pour offrir une autre vision, peut-être peu ou mal connue, de Casablanca. Porté en partenariat avec l’Institut français du Maroc, cet ouvrage qui regorge de photos inédites, a demandé quatre années de travail. Autre publication chez Le Fennec : “La Porte Bleue”, un livre collectif coordonné par Jamila Hassoune, ex-libraire à Marrakech et initiatrice de la Caravane du livre (The Book Caravan ) qui sillonne les oasis et les douars du Haut Atlas pour partir à la rencontre des jeunes. Les auteurs ? Une quinzaine de femmes de la Medina de Marrakech. “Ce livre est le résultat des ateliers d’écriture lancés par la Fondation Ain Agadem Maroc auxquels ont participé ces femmes qui avaient initialement des notions limitées en lecture et écriture”, explique la coordinatrice. “Elles ont été enthousiastes à l’idée de s’engager dans un processus d’écriture. Pour elles, il était important de partager leurs histoires et leurs expériences en abordant des thèmes variés comme le mariage, la belle-famille ou la nature.” “La Porte Bleue” est un livre sur la condition féminine des voix inaudibles. “Il est le premier d’un longue série”, espère Jamila Hassoune.
Philosophique ou poétique
Aux éditions Onze fondées par la psychothérapeute et écrivaine Ghizlaine Chraibi, les lecteurs vont pouvoir s’évader dans deux livres passionnants. Le premier: “Un bateau en papier flottant dans les airs, suivi de Séisme” de Mohamed Hmoudane. Ce texte dense et bouleversant plonge le lecteur dans un univers poétique. Structuré en deux parties, l’ouvrage invite à explorer les méandres de l’âme humaine tout en ressentant les secousses d’un monde en perpétuel désordre, comme l’explique l’auteur qui a, à son actif, plusieurs ouvrages poétiques, romans et traductions. D’une puissance dévastatrice, “Un bateau en papier flottant dans les airs, suivi de Séisme” n’épargne, une nouvelle fois, rien ni personne, continuant de résonner bien après la dernière page. La seconde publication attendue : “Marrakech, désamour” de Patrick Lowie, écrivain belge passionné et passionnant, amoureux du Maroc. L’histoire ? Un narrateur, anonyme, qui s’adresse directement à son « épouse », la ville de Marrakech, dans un long monologue où il retrace les différentes étapes de leur relation, comme le détaille l’auteur. Les paroles sont intenses et poétiques. À travers sa voix, l’auteur, connu pour sa plume délicate et singulière, réussit à brouiller les pistes entre l’individu et la ville, l’amour et le désamour. Au fil des pages, le lecteur est entraîné dans une quête identitaire fascinante. Dramaturge, plasticien, romancier, traducteur et éditeur, Patrick Lowie offre une œuvre riche et complexe, un récit onirique bouleversant.
Réflexions et critiques
À La Croisée des Chemins, c’est un essai captivant et percutant qui est dévoilé : “Maroc-France. Mensonges et préjugés” de la journaliste et écrivaine Zakya Daoud. Dans ce livre, l’autrice aux mille et un ouvrages aussi passionnants les uns que les autres, revient sur les relations entre le Maroc et la France. “Sa prise de recul et sa lecture fine, tant historique qu’analytique, permet d’appréhender différemment ce partenariat qui est loin de n’être qu’économique”, décrit sa maison d’édition. Des relations qui sont aussi anciennes que tumultueuses. “Condamnées à se fréquenter en raison d’une relative proximité géographique, puis du fait des aléas de l’histoire et des nécessités du commerce, même avant le choc de la colonisation, les deux capitales sont souvent passées de l’amour à la détestation, avant de se rapprocher, les nécessités de l’heure et de l’économie allant au-delà des griefs éphémères”, rappelle La Croisée des Chemins. Aux éditions En Toutes Lettres, deux livres à venir : “Les droits culturels de la personne”, un ouvrage collaboratif coordonné par Danielle Pailler (collection Les Questions qui fâchent) et une réédition augmentée de “Maroc : la guerre des langues ?” collectif dirigé par Kenza Sefrioui (collection Les Questions qui fâchent). Le premier livre est un plaidoyer porté par 19 voix (artistes, acteurs/actrices, citoyen.nes et chercheur.es d’horizons disciplinaires et géographiques multiples), du Maroc et du Sud Global (comme le Chili, Cameroun, Turquie, etc.) pour la reconnaissance des cultures endogènes et des patrimoines intérieurs. En d’autres termes, ces droits culturels dont chacun d’entre nous est porteur. Ainsi, Brahim El Mazned, directeur artistique évoque, dans son texte “Urgence: Préserver un trésor national”, l’importance de la valorisation, de la récupération et de la préservation du patrimoine culturel marocain immatériel. Ou encore le chercheur en sociologie Mohamed Oubenal dans “Les cultures locales entre mépris et valorisation” avec l’histoire de la minoration des cultures amazighes, depuis la colonisation et après l’indépendance. Quant à la réédition augmentée de “Maroc : la guerre des langues ?”, trois textes viennent s’y ajouter : deux sur la question de l’amazigh et un troisième sur l’anglais signés respectivement par Fadma Farras, Aboulkacem El Khatif et Kaoutar Ghilani, venant compléter une série de papiers décryptant les enjeux – sociaux, économiques et politiques- des langues. “Le poids de l’histoire coloniale, les hégémonies géopolitiques et les fractures sociales ont installé des représentations souvent caricaturales : français langue de modernité vs arabe assigné à la religion et à la tradition, darija et amazigh dialectes et simples outils de communication vs arabe littéral langue écrite, etc.”, indique la maison d’édition. Dans ce livre, écrivains et intellectuels analysent ces rapports de force pour mieux passer outre. Ils plaident l’ouverture !
Et en littérature jeunesse ?
Les éditions jeunesse au Maroc, Yomad, dévoile, en octobre, “L’âne qui changea le monde” de Mostapha Kebir Ammi. Les illustrations sont signées Rita G. Rivera. Ce livre de 40 pages (couleur / format 21 x 24) raconte l’histoire d’un âne qui, ayant vu ses parents violentés par leur maître, décide d’apprendre la langue des humains afin de dénoncer la maltraitance des animaux.
Ce petit âne veut montrer au monde entier que les animaux sont des êtres susceptibles de souffrance. Une grande et belle mission !