Pimpante de prime abord, Salima Belemkaddem est pourtant le genre de femme qui n’hésite pas à enfiler ses bottes pour monter au front. Son combat ? La protection de l’environnement. C’est la présidente du “Mouvement Maroc Environnement 2050”. “ J’ai grandi à Agadir dans une famille qui m’a inculqué une culture environnementale, m’apprenant notamment à économiser l’eau et l’énergie”, confie-t-elle. Poussant entre les forêt d’arganiers et l’océan, Salima Belemkaddem est devenue architecte-paysagiste. Au fil de ses années d’études à Rabat puis en France, sa sensibilité à l’environnement a évolué, se transformant en engagement pour le changement climatique. “Je crois que cela a toujours sommeillé en moi”, glisse-t-elle. Aussi, lorsque cette amoureuse de la nature voit, encore et toujours, des espaces végétaux détériorés et maltraités, elle décide de passer à l’action. Elle tente tout d’abord l’expérience du volontariat dans une association marocaine pour le civisme au début des années 2000, mais les travaux amorcés ne correspondent pas à ses attentes. Ce sera la même déception à travers son engagement politique quelques années plus tard dans un parti de gauche. “Le parti m’avait dit qu’il souhaitait développer une aile écologique, mais rien n’a été entrepris”, se désole-t-elle. Au bout de trois ans, elle quitte la vie politique. Son envie de se battre pour le climat étant toujours aussi forte, elle réfléchit et échange avec des groupes de citoyens pendant un an pour monter un projet. SON projet. “Je ne voulais pas bâtir ce qui a déjà été construit, appuie-t-elle. Je voulais un projet qui soit complémentaire aux travaux des autres associations et ONG luttant pour la même cause.” Ainsi, est né le “Mouvement Maroc Environnement 2050”.
Une remise en question
Le combat écologique est un combat de longue haleine. “La lutte pour la protection de l’environnement, c’est comme un jardin, compare Salima Belemkaddem. Les résultats ne sont pas visibles dans l’immédiat. Il faut être patient et continuer à planter, à parsemer des graines.” Lancé en janvier 2020, le “Mouvement Maroc Environnement 2050” a malheureusement connu des débuts laborieux en raison de la pandémie de Covid-19. “Pour moi, la crise sanitaire a été salutaire, nuance-t-elle. Elle m’a permis de recentrer mon énergie sur mon combat écologique grâce notamment à la lecture et à la recherche. Cela a ainsi renforcé mes changements de mode de vie entamés bien avant la crise sanitaire.” En effet, outre un mode de consommation éco-responsable, Salima Belemkaddem adopte la slow life, une philosophie de vie consistant à vivre en conscience et invitant à ralentir pour en apprécier les moments simples. Dans cette logique, cette quadragénaire consacre 50% de son temps à son travail et 50 % du reste à son mouvement. Car, comme elle le souligne dans la charte de son mouvement, “si nous n’agissons pas maintenant, si nous ne planifions pas maintenant des programmes réalisables immédiatement, à moyen et à long terme, demain, dans trois ou cinq ans, il sera déjà trop tard”.
Réveiller les consciences
Mais quelle est la réalité au Maroc ? “Selon le centre météorologique national, le pays a perdu 100 mm de pluie lors de la dernière décennie, la déforestation est évaluée en 1995 à 31.000 ha de surfaces forestières perdues chaque année (les régions les plus touchées étant le Rif et le Haut Atlas), 50% des zones humides ont disparu durant les 50 dernières années”, énumère-t-elle, avant de zoomer sur Casablanca: “La métropole concentre, à elle seule, 55% des unités industrielles que compte le pays, faisant d’elle, la ville la plus polluée du royaume. Aussi, le taux de pollution à Casablanca est de 100 μg/m3 contre une norme européenne de 40 μg/m3!” Et d’enchérir: “La ville compte seulement 1,5m2 d’espace verts par habitant contre 10m2 par habitant préconisé par l’OMS…” Face à un constat alarmant, Salima Belemkaddem tente de réveiller les consciences en enchaînant les posts sur les réseaux sociaux et les actions sur le terrain comme à Chefchaouen où plus de 1.500 hectares sont partis en fumées l’été dernier. Dans un post, la présidente du “Mouvement Maroc Environnement 2050” a ainsi pointé du doigt le manque de Canadairs et d’infrastructures forestières nécessaires à la lutte contre des incendies aggravés par la sécheresse, l’inconscience des usagers et le réchauffement climatique, ajoutant au passage qu’“il y a urgence de réviser les exigences actuelles du patrimoine forestier sous la pression du dérèglement climatique” puisque “l’environnement a changé, le climat est en train de changer, alors toutes les institutions nationales doivent changer d’approche”. Le “Mouvement Maroc Environnement 2050” aspire ainsi à être force de propositions pour une transition écologique durable à tous les niveaux.