Représentation politique : un épais plafond de verre

Au Maroc, la politique reste un bastion masculin. Les mécanismes de promotion de la représentation politique féminine s’avèrent insuffisants. De nouvelles mesures s’imposent pour favoriser la participation politique des femmes.

C’est cousu de fil blanc : les femmes marocaines sont encore sous-représentées dans les instances politiques. Certes des avancées réelles ont été enregistrées au cours des deux dernières décennies. Mais, le chemin est encore long pour parvenir à la parité escomptée. La progression de la représentation politique féminine est jugée trop lente par le mouvement féminin car elle n’a pas permis d’atteindre la masse critique pour que les femmes puissent exercer une réelle influence sur les décisions nationales, locales et régionales.   

À presque une année et demie des élections législatives de 2021, de grandes attentes sont nourries dans l’amendement de l’arsenal juridique électoral en vue de donner un coup de fouet à la participation politique des femmes. L’examen de ce dossier se fait toujours attendre alors que le compte à rebours est enclenché pour les prochaines législatives, comme le souligne la présidente du groupement du parti du progrès et du socialisme (PPS) à la chambre basse, Aïcha Lablak. Cette députée progressiste estime qu’il est grand temps de lancer les concertations autour de ce dossier pour mettre en place de nouveaux mécanismes de promotion de la représentation politique féminine “qui demeure encore en deçà des aspirations et fragilise le processus démocratique.”

Même son de cloche auprès d’Asmaa Rhlalou, députée du Rassemblement national des indépendants (RNI), qui tient à indiquer que la représentation politique des femmes et leur accès aux postes de décision sont une exigence aussi bien sociale que démocratique. Une mobilisation s’impose de la part non seulement de la gent féminine mais aussi de tous les acteurs concernés pour une “accession fluide et spontanée de la femme aux assemblées élues et aux instances de décision”, pour reprendre l’expression de la députée du RNI.

Le Maroc derrière l’Algérie et la Tunisie

Le mécanisme de quota, à lui seul, s’avère insuffisant, comme en témoignent les taux de présence des femmes dans les instances élues. Quelque 81 femmes ont accédé en octobre 2016 à la chambre des représentants soit un pourcentage de 20,51 % contre 16,96 % en 2011 et 10,46 % en 2007. Le Maroc se situe loin derrière nombre de pays similaires en matière de représentation parlementaire des femmes. Il occupe le 102ème rang au niveau mondial, selon le classement de l’Union interparlementaire arrêté à janvier 2020. Le Rwanda  caracole en tête de ce classement mondial avec un taux de représentation politique féminine de 61,25 % au niveau de la chambre basse. Dans la région MENA, les Émirats arabes unis, -4ème au niveau mondial-, se hissent en tête du podium avec un score de 50 %. Dans le Maghreb, le Maroc vient derrière l’Algérie et la Tunisie qui ont respectivement un taux de représentation féminine politique de 25,76 % et  22,58 % dans la chambre basse.

Ainsi, le Maroc est appelé à déployer davantage d’efforts pour faciliter l’accès des femmes aux instances élues tout en maintenant le système de quota. Il ne s’agit pas, selon les défenseurs de la cause féminine, de supprimer ce mécanisme qui a porté ses fruits, mais d’aller plus loin. “Le quota n’est qu’une mesure incitative qui ne peut être considérée comme un acquis ultime”, estime Asmaa Rhlalou.

Discrimination positive

Ce système, rappelons-le, a permis de booster considérablement le taux de représentation féminine qui n’était que de 0,6 % lors des élections législatives de 1993 et 1997. Dans la chambre des conseillers, le taux de féminisation est passé de 2,22 % en 2009 à 11,67 %  en raison des mesures de discrimination positive.

Au niveau local, le taux de féminisation des conseils élus locaux qui n’était que de 0,53 % en 2003 est passé à 12,26 % en 2009 et 21,18 % en 2015 grâce à l’adoption des mesures de discrimination positive. Mais, on est encore loin de la parité tant espérée.

