Toujours pas de statut pour les mères célibataires (témoignages)

Stigmatisée, marginalisée, les mères célibataires ont été les grandes oubliées du Code de la famille et du Code pénal. Plongée émouvante dans les parcours et les histoires de ces citoyennes de seconde zone.

Dans les locaux de Solidarité Féminine, une dizaine de mamans célibataires a partagé avec nous son expérience de vie et nous a raconté ce moment fatidique où tout a basculé. Les histoires sont quasi-identiques, les témoignages aussi poignants qu’émouvants. Obligées de se débrouiller en dehors du cercle familial pour échapper au déshonneur, elles avouent que leur seul souci aujourd’hui est d’assurer une vie décente à leur enfant.

Saïda, 28 ans, originaire de Zagora

“Lorsque je suis tombée enceinte, je suis venue à Casablanca. J’avais pour idée de confier mon bébé à une famille pour en prendre soin, et ensuite revenir chez moi. Mais au moment de signer l’engagement de renonciation au tribunal, j’ai hésité. La femme qui m’hébergeait m’a alors chassée de chez elle. Je me suis retrouvée dans la rue. Grâce à Dieu, j’avais gardé  le contact de l’assistante sociale Wahiba rencontrée avant mon acouchement. J’ai donc rejoint l’association Solidarité Féminine qui m’a aidée à établir les papiers pour ma fille. Je reçois également une formation en cuisine et pâtisserie… Mes parents connaissent aujourd’hui la vérité, mais je ne compte pas retourner vivre avec eux, car ils refusent que je vienne avec ma fille…”

Zohra, 30 ans, originaire d’El Jadida

“je suis arrivée à Casablanca quelques jours avant mon accouchement. Solidarité Féminine m’a aidée à garder ma fille et à apprendre les métiers de coiffure et de bien-être (gommage et  massage). Ma formation se termine dans 6 mois, et j’espère trouver rapidement un métier qui me permettra d’élever dignement ma fille. Ma famille connaît à présent ce qui m’est arrivée, mais ce qui me désole, c’est leur attitude et les mots blessants et humiliants qu’ils prononcent à notre encontre. C’est vrai que j’ai commis une erreur, mais je ne peux pas revenir en arrière. Ma famille m’a laissée tomber, moi, je ne laisserais jamais tomber ma fille.”

Fatima Zahra, 31 ans, originaire de Rabat

“J’ai accouché à l’hôpital seule. Ma mère, ayant appris la nouvelle, est venue me voir et m’a incitée à donner mon enfant, mais j’ai refusé. Elle avait peur du qui dira-t-on, des voisins, et a refusé catégoriquement que je revienne à la maison. J’ai vécu des moments durs et difficiles, j’ai dormi dans la rue, mon fils est tombé malade, et je n’avais rien à lui donner, ni médicaments ni lait, ni couches … J’étais au bout du rouleau, et j’ai décidé d’aller voir ma mère qui s’occupait alors de ma sœur qui venait d’accoucher. Elle m’a fermé la porte au nez. J’ai pourtant décidé de laisser mon bébé devant sa porte et de partir. Le soir, les flics m’ont appelé. Ma mère leur avait amené mon fils. J’ai décidé de le reprendre et de reprendre ma vie en main. Ayant appris l’existence de Solidarité Féminine,  je me suis débrouillée pour  la rejoindre. Cela m’a sauvée. J’espère apprendre un métier qui me permettra de m’en sortir…”

Ibtissam, 29 ans, originaire de Taounat

“J’étais fiancée et on devait bientôt se marier. La mère de mon futur mari était tombée gravement malade, et il m’a demandé de venir la soigner. Contre l’avis de mes parents, je  suis partie m’installer chez lui à Tinghir. Je suis tombée enceinte au bout de 7 mois de vie commune. Je lui ai demandé de revenir chez ma famille pour régulariser la situation, mais à chaque fois, il trouve un prétexte pour retarder cette visite. J’avais peur de prévenir ma famille à son insu… Un jour, alors que j’étais à mon 8huitième mois de grossesse, il m’a emmené à Casablanca pour voir ses oncles. Mais dès que nous sommes descendus du car, il a reçu un appel lui demandant de revenir d’urgence. Il est reparti sur le champ en me conseillant d’aller à l’hôtel. J’y suis restée à mes frais pendant un mois. Toujours sur ses conseils, je suis partie dans une clinique pour y accoucher. Il avait contacté un médecin, lui promettant qu’il allait venir pour régler les frais de l’accouchement. Mais il n’est jamais venu, et j’ai réglé moi-même les  9.000 DH de frais d’accouchement. Le médecin à qui j’avais raconté mon histoire m’a gardé pendant une semaine, avant de m’adresser au SAMU. J’y a été accueillie avec mes jumelles pendant quelques jours, puis Solidarité Féminine m’a accueillie. Mes parents ne ignorent ce qui m’est arrivée. Mon ex-fiancé n’est toujours pas venu voir ses filles pour les reconnaître…”

