Vous avez dévoilé la programmation de la 21ème édition du FIFM. Comment la qualifieriez-vous ?
C’est une année exceptionnelle, avec une programmation d’une grande diversité et la présence de nombreuses personnalités de premier plan. Nous présentons 71 films en provenance de 32 pays, dont 9 films en première mondiale et internationale, 9 films qui représentent leurs pays dans la course aux Oscars, ainsi que 12 films marocains et 12 films issus des Ateliers de l’Atlas, le programme de développement de talents du Festival de Marrakech. Le film d’ouverture est « The Order » du réalisateur australien Justin Kurzel, dont le premier film avait été primé à Marrakech en 2011 et qui était membre du jury du Festival en 2019. Marrakech est le seul festival où son producteur a accepté de montrer son nouveau film cette année, après qu’il ait figuré en compétition officielle à la dernière Mostra de Venise et dans la sélection du Festival de Toronto. « The Order » est un thriller intense d’une grande maîtrise qui nous plonge dans le milieu des suprémacistes blancs dans les États – Unis des années 80. Jude Law y campe l’un de ses meilleurs rôles et on entendra certainement beaucoup parler de lui lors de la prochaine saison des prix ! La compétition officielle, qui est la section phare du Festival, dédiée à la découverte de jeunes cinéastes qui font un premier ou un deuxième long métrage, présente 14 films en provenance des 6 continents. Les autres sections recèlent aussi bien des pépites à découvrir que des films d’auteurs connus et des films grand public. Je voudrais saluer d’ailleurs à cette occasion le travail de Rémi Bonhomme, le directeur artistique et du comité de sélection. Ils ont visionné plus de 1000 films cette année pour aboutir à cette sélection. Le programme Conversations connaît une véritable montée en puissance cette année, avec 15 conversations au lieu de 10 l’an dernier. Nous sommes très heureux d’accueillir d’immenses cinéastes comme Tim Burton, Justine Triet, Alfonso Cuarón, Todd Haynes ou Ava DuVernay, entre autres, qui viendront à la rencontre du public au théâtre du complexe Meydene à M Avenue.
Quelle est la place des femmes dans cette édition ?
Les femmes ont toujours eu une place très importante au Festival de Marrakech, qu’elles soient réalisatrices, actrices, productrices, scénaristes ou autres. Cette année, on retrouve des films réalisés par des femmes dans toutes les sections du Festival. 5 réalisatrices présenteront leurs films en compétition lors de cette 21e édition : la réalisatrice argentine Silvia Schnicer (La Quinta) ; la réalisatrice française Laura Piani (Jane Austen a gâché ma vie), la réalisatrice d’origine marocaine Hind Meddeb (Soudan, souviens – toi), la réalisatrice franco – algérienne Dania Reymond – Boughenou (Les tempêtes) et la réalisatrice australienne Gabrielle Brady (The wolves always come at night). Dans la section gala, nous allons présenter le très beau film de Carine Tardieu, L’Attachement, dont le rôle principal est tenu par Valeria Bruni Tedeschi qui y livre l’une de ses meilleures interprétations récentes. Dans la section Séances spéciales, on retrouvera notamment All we imagine as light de la révélation indienne, Payal Kapadia, qui a obtenu le Grand Prix au dernier Festival de Cannes. Ou Bird, le dernier film de la cinéaste britannique Andrea Arnold, qui était membre du jury du Festival de Marrakech en 2019. Dans le panorama du cinéma marocain, on présentera en première mondiale le documentaire sensible de Simone Bitton, Les Mille et un jour du Hajj Edmond. Comme toujours, les femmes occuperont une place centrale au Festival de Marrakech cette année.
Dans le jury présidé par le réalisateur italien Luca Guadagnino, quatre artistes féminines : la réalisatrice indienne Zoya Akhtar, l’actrice américaine Patricia Arquette, l’actrice belge Virginie Efira, et l’actrice marocaine Nadia Kounda. Comment s’est fait ce choix ?
Zoya Akhtar est actuellement la plus grande réalisatrice de Bollywood. Ses films sont très engagés et elle a une grande connaissance du cinéma international. Virginie Efira est devenue incontournable dans le cinéma français ces dernières années et ses choix de films témoignent d’une grande cinéphilie. Patricia Arquette a tourné avec les plus grands auteurs américains (David Lynch, Martin Scorsese, Richard Linklater, Tim Burton, …). Nadia Kounda a tourné avec des réalisateurs marocains de premier plan comme Faouzi Bensaïdi, Narjiss Nejjar ou Meryem Benm’Barek. Ce sont, toutes les quatre, des femmes engagées et cinéphiles qui pourront évaluer à leur juste valeur les 14 films de la compétition.
Parmi les moments forts à venir : les hommages rendus à trois figures du cinéma : l’actrice marocaine Naima Lamcherki, disparue récemment, l’acteur et réalisateur américain doublement oscarisé Sean Penn et le réalisateur canadien David Cronenberg. Pour vous, qu’ont-ils apporté au septième art ?
J’ai été attristée par le décès de Naïma Lamcherki car je la connaissais depuis 24 ans à travers le Festival. C’était une immense actrice et une grande dame. Elle a marqué le cinéma marocain en interprétant de nombreux rôles très différents. Elle pouvait tout jouer ! J’ai toujours eu le plus grand respect pour elle. Sean Penn est pour moi l’un des plus grands acteurs au monde. Il a un jeu d’une très grande finesse et d’une intensité peu égalée. Il est aussi un acteur caméléon et parfois méconnaissable. C’est aussi, ne l’oublions pas un réalisateur confirmé avec des films acclamés par la critique comme The Pledge, Indian Runner ou Into the wild. Il vient pour la première fois au Maroc grâce au Festival et je suis sûre qu’il va y recevoir un accueil très chaleureux. Quant à David Cronenberg, il est à la tête d’une filmographie d’une rare cohérence, comme celles de Kubrick ou Fellini. Il est considéré comme l’un des plus grands cinéastes dans le monde et détient un record de films sélectionnés à Cannes en compétition. Et là, il revient avec un grand film sur le deuil et la folie solitaire du chagrin, une lettre d’amour pour sa femme décédée en 2017.
J’imagine que tout n’a pas encore été dévoilé… Mais, donnez-nous quelques indices… Quelles « surprises » sont prévues pour cette édition ?
Nous inaugurons un nouveau type de conversation cette année, Monica Bellucci viendra illuminer de sa présence solaire une discussion avec le public du musée Yves Saint Laurent autour du film documentaire « Maria Callas Monica Bellucci : une rencontre ». Parmi les personnalités attendues, Valeria Golino viendra remettre son Étoile d’or à Sean Penn et Diane Kruger celle de David Cronenberg. Et nous attendons d’autres personnalités encore …