En 2021, si rien n’est fait pour renforcer les mesures de promotion de la participation politique des femmes, le taux de féminisation de la chambre des représentants risque de stagner voire de régresser. Les propositions ne manquent pas pour mettre fin aux obstacles qui empêchent les femmes de percer aux élections. Une étude de l’association “Joussour” en partenariat avec la Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung plaide pour la révision du système électoral. Certes, le scrutin proportionnel est généralement plus favorable aux femmes, comme le signale Aïcha Lablak. Mais, il peut être également un frein lorsqu’il s’agit de circonscriptions réduites. Le maintien du seuil de 35.000 habitants exclut de facto les femmes des communes rurales dont la quasi-totalité n’atteint pas ce seuil. Aussi, la réduction de ce seuil s’impose-t-elle dans les circonscriptions où les élections se font au scrutin uninominal. Il faut aussi s’assurer de l’équilibre démographique entre l’effectif de la population et le nombre de sièges. Il est également proposé d’atteindre la parité grâce à l’alternance femme/homme dans les listes électorales des conseils régionaux, préfectoraux et provinciaux et des conseils des communes soumises au scrutin de liste.

Sur le volet du financement qui est le nerf de la guerre électorale, il s’avère nécessaire d’accompagner les femmes qui ne disposent pas des mêmes moyens financiers que leurs adversaires hommes. Cette question est souvent évoquée par les militantes politiques qui se sentent désarmées au moment décisif de la campagne électorale. D’ailleurs, peu de femmes  parviennent à mener des campagnes électorales au niveau des circonscriptions locales. Rappelons à cet égard que la chambre des représentants ne compte que 10 députées ayant réussi à être élues hors liste nationale.

Pour  favoriser les femmes engagées dans la politique, une grande responsabilité incombe également aux partis politiques qui sont les principaux acteurs de l’égalité en matière de représentation politique. D’après l’étude de “Joussour”, les formations partisanes fournissent peu d’efforts pour promouvoir la présence politique féminine dans les instances élues. Le recours aux mécanismes de discrimination positive les décharge de leurs responsabilités démocratiques envers les femmes. Pis encore, les partis politiques instaurent une compétitivité femme-femme au lieu de créer une véritable dynamique. À cela s’ajoute la nécessité de changer l’approche d’accréditation des femmes au niveau des listes locales, selon Asmaa Rhlalou qui plaide pour la parité. En 2016, le taux de féminisation des candidatures au titre des circonscriptions locales n’était que de 10,06 %. Et uniquement 58 femmes ont été présentées comme mandataires de liste au titre des circonscriptions locales, soit un taux de 4,58 %.

Les partis politiques sont aussi appelés à booster l’accès des femmes aux postes de décisions administratifs, électifs et gouvernementaux. Actuellement, le pourcentage des femmes ministres n’est que 16,66 % et celui des femmes responsables ne dépasse pas 21,5% dans la fonction publique. Le pouvoir reste masculin ! 

3 questions à Khadija Rebbah, coordinatrice nationale du Mouvement pour la démocratie paritaire (MDP)

Que doit-on faire pour booster la représentation politique féminine ?

Il faut une grande volonté politique. Certes, la constitution prône la mise en place des mécanismes de la parité. Mais aucune volonté n’est constatée pour l’harmonisation de la loi organique relative à la chambre des représentants avec les dispositions constitutionnelles. On ne dispose que du mécanisme de la liste nationale qui ne peut engendrer qu’un taux de représentation entre 16 et 20 %. La volonté politique s’impose pour mettre en place des mécanismes permettant d’atteindre le tiers des sièges voire la parité. Il faut actuellement fixer le taux que nous voulons atteindre pour pouvoir inscrire cet objectif au niveau de la loi organique. La même chose devra se faire au niveau de la loi organique relative à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales. On doit réfléchir à de nouveaux mécanismes pour que les femmes participent dans le développement local sur le même pied d’égalité que les hommes.

Que répondez-vous à ceux qui qualifient le système de quota de rente politique ?

Le système de quota n’est pas une rente. Il faut comprendre les raisons de la mise en place de ce mécanisme. Historiquement, la femme a été marginalisée et n’a pas toujours été considérée comme une citoyenne à part entière. On aura toujours besoin du système de quota tant que ce capital historique et social ne connaît pas de changement. On n’aura plus besoin de quota quand la femme et l’homme seront sur le même pied d’égalité. Sur les 174 pays qui organisent régulièrement des élections, 134 ont mis en place un système de quota. Les mécanismes de discrimination positive s’imposent pour favoriser la participation politique des femmes.

Quelle est la responsabilité des partis politiques dans la promotion de cette représentation ?

Une grande responsabilité incombe aux partis politiques. Les lois sont envoyées en premier lieu par le ministère de l’Intérieur aux partis politiques qui doivent se manifester et afficher clairement leur position sur la parité politique, lors des débats sur les lois électorales. Les partis politiques ont une responsabilité aussi au niveau des accréditations des femmes dans les circonscriptions locales.

Par Sara Touahri

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