Saadia Azgoun Dans la peau de la grande Chaïbia

Elle a porté le film de bout en bout comme si le personnage était taillé pour elle. En adoptant sa gestuelle, son flegme et son accent paysan, l’actrice a réussi à faire renaître Chaïbia de ses cendres.

FDM : Interpréter Chaïbia à l’écran est un sacré challenge. Que représente cette femme pour vous ?

Saadia Azgoun : C’est une battante, une autodidacte devenue l’une des artistes peintres les plus reconnues au monde. Elle a vécu dans la misère, au sein d’une famille pauvre et avec des parents qui la dénigraient et la traitaient de folle à longueur de journée.

Mariée à 13 ans, elle a dû très tôt endosser seule de grandes responsabilités, notamment celles de mère, puisque son époux décédera deux ans plus tard. Elle a travaillé dur afin d’assurer sa survie et celle de son fils. C’était une femme de ménage digne, qui n’a jamais courbé l’échine et qui a consacré sa vie à offrir à son enfant une vie meilleure. Son parcours est un exemple à suivre. Je l’aime et la respecte pour ça.

Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a proposé le rôle ?

Avant même que Youssef Britel, le réalisateur, ne commence la rédaction du scénario, il se demandait déjà qui allait pouvoir incarner Chaïbia. Un jour, il est tombé sur une photo de moi dans la peau du personnage de Mennana, pour la série “Bnat Lalla Mennana”, et il m’a contactée illico pour me proposer le rôle principal. Je lui ai d’ailleurs raconté que lorsque j’étais étudiante, j’amusais mes camarades en imitant Chaïbia lors de ses passages à la télévision. Cette anecdote l’a définitivement convaincu, et il m’a accordé le rôle.

Comment vous êtes-vous préparée pour incarner ce personnage ?

J’ai fait beaucoup de recherches et j’ai fouillé dans de vieilles interviews que Chaïbia avait données. J’étais à l’affût de la moindre photo, vidéo ou enregistrement susceptible de m’être utile ou de me procurer davantage de détails sur la façon dont elle s’exprimait, se coiffait et s’habillait. J’ai lu le scénario que Youssef Britel m’a remis et j’ai essayé de me mettre dans la peau de Chaïbia, d’imaginer ce qu’elle aurait fait à ma place. Ce personnage est tellement riche que j’ai eu du mal à le cerner. C’est à la fois une personne drôle, naïve, profonde et sérieuse à la fois. Je ne voulais pas l’aborder d’une manière comique, car il fallait tout de même sauvegarder l’authenticité de cette dame qui force le respect par son parcours atypique et son talent inestimable. Il fallait être prudent, car Chaïbia était la risée de certains bourgeois qui voyaient en son art des gribouillages d’enfants, et qui la dénigraient car elle était analphabète. Il était hors de question que je la ridiculise.


 

Avez-vous eu du mal à vous défaire de Chaïbia après le tournage ?

Oui, en effet. Elle est tellement attachante! Une fois le tournage achevé, j’ai continué à réagir comme elle, à parler comme elle et parfois même à gesticuler comme elle le faisait. Dès que je rentrais chez moi après une journée de travail, je prenais beaucoup de plaisir à me glisser dans sa peau en m’adressant à ma famille. Je leur racontais ma journée comme si j’étais elle. C’était une femme extraordinaire et ce rôle m’a permis de mieux la connaître. C’est un honneur pour moi de l’avoir incarnée.

Votre ressemblance avec elle est troublante… Cela vous a-t-il demandé beaucoup d’efforts ?

J’ai fait de mon mieux pour lui ressembler. À chaque fois que je m’apprêtais à tourner une scène, le réalisateur amenait une photo de Chaïbia et la comparait à moi. Il fallait qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau, que ce soit en termes de costumes ou de maquillage. Il a en plus fallu que je prenne 15 kilos, mais le résultat en valait la peine.

Quel est le souvenir qui vous a le plus marquée ?

Je n’oublierai jamais une scène, qui s’est déroulée dans une galerie d’art. Ce jour-là, le fils de Chaïbia, Hussein Tallal, tenait à assister au tournage. J’étais habillée, maquillée et prête à rentrer sur le plateau. J’avais peur de le décevoir et de ne pas être à la hauteur. Lorsqu’il m’a vue, il a eu les larmes aux yeux. Je me suis approchée de lui et lui ai dit : “Kif dayer a weldi ?” (Comment vas-tu mon fils?) Il m’a prise dans ses bras en pleurant à chaudes larmes. Toute l’équipe était émue, moi la première.

Quels sont les moments de la vie de Chaïbia qui vous ont le plus touchée ?

Comme Chaïbia elle-même, j’ai été particulièrement touchée par les décès tragiques de ses amis et confrères Jilali Gharbaoui et Ahmed Cherkaoui. Ce sont des périodes qui ont vraiment marqué la vie de l’artiste et qui m’ont bouleversée à mon tour car, obsédée que j’étais par son personnage, j’ai eu l’impression d’avoir vraiment vécu ces événements. Mais la scène qui m’a vraiment émue, et que j’ai eu beaucoup d’émotion à jouer, est celle où Chaïbia invite chez elle quelques personnes appartenant à la haute société marocaine afin de leur présenter son travail. C’était un moment difficile car elle a dû essuyer critiques et moqueries. En interprétant ce rôle, j’ai ressenti toute l’humiliation qu’elle a dû subir…  


 

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