C’est un sujet qui ne s’épuise jamais. L’ambition de conjuguer vie de couple, maternité et réussite professionnelle est légitime et devrait être à la portée de tous les parents. Pourtant, pour de nombreuses femmes, cet objectif ressemble à un rêve lointain. Elles jonglent avec des responsabilités de plus en plus lourdes au travail, tout en étant attendues à la maison pour s’occuper du foyer et des enfants. “On nous demande de réussir sur tous les fronts, mais sans jamais nous en donner les moyens”, s’indigne Leila, cadre supérieure à Casablanca. Comme tant d’autres, elle exprime la pression immense à laquelle les femmes sont soumises : être performantes au bureau tout en restant disponibles pour leur famille. “Les attentes sont si élevées qu’on en vient parfois à se demander si on arrivera un jour à tout concilier.”
Des normes pesantes
Depuis le début des années 2000, le Maroc a observé une chute préoccupante du taux d’activité des femmes, passant de 28,1 % en 2000 à seulement 19 % en 2023, d’après une étude du Haut-Commissariat au Plan (HCP) datant de 2024. Cette tendance est marquée par des avancées réalisées dans l’éducation et l’accès au marché du travail pour les femmes. Tandis que de plus en plus de jeunes femmes intègrent des secteurs autrefois dominés par les hommes, leur implication économique demeure faible. L’étude révèle également que 74 % des femmes inactives se déclarent femmes au foyer, un choix parfois dicté par des impératifs familiaux. La garde des enfants et les responsabilités domestiques sont fréquemment citées comme les principales raisons de cette inactivité.
En effet, les “normes” sociales continuent de jouer un rôle majeur dans la manière dont les femmes perçoivent leur place dans le monde actif. Bien que les mentalités évoluent, l’image de la femme dévouée à son foyer demeure prégnante. “Cette vision est souvent renforcée par des pressions familiales et sociétales, qui limitent les possibilités pour les femmes de s’épanouir professionnellement”, explique Tarik El Mlih, coach formateur et mindset trainer. Pour ce dernier, l’équilibre entre carrière et vie familiale est atteignable, à condition de mettre en place des stratégies précises. “Les femmes qui réussissent à trouver cet équilibre bénéficient souvent d’un soutien actif de leur conjoint. Une communication ouverte et une répartition équitable des tâches sont essentielles”, souligne-t-il. “C’est dans cette dynamique de coopération que l’on peut exceller, à la fois au plan personnel et professionnel.”
Malgré l’accès croissant à l’éducation et une participation plus importante au marché du travail, les femmes marocaines continuent de faire face à un environnement professionnel contraignant. Le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes, s’établissant à 18,3 % contre 11,5 % pour les hommes en 2023. Ce constat reste tout de même biaisé par le fait que 41,5 % des femmes actives travaillent dans le secteur agricole, un secteur qui reste dominé par la saisonnalité. Les discriminations, le harcèlement et le manque de soutien pour concilier travail et vie familiale sont également des défis récurrents. “Les entreprises doivent elles aussi promouvoir la flexibilité au travail, non pas comme un privilège, mais comme une nécessité pour permettre aux femmes de s’épanouir dans leurs carrières”, affirme Alexandra Montant, directrice générale adjointe de Rekrute.com. Elle ajoute que la performance des salariées, indépendamment de leur genre, est directement liée à leur bien-être émotionnel, et que des politiques de travail plus souples pourraient grandement améliorer leur qualité de vie.
Peut-on tout avoir ?
La question de savoir s’il est possible d’avoir une carrière florissante et une vie de famille épanouie reste au cœur des préoccupations des femmes marocaines. Pour certaines, cet équilibre est atteignable grâce à des choix de vie stratégiques et à un soutien actif de leur entourage. Pour d’autres, cette quête ressemble davantage à une course sans fin, où chaque avancée professionnelle semble se faire au détriment de la vie familiale, et vice versa. “L’objectif n’est pas de tout avoir, mais de faire des choix éclairés”, rappelle Alexandra Montant. Elle souligne que la clé réside dans la capacité à prioriser et à accepter que certains aspects de la vie doivent être temporairement mis en retrait pour en privilégier d’autres. “Les actions collectives, tant au niveau des entreprises que des foyers, sont essentielles pour créer un environnement où les femmes peuvent réussir sans avoir à se sacrifier.”
Ainsi, l’équilibre entre carrière et vie de famille reste un idéal pour de nombreuses Marocaines, un idéal qui semble de plus en plus difficile à atteindre dans un contexte marqué par des inégalités persistantes et des attentes sociales rigides. Car, il faut le reconnaître, quand il s’agit d’exigences familiales, il est considéré comme allant de soi qu’il est de la responsabilité de la femme de sacrifier ses ambitions professionnelles sous peine d’avoir sur la conscience l’éventuel mal-être de ses enfants et de son mari . Et c’est de ne pas pouvoir se rebeller contre cette “exigence” qu’il est souvent question.
Conseils pratiques de Tarik El Mlih, coach formateur et mindset trainer
1. Privilégier la communication ouverte: Une discussion constructive avec votre conjoint peut résoudre bien des conflits.
2. Clarifier les attentes: Soyez explicite sur vos besoins et attentes, tant au plan professionnel que familial.
3. Aborder les sujets avec des faits : Restez pragmatique, tout en reconnaissant l’importance des émotions dans la gestion du quotidien.
4. Mettre en place une organisation minutieuse: Le foyer est un projet partagé, un plan bien pensé est essentiel pour éviter les débordements.
5. Cultiver la confiance mutuelle : Un couple fort repose sur la confiance et le respect réciproques.
6. Reconnaître les besoins de chacun : Chacun doit trouver son épanouissement dans l’équilibre collectif.
7. Éviter la recherche de la performance à tout prix : Le repos est indispensable, la performance ne peut être durable sans pauses régénératrices.