Nisrine, 28 ans, originaire de Meknès

“Cela fait 3 ans que je suis à Solidarité féminine. J’ai bénéficié de toutes les formations, et je peux travailler dès demain. Mon seul souci est de trouver une crèche pour garder mon fils mais ce n’est guère évident. Je suis prête à travailler de 8h à 19 h, à faire même des ménages, mais pour cela je dois trouver une solution de garde pour mon enfant. Mais je ne désespère pas, et je suis si heureuse d’avoir gardé mon fils. C’est ce qui me fait oublier le rejet de ma famille…”

Ilham, 26 ans, originaire d’un village près de Rabat

“Ma mère est décédée quand j’avais à peine 2 ans. J’ai commencé à travailler comme petite bonne à l’âge de 10 ans. J’étais bien traitée chez cette famille. Mon père venait tous les 4 ou 5 mois pour récupérer mon salaire. Quand je suis tombée enceinte, on m’a indiqué l’association qui m’a prise en charge et m’a formée. Le père de mon fils ne l’a toujours pas reconnu, et il se défile à chaque fois. Il promet toujours à l’assistante de venir. Je lui ai même certifié que je ne réclamerais jamais de pension alimentaire. Lui est marié, ce que je ne savais pas à l’époque où je le fréquentais… J’emmène souvent mon fils dans ma famille, et j’ai dit à mon père que je suis divorcée… J’ai grandi parmi des étrangers, et je ne veux pas que mon fils soit privé de l’amour et de la tendresse d’une famille.”

Siham, 23 ans, originaire de Rabat

“Je voulais confier ma fille à une famille pour l’élever. Une femme médecin m’a promis de s’occuper de mon accouchement et de m’aider à trouver la bonne personne. Ma seule condition était que mon bébé sache dès le début que j’étais sa mère, et que je continue à le voir. Mais ce médecin voulait vendre mon bébé contre de l’argent. Une femme m’a même offert 50 000 DH, mais que je coupe tout lien avec elle… J’ai voulu ensuite la confier à ma tante, mais elle aussi ne voulait pas que je reste dans sa vie… Grâce à ma mère qui avait réussi à cacher ma grossesse à mon père, j’ai accouché dans une clinique privée. Ensuite, je suis partie  à Casablanca chez une cousine qui a pris soin de moi. Mais je devais voler de mes propres ailes. Je suis donc venue à l’association et cela m’a beaucoup aidée à me reconstruire. Mon père qui m’adore et qui avait une confiance totale en moi connaît à présent la vérité, mais je n’arrive ni à lui parler ni à le regarder dans les yeux…”. 

Quels droits pour les mères célibataires ?

Le sujet des mères célibataires n’est plus un tabou au Maroc, mais l’exclusion à l’encontre de ces mamans célibataires et de leurs enfants existe toujours et vise toutes les couches de la société. “Les résistances sociales continuent à se nourrir de ces stéréotypes qui relient automatiquement une grossesse non désirée à un acte de prostitution. Cela accentue les souffrances dues à l’exclusion, à la marginalisation et à l’exaspération de la culpabilité”, constate avec beaucoup d’amertume Aïcha Ech-Chenna, présidente de Solidarité féminine, qui se débat depuis des décennies pour venir en aide aux mamans célibataires. Aidée d’assistantes sociales motivées et d’un staff acquis à sa cause, Aïcha Ech-Chenna accompagne les mères célibataires pour acquérir leurs droits, les réconcilier avec leurs familles, obtenir la reconnaissance de l’enfant par le père… Des formations dans les métiers de la coiffure, l’esthétique et le bien-être sont également prodiguées aux bénéficiaires, leur permettant au bout de 3 ans de voler de leurs propres ailes tandis que leurs enfants sont accueillis au sein de la crèche de l’association. Seule condition à cette prise en charge : les mamans s’engagent à garder leur bébé, à en prendre soin, à ne pas le maltraiter, à ne pas retomber enceinte, à adopter un comportement civique…

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