Rachid Benzine : Confinement, jour 9 – 25 mars 2020

Dans cette 9ème journée de confinement, le héros de cette fiction se pose en réconciliateur des couples et en protecteur des femmes violentées. Mais la vie de confiné est riche en rebondissements.... On savoure.

Ça sonne à la porte. Je suis encore couché dans l’entrée. J’y ai passé la nuit. Le sang s’est figé sur mes vêtements et au sol. Une fanfare militaire joue sans discontinuer entre mes deux oreilles. Je me lève. La douleur à l’entrejambe me cloue sur place. Je retombe à genoux. Tout tangue autour de moi. En m’appuyant au mur, je réussis à atteindre le judas. Je me mets aussitôt à gémir comme un animal traqué. Le père et la mère des deux monstres sont devant la porte. Ma respiration s’accélère. Ils re-sonnent. Je titube jusqu’à la cuisine. J’en reviens avec un long et large couteau à pain. Je me cale comme je peux contre le mur en face de la porte d’entrée. Ils sonnent à nouveau. J’entends la voix de la mère. Elle me remercie chaleureusement. J’ai sauvé leur couple. Ils me mettent un paquet de pâtisseries devant la porte. Ils partent récupérer leurs enfants chez la grand-mère et s’installent provisoirement chez le père. Bon débarras… J’attends un bon moment avant d’ouvrir la porte. Histoire d’être sûr de ne pas retomber sur eux. J’ai du sang coagulé plein les narines et des fringues dégueulasses. Dans le miroir je me rends compte que mon visage a commencé à bien bleuir. Après avoir vérifié dans le judas qu’il n’y a personne, j’ouvre enfin.

Tapie dans l’ombre, une femme surgit, un masque chirurgical sur la figure. J’évite d’un cheveu l’infarctus. Elle me raconte un truc incompréhensible derrière son masque. Je lui fais comprendre que je n’arrive pas à distinguer ses mots. Elle doit avoir une quarantaine d’années. Je me rends compte qu’elle porte un foulard et que ce que j’ai pris pour un masque chirurgical est en fait un voile algérien typique couvrant le bas du visage. Elle l’enlève quelques instants, m’explique qu’elle est une voisine de l’étage du dessus et que ma réputation de réconciliateur de couples a déjà fait le tour de l’immeuble. Elle ajoute qu’en ces temps de confinement, les violences conjugales sont en augmentation et qu’elle a impérativement besoin de mes services. Je lui explique sans détour que, si je m’honore de ne pas avoir contribué à la recrudescence des violences conjugales en aidant involontairement mes voisins d’en face, pas question en revanche de jouer le punching-ball de la résidence.

Elle insiste et me supplie de venir parler à son mari.

  • Il est violent ?
  • Non, c’est moi, me répond-elle sans sourciller.

Les yeux exorbités, je m’entends geindre comme un chiot terrifié.

  • Vous comprenez, Monsieur. Ça fait huit jours qu’on est confinés ensemble. Si ça continue, je vais le tuer.

La voisine me saisit vivement le bras en le broyant et me soutient pour avancer. Nous parvenons à l’escalier. J’entrevois un court instant ses biceps bodybuildés. Elle le remarque, remonte sa robe sur un mollet d’haltérophile, me dit « Je vous en montre pas plus, par pudeur, mais j’en ai effectivement fait plus de vingt ans. Championne d’Afrique à trois reprises. ». Nous arrivons à son appartement. A l’entrée, un avorton barbu en djellaba sanguinolente et au visage tuméfié se tient péniblement debout. Je comprends qu’il s’agit du mari. En voyant ma gueule défoncée de la veille, je lis dans ses yeux toute la détresse et l’empathie du monde. Sa femme me secoue vivement :

  • Alors, allez-y, dites-lui !

