Ola Abbas le courage de dire « non »

Ola Abbas est la première journaliste à faire "défection" dans les rangs de la télévision d'Etat en Syrie. Elle a préféré l'exil plutôt que de se rendre complice des crimes du régime... Rencontre.

FDM Dans quelles circonstances avezvous quité la Syrie ?

Ola Abbas : Partir, pour moi, c’était avant tout une question de conscience, un refus de travailler aux services d’un régime qui commet de telles exactions. Mais je n’avais rien prémédité jusqu’au jour de mon départ. Dans un premier temps, j’ai écrit un manifeste que j’ai posté sur ma page Facebook, le 11 juillet 2012, où je disais que j’étais contre le régime de Bachar al-Assad. Au moment où je fais cela, je réalise que je ne pourrai plus jamais retourner à mon travail après ce “post”.

Que s’est-il passé ensuite ?

Je ne pensais pas qu’il y aurait un tel emballement médiatique. Une demi-heure après, je recevais des appels de menace mais aussi des messages de soutien via mon compte Facebook. Mais je n’étais plus en sécurité, j’étais obligée de quitter mon domicile. J’ai pris quelques affaires et suis allée chez des amis. Et comme je ne pouvais plus rester en Syrie après ces tentatives d’intimidation, le lendemain matin, je suis partie à Beyrouth, où je suis restée “cachée” en attendant mon visa de l’ambassade de France.

Comment avez-vous réussi à quitter le territoire sans être repérée par les services de renseignements ?

Des amis m’ont aidée dans mes démarches pour quitter le pays. Je ne peux pas en dire plus…

Pourquoi avez-vous choisi la France comme pays d’exil ?

J’ai une licence en littérature française et j’ai pensé que je pouvais y parler plus librement de la révolution dans mon pays.

Vous appartenez aux Alawites, une communauté réputée pour être proche du pouvoir…

Je suis Syrienne avant tout et je milite pour une Syrie laïque qui accepte tous ses citoyens! J’étais proche du pouvoir dans le sens où je travaillais pour une télévision d’Etat, un lieu qui ressemble plus à un bureau de renseignements qu’à un média d’information… Mais je ne suis pas la fille d’un officier et je ne cautionne pas ces dénominations confessionnelles qui ne font que nous diviser. Le régime a créé un problème d’unité nationale en jouant sur ces clivages et ces clichés simplistes pour conserver une mainmise sur le pouvoir.

Comment bascule-t-on du jour au lendemain dans l’opposition ?

Dès les premiers soulèvements, j’ai su que le peuple voulait vivre sa propre révolution et j’avais la conviction qu’il allait lutter jusqu’au bout contre la dictature. Au début, je n’avais pas le courage d’annoncer mon soutien aux opposants ou de partir. C’était une décision difficile à prendre car j’avais une belle situation et j’étais indépendante… Ce n’est pas évident d’abandonner tout ce qu’on a ! Mais le plus difficile, c’est de quitter son pays ; d’autant plus que je risquais la prison ou la torture. Pendant de longs mois, j’étais très perturbée sur le plan psychologique. C’est très dur de voir des civils, des enfants innocents se faire tuer tout en participant à ce mensonge d’Etat. D’où le cas de conscience qui m’a poussée à faire ce choix.

Quelles étaient vos conditions de travail ?

Comme l’ensemble de la grille télévisée a été modifiée pour servir la propagande, j’ai été contrainte de présenter des émissions politiques, alors que dans mon métier, je m’intéresse davantage aux sujets de société, à la femme arabe et aux oppressions qu’elle subit. J’étais obligée de coopérer, j’avais peur. Dès le début, les médias employaient les mots “terroristes”, “complot”… Mais ce n’était pas la vérité. Et pour “échapper” à ces contraintes, je multipliais les arrêts maladie.

Comment prépariez-vous vos émissions ?

Un bureau “spécial” est chargé de superviser et préparer toutes nos questions et nos réponses. Nous n’avions aucune liberté. Chaque mot nous est dicté. La plupart des programmes sont retransmis en direct et nous étions observés tout au long de notre temps d’antenne. Ainsi, personne n’osait dépasser les lignes rouges imposées.

Quel a été pour vous le fait le plus marquant, qui a sans doute influencé votre décision ?

Incontestablement, ce qui m’a le plus traumatisée a été le massacre des enfants à El Houla… J’en étais malade. Pendant plusieurs jours, je n’arrivais plus à dormir et je crois que c’est à ce moment-là qu’une lutte intérieure s’est engagée. Je voulais agir mais j’ignorais comment et surtout par quels moyens. Je suis une figure publique et par conséquent, je n’osais pas demander conseil aux opposants. Je me sentais complètement isolée. Par la suite, j’ai entrepris un voyage en Egypte, j’ai essayé de vendre mes biens pour partir définitivement, mais en période de guerre, on ne trouve pas beaucoup d’acheteurs ! Je ne voulais pas rester dans l’inaction. Ce 11 juillet au moment où j’ai écrit ce manifeste, ma révolution a commencé.

Etes-vous en contact avec vos proches en Syrie ?

Je n’ai aucun contact avec ma famille pour des raisons de sécurité. Avec ma mère, les relations sont assez compliquées. Elle était vice-présidente de l’Union des écrivains syriens, et donc très proche du pouvoir. Je la comprends car elle est d’une autre génération que la mienne. Elle croit à la vision panarabe du régime syrien, dans sa résistance face à Israël… Nous n’avons jamais abordé ce sujet ensemble.

Comment vivez-vous votre quotidien depuis sept mois ?

Depuis mon arrivée à Paris, je suis à 100% connectée sur la Syrie. Je suis complètement obsédée par ce qui s’y passe. Mon corps est à Paris, mais mon coeur est resté là-bas. J’aimerais pouvoir faire le vide mais je n’y arrive pas. Je vis dans l’espoir de la chute du régime. Mais j’ai peur que cela prenne beaucoup de temps car les révolutionnaires sont isolés et manquent de soutien.

Les femmes ont joué un rôle important dans les révolutions du printemps arabe… Considérez-vous en faire partie ?

Beaucoup de femmes activistes ont joué un rôle majeur pour la défense des droits humains en Syrie. Je pense en particulier à Souheir al-Atassi, Razan Ghazzawi… Et beaucoup de femmes syriennes anonymes ont osé manifester leur opposition au régime, que ce soit dans les villes ou dans les campagnes. Chacune de nous a apporté sa pierre à l’édifice, mais je ne peux pas dire que la mienne soit très importante. Néanmoins, je suis satisfaite de ce que j’ai fait jusqu’ici.

Quels sont vos projets ?

Je viens d’écrire un livre qui sera bientôt publié, dans lequel je parle de mon parcours… Pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas en dire plus… Mon autre projet, c’est d’améliorer mon français !

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