FDM : A quoi vous destiniez-vous avant de devenir comédien ?
Youssef Ksiyer : J’ai fait des études de business administration à l’université Al Akhawayn, et j’ai travaillé pendant trois ans dans la communication et le marketing. Puis, je me suis lancé corps et âme dans l’écriture, l’interprétation et la comédie.
Pourquoi cette envie subite de faire de la comédie ?
J’ai toujours été comédien. J’aime la scène et faire rire les autres, mais je voulais tout de même avoir une expérience professionnelle pour tenter le coup. Je pense que cette passion est profondément ancrée dans mes gènes. Mon père est médecin et donne des cours à la fac dans des amphithéâtres, devant des centaines d’étudiants. Comme lui, j’aime prendre la parole devant les gens et dans mon cas, c’est pour les faire rire !
A quel moment avez-vous décidé de sauter le pas ?
En montant pour la première fois sur la scène d’un théâtre, j’ai eu le sentiment que j’étais à ma place. Lors de mon premier stand up, j’étais face à un public de 500 personnes et je n’en menais pas large. J’ai joué le texte que j’avais écrit et les gens ont ri. C’était incroyable ! Et cerise sur le gâteau, j’ai remporté le 1er prix et ai eu droit à une standing ovation. A ce moment précis, j’ai su que c’était ce que je voulais faire. Malgré tout, j’ai essayé de mener de front une vie professionnelle classique et mon nouveau métier de comédien, mais l’un empiétait trop sur l’autre et j’ai donc décidé de tout plaquer pour ne me consacrer qu’à la comédie.
Que ressentez-vous en montant sur scène ?
Dès qu’on monte sur scène, qu’on est face au public et que de surcroît celui-ci se montre réceptif, on ressent un flux d’énergie incroyable qui circule dans la salle. Il ne s’agit pas seulement de rire, mais d’une foule de sentiments et de sensations. Compassion, joie, tristesse… tout s’entremêle et on devient tout de suite accro à cette énergie que nous donnent les spectateurs. La scène, c’est quelque chose d’authentique et de très particulier. Les sensations qu’elle nous procure sont uniques.
Comment sait-on qu’on est suffisamment drôle pour pouvoir faire du rire son fond de commerce ?
Dans mon groupe d’amis, disons que je suis le rigolo de service, celui qui raconte des blagues et qui tourne en dérision toutes les situations du quotidien. Mais il faut savoir que n’importe quelle vanne qui nous vient du premier coup doit encore être travaillée avant de pouvoir être exploitée dans le cadre d’un spectacle. L’écriture est très importante, et il faut que je me mette en condition. Cela peut me prendre n’importe où et je gribouille des idées à droite et à gauche, avant de toutes les regrouper et de rendre le tout homogène. Travailler un texte, c’est un peu comme accorder une guitare. Dans un spectacle, tout est question de tempo. Quand Gad Elmaleh monte sur scène, il faut compter quatre vannes par minute, et ce rythme est le même tout au long du show.
Je n’attends pas que quelqu’un m’appelle. Je crée mes propres projets car je crois en ce que je fais. Et quand bien même mon public est encore petit, il me suit et c’est pour lui que je joue.
Quel regard les gens posent-ils sur votre activité de comédien ?
Il faut avoir du courage et beaucoup de conviction pour faire ce métier et affronter les commentaires des gens. La première question qu’on vous pose en général c’est : “Alors ça va, c’est pas trop dur ?”. Les gens ne comprennent pas encore qu’on puisse vivre de l’art. Pour eux, un artiste est un assisté, quelqu’un qui va jouer pour gagner l’argent qui lui permettra de se payer à manger et de subvenir à ses besoins. Mais c’est faux, et il est temps d’effacer cette image-là. Aujourd’hui, il n’y a plus que des comédiens entrepreneurs. Je n’attends pas que quelqu’un m’appelle pour me dire de venir jouer sur scène, je crée mes propres projets. Je crois en ce que je fais et quand bien même mon public est encore petit, il me suit tout de même et c’est pour lui que je joue. D’ailleurs, aujourd’hui, j’ai créé ma propre boîte de com’ et je compte aussi monter une boîte de production prochainement, pour être autonome et aller au bout de mes envies.
Mais les gens comprennent-ils qu’on puisse gagner sa vie en faisant rire ? Etes-vous pris au sérieux ?
A première vue, on est confronté d’emblée au stéréotype du gars qui fait rire mais qui n’a ertainement rien d’intéressant à dire. Etre humoriste, c’est être catalogué “rigolo de service”. Mais tout comme il y a différents types de musique, il y a aussi différents types d’humour : intelligent, bête, premier degré, politique… On n’écoute pas de la même manière un comique engagé qui fait rire tout en posant le doigt là où ça fait mal, et quelqu’un qui fait des pirouettes pour divertir.
Etes-vous en train de réaliser le rêve de votre vie ?
Mon thermostat, c’est le matin au réveil quand je me lève pour aller travailler et que je suis heureux parce que je sais que je fais ce que j’ai envie de faire. Aujourd’hui, tout a un sens. Si j’ai décidé de quitter mes études et mon boulot pour faire du stand up, c’est parce que j’étais tout simplement à la recherche du bonheur. Je n’ai pas besoin d’une grosse bagnole pour me sentir bien, ce qui m’importe, c’est de faire ce que j’aime. Ensuite, faire adhérer les gens à mon univers, c’est une autre histoire… â–