Je bafouille. Je me reprends. Je m’arme de toute ma lâcheté et je l’invite sévèrement à ne plus manquer de respect à sa femme désormais. Le moribond essuie une larme. Sa femme le rappelle à l’ordre et l’exhorte de mettre en application mes sages et expertes paroles. Il baisse la tête et murmure un vague « oui ma chérie ». Elle le remue dans tous les sens. Il répète la formule distinctement et à voix haute. Elle me remercie pour mon intervention, à ses yeux déterminante, et me claque la porte au nez. Une honte irrépressible m’envahit. Je rentre clopin-clopant jusqu’à mon appartement. Félix joue à la PlayStation sur la télé. Un jeu débile où il faut attraper des souris. Je lui fais remarquer l’inanité de son activité. Pour toute réponse et sans me regarder, il oriente de la patte l’écran de mon ordi portable vers moi tout en continuant de jouer sur le téléviseur.

Je découvre horrifié l’état de mon compte en banque. Depuis la mise en place du confinement, Félix essaye de calmer ses angoisses existentielles en s’abonnant à bon compte – le mien en l’occurrence –, à des lettres de conseils beauté pour chats et en se faisant livrer les cosmétiques conseillés par les lettres en question. Et comme cette manie ne date pas d’hier, tu m’étonnes que j’ai six mois de loyer en retard… Je rappelle à Félix que c’est un chat noir et que, si je le largue à la SPA, il est pas près d’être adopté. Surtout en ce moment où le coronavirus a augmenté les abandons d’animaux domestiques. Il me fait un doigt d’honneur. N’étant pas en état physique de soutenir une discussion houleuse avec lui, je décide de remettre à plus tard la mise au point qui s’impose.

Je passe le restant de la journée à gémir sur le canapé et à me bourrer de Doliprane. Cinq minutes avant 20 h, je me traîne jusqu’à la fenêtre après avoir remis un peu d’ordre dans ma figure et changé de fringues. Divine surprise, la voisine est déjà là. Je remarque tout de suite son décolleté et son regard mutin fixé sur moi. Félix me tend mes jumelles. Je ne sais jamais sur quel pied danser avec lui. Ou il veut me faire passer pour un débauché lubrique auprès de la fille ou, bien informé par une chatte du quartier, il a décidé de se faire pardonner l’assèchement de mon compte en banque. Dissimulé quelques instants derrière le rideau que je viens de tirer, je reluque avidement la poitrine de la voisine et découvre ébahi qu’elle y a inscrit au gros feutre son numéro de téléphone portable. Que je compose immédiatement. Elle ne répond pas.

20 h arrive. Presque toutes les fenêtres sont occupées. Nous applaudissons à tout rompre. La voisine disparaît. Je recompose aussitôt le numéro. Ça frappe à l’entrée. Je maugrée tout en m’approchant de la porte. Je fais une dernière tentative. J’entends la sonnerie d’un téléphone derrière ma porte. La voisine d’en face est déjà là ? J’ouvre promptement et je prends le poing du père des deux monstres dans la poire. Il me montre ostensiblement le téléphone qui sonne dans sa main. Le numéro qui y apparaît est celui que je viens de composer à plusieurs reprises et qui était écrit sur la poitrine de la voisine au décolleté de l’immeuble d’en face. Pas de bol, c’est la sœur du Monsieur. Le monde est petit… et terriblement cruel. Il la surveille comme le lait sur le feu et, soupçonnant une idylle naissante avec un galant – moi en l’occurrence – lui a subtilisé son téléphone il y a une petite heure. Sans aucun doute, c’est encore un voisin à la pudibonderie citoyenne qui m’aura dénoncé.

Etalé de tout mon long dans l’entrée, je parviens, du bout du pied, à refermer ma porte avant que l’affreux ne me rejoue le couplet du « la prochaine fois je te les coupe », accompagné d’une justice avec les chaussures à l’entrejambe. Je me dis que cette fois au moins j’ai sauvé l’essentiel quand, soudain, j’aperçois la patte de Félix poussant négligemment un bouquin de ma bibliothèque qui vient s’écraser brutalement sur les bijoux de famille. Avant de m’évanouir, j’ai juste le temps d’apercevoir le titre, Femmes et félins. Histoire d’une complicité millénaire, et le nom de l’auteur, un certain Félix Lechat.
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