Rendez-vous est pris devant la salle 8 du Megarama, quelques minutes avant la projection de “Jours d’été”. Après des salamalecs chaleureux, on s’installe sans chichi dans le hall du cinéma pour notre interview. Le regard est pétillant, le sourire est franc et l’excitation pour ce nouveau rôle est palpable. C’est qu’il s’agit pour Nadia de camper le personnage d’une jeune bourgeoise rebelle. Un rôle inhabituel pour elle. “Au départ, je devais jouer la gouvernante dans le film”, nous explique l’actrice. Mais ce genre de personnages, elle en a “un peu marre”. “J’ai déjà joué Malika dans Volubilis. J’ai insisté auprès de Faouzi pour avoir le rôle de Rita. Dans le film, je suis une ado complètement déjantée et j’adore ça !”. Nadia adore jouer tout court. Pas que jouer d’ailleurs. Elle aime aussi chanter et danser. “C’est ce qui me fait le plus vibrer dans la vie”, nous avoue-t-elle. En 2008, alors qu’elle est encore au lycée, cette native de Casablanca décroche son premier rôle dans “tentations”, un court-métrage de Mohcine Nadifi, et plus tard un rôle dans la série “Lfarqa” de Mohamed Nosrat. Ça y est, le virus de l’acting est chopé. Ses parents l’encouragent à poursuivre des études “sérieuses” pour assurer ses arrières. Bac en poche, elle opte pour l’ingénierie à l’école polytechnique de Casablanca, sans grande conviction, tout en continuant à passer des castings. Elle obtient des rôles, essuie quelques échecs, et puis, en 2011, arrive la consécration. Alors qu’elle était en 3ème année d’ingénierie, elle obtient un rôle dans le film “L’Amante du Rif” de Narjiss Nejjar. Un rêve qui se concrétiste pour la jeune femme qui a toujours voué une admiration pour la grande cinéaste. Les propositions commencent à pleuvoir, Nadia prend du galon. Alors que d’autres auraient continué sur cette belle lancée, Nadia surprend. Elle arrête tout. Elle s’envole pour Montréal et troque sa carrière au Maroc contre des études cinématographiques. La jeune femme est pleine de fougue et a soif de s’abreuver de cinéma. “J’étais jeune et je n’avais rien à perdre… Et puis, j’ai estimé qu’il fallait que je me cultive et que j’étudie tout le côté théorique, technique et historique du cinéma. C’était important pour moi”, précise-t-elle.
“Je n’ai pas peur de l’intimité”
Depuis 2012, Nadia Kounda enchaine séries télévisées à succès et films avec talent. Elle est retenue dans plusieurs castings, notamment “L’Anniversaire” de Latif Lahlou, “Paris à tout prix” de Reem Kherici ou encore “Certifié hallal” de Mahmoud Zemmouri. En 2014, elle signe avec la chaine Medi 1 TV pour incarner le personnage de Shéhérazade dans la série télévisée “Mille et une nuits” de Anouar Moatassim. Deux ans plus tard, l’actrice travaille avec le réalisateur Faouzi Bensaïdi pour le long métrage “Volubilis”. Le rôle “le plus marquant” de sa carrière. Nadia y reçoit le prix du “Meilleur rôle féminin” pour son interprétation et est nommée “Étoile d’or” au El Gouna Film Festival. Elle cumule ensuite les rôles d’importance dans “The swimmer” (2017), “Hawa ya hawa” (2017), “Mon père n’est pas mort” (2018), “Une femme dans l’ombre” 2022, “Un couple heureux” (2023), et beaucoup de courts-métrages avec des jeunes talents…Côté perso, Nadia est maman de deux enfants. Pour elle, la maternité est un océan d’amour. Elle a “apaisé” ses angoisses et lui a donné “une force incroyable”. Elle n’a jamais eu du mal à concilier sa vie de maman et les plateaux de tournage. “Je crois que le cinéma est l’un des métiers qui offre cette flexibilité et permet de vivre sa maternité sans stress” nous confie l’actrice. Et puis elle est aussi un peu féministe, même si elle n’aime pas trop ce terme. Elle défend le droit à l’avortement, l’égalité salariale… Elle a le poil qui se hérisse lorsqu’on parle de la vie des mères célibataires, du harcèlement et des violences faites aux femmes. “Il faut que ça bouge !”, s’offusque-t-elle. D’ailleurs, elle aimerait aussi que ça bouge dans sa vie professionnelle. Aujourd’hui, la jeune femme de 34 ans est en quête de rôles qui prennent aux tripes. L’intimité ne lui fait pas peur, à condition que le scénario soit bien écrit et que ce soit justifié. “J’ai fait beaucoup de films d’auteurs, maintenant, j’aimerais sortir des rôles lisses et carrés. J’ai envie de jouer une mère alcoolique, une danseuse de cabaret. Je veux du trash, de l’explosif !”. Narjiss Nejjar avait dit à son sujet qu’elle était l’une des actrices marocaines les plus libres qu’elle connaisse. “Je ne sais pas pourquoi elle a dit cela. Tout ce que je sais, c’est que j’aime repousser mes limites lorsqu’il s’agit de chercher la vérité et la beauté.” Courez donc dans les salles obscures pour voir la mise en abîme de cette actrice qui n’a pas dit son dernier mot.