Votre livre de chevet ?
Le livre des Questions d’Edmond Jabès. Toute son œuvre tend vers ce même élan, ce désir absolu d’atteindre à travers une vérité qui mènerait la parole vers le cri originel.
Quel roman vous a longtemps habitée ?
La Trilogie d’Agota Kristof : Le Grand Cahier, La Preuve, Le Troisième mensonge. La puissance de ce texte réside dans l’extraordinaire profondeur et dans la sidérante simplicité de sa langue, âpre, minimaliste, à la fois brute et elliptique dans l’évocation du quotidien de deux jumeaux élevés par une grand-mère marâtre, séparés ensuite par la guerre, et qui s’inventent une vie en parallèle.
Quelle lecture féministe vous a fait ouvrir les yeux ?
Au-delà des livres de Simone de Beauvoir achetés par ma mère, ce qui m’a frappée, très jeune, avec La Cause des Femmes de Gisèle Halimi, c’est cette connexion entre la parole et l’action : pouvoir transformer, en tant qu’avocate, les mots en actes. Plus tard, Rêves de Femmes de Fatima Mernissi, comme clef d’entrée dans le féminisme du monde arabe. Quant aux romans d’Assia Djebbar, ils me touchent particulièrement par la manière dont ils font entendre les voix de femmes dans une forme de dépassement universel. Et je mesure l’aura de l’Egyptienne Nawal Al Saadawi, décédée en 2021, dont j’aimerais lire La face cachée d’Éve, les femmes dans le monde arabe.
Quel ouvrage auriez-vous aimé écrire ?
Thésée, sa vie nouvelle, de Camille de Toledo, un texte habité par la nécessité d’une quête et qui recrée “entre la langue et les choses” un douloureux chemin d’incarnation. À travers la figure mythologique de Thésée, le monstre du labyrinthe prend le visage de chair des fantômes d’une lignée familiale qui continuent de le hanter mais qu’il délivre tout en s’en délivrant par la seule puissance des mots. Un livre “corps-mémoire”, tombeau et “revivance”, qui travaille de manière bouleversante le matériau de l’écriture.