Mon mari a perdu son job…

Entre soutien inconditionnel et lassitude, Leïla oscille. Il y a deux ans, quand son homme s’est retrouvé au chômage, elle a fait face. Mais le provisoire a duré et tout le foyer accuse maintenant le coup de cette situation déséquilibrée. Elle raconte.

endant longtemps, j’ai appréhendé de rentrer du bureau et de me retrouver devant le spectacle d’Ali, mon mari, en pyjama, affalé sur le canapé à regarder les chaînes de sport, le regard vide. Pour éviter cela, tout est devenu prétexte à prolonger mes vadrouilles à l’extérieur. Après le boulot, j’allais traîner au supermarché, je rendais visite à ma mère ou je marchais une heure sur la corniche… La désespérance que mon mari traînait comme un boulet me pesait tellement. 

C’est au printemps 2013 que notre existence a basculé. Nous étions un couple avec deux enfants, tout ce qu’il y a de plus normal : des cadres supérieurs du privé avec une petite maison payée à crédit, une vie sociale et familiale, des loisirs et des vacances. Sur le plan professionnel, mon mari avait construit sa carrière dans la même boîte depuis douze ans et touchait un salaire très confortable. Puis est arrivé un nouveau boss et les problèmes ont commencé. Leurs deux visions divergeaient totalement. Mon mari, qui claironnait partout avoir des compétences et une expérience confirmées, ne supportait pas qu’un blanc-bec boutonneux lui dicte sa manière d’agir. Il n’était plus envisageable qu’il se laisse écraser. J’essayais de calmer le jeu. En vain. Ali songeait à négocier son départ, sûr de pouvoir rebondir rapidement. J’avoue que j’y ai cru aussi, confiante dans ce carnet d’adresses qu’il avait nourri avec le temps. 

Une fois sa sortie consommée et lesté d’un petit pactole, Ali est passé par une phase d’euphorie, fort d’un mental optimiste et certain que le monde du travail allait lui ouvrir les bras. Durant six mois, il a voltigé de rendez-vous en rendez-vous, mobilisant son réseau et prenant contact avec des chasseurs de têtes. Pourtant, à chaque promesse d’embauche succédaient le silence puis la désillusion. Il a fini par comprendre que ni sa petite cinquantaine ni ses prétentions salariales élevées ne jouaient en sa faveur.

Petit à petit, les appels se sont faits rares et il s’est enfermé dans la solitude et l’ennui. à l’occasion, devant nos amis communs, il parlait d’un vague projet qu’il était en train de consolider dans la région du nord. J’avais pour instruction formelle de ne jamais parler de nos soucis en public, et surtout pas à nos familles respectives. Mais financièrement, la barque commençait à s’alourdir pour moi. Hormis la part de sa traite de maison qu’il réglait avec ses derniers deniers, tout le reste était à ma charge : école des enfants, volet domestique, vêtements, charges, sans parler des extras. Néanmoins, pas question de lui faire part de mes états d’âme sous peine de le vexer. Comme il supportait mal de s’être vu privé de sa fonction de mâle pourvoyeur de ressources, il a supprimé tout superflu, restos, vacances et loisirs. Nous vivions quasiment en vase clos, refusant même les invitations de crainte d’avoir à les rendre. Avec les enfants, je tentais de négocier des compromis viables, m’arrangeant pour qu’ils ne pâtissent pas trop de cette baisse de niveau de vie, couplée à une atmosphère pesante.

Malgré nos efforts, après un an de chômage, la situation est devenue insupportable pour moi. Alors qu’il avait du temps, il ne m’apportait aucune aide au quotidien, comme aller chercher les enfants à l’école ou faire les courses. Monsieur s’était mué en un être taciturne, pianotant des heures sur les touches de son smartphone, absorbé par un jeu de cartes virtuel… Le moindre reproche pouvait le faire entrer dans une colère noire. Quand, de temps à autre, je lui demandais où il en était de ses recherches, il me parlait de postes potentiels à Dubaï, à Sidney ou à Dakar, en affirmant qu’il finalisait son CV. Il répétait inlassablement le même couplet sur la nullité de nos entreprises qui se privaient des vraies compétences. Il était haineux contre son ancien patron, ses anciens collègues en poste et même mon petit cousin fraîchement enrôlé dans une multinationale.

Je suppose que, privé de travail, il en a perdu tous ses repères. Pour le workaholik qu’il était, la chute a été rude et a aussi anéanti notre vie intime. Les quelques tentatives de rapprochement charnel se sont toutes soldées par des échecs. Quand il a commencé à s’assoupir, le soir, devant la télé du salon, j’ai laissé courir. Je sais qu’il m’aime et qu’il a besoin de moi, mais sur le plan sexuel, son impuissance s’est manifestée au propre comme au figuré. Quand on n’a plus goût à la vie, comment désirer l’autre ?

Il y a quelque temps, je me suis confiée à une amie psy qui m’a enjoint de relâcher la pression que je m’impose pour éviter de faire une dépression à force de prendre sur moi et de taire mes angoisses. Elle m’a conseillé de faire passer des messages indirects à mon mari en lui faisant comprendre que je n’étais pas plus un défouloir qu’une super woman capable d’assumer à l’infini. Bref, restaurer le dialogue et exprimer mon mal-être. Je devais aussi intégrer que la sortie de l’inertie relevait d’un combat personnel et intérieur qu’il était seul à pouvoir mener. Cet entretien a eu l’effet d’une claque salutaire. J’ai déculpabilisé d’un coup.

Le soir même, je l’ai prié de m’accompagner en territoire neutre, dans un café, invoquant une urgence absolue. J’ai lu dans ses yeux la perplexité et la peur, que je le quitte peut être. Pendant une heure, en le suppliant de ne pas m’interrompre, j’ai débité cash tout ce que j’avais sur le cœur : ma solitude face à son attitude “autiste” et notre isolement social, ma charge énorme de responsabilités, mes questionnements sur notre absence de communication, mes propositions concrètes pour l’aider à sortir de ses délires fantasmatiques et à réagir. J’ai pris la peine de souligner qu’il s’agissait d’un accident de la vie qui ne le diminuait en rien à mes yeux. En revanche, s’enfoncer la tête dans le sable comme une autruche allait finir par lui coûter sur tous les plans, y compris affectif. Au début, il n’a rien répliqué, avant de m’asséner à voix très basse: “Dis moi, Leïla, si je ne retrouvais jamais de boulot, tu continuerais à m’aimer quand même?” Mon cœur s’est serré violemment et j’ai senti, à ce moment-là, toute l’étendue de sa vulnérabilité et de sa perte d’estime de lui. Je lui ai répondu que oui, mais que cela ne l’empêchait pas de continuer à se battre et à rester du côté de la vie. Pour lui. Pour moi. Pour nos enfants.

Il a compris, je pense, qu’il fallait qu’il s’extirpe du piège de son image et de son ego. En bougeant de quelque manière que ce soit, quand bien même on ait encore à tirer le diable par la queue quelques années. Du jour au lendemain, il a pris la décision de monter sa petite structure, comme un pari sur un futur meilleur. Je crois que nous allons nous en sortir et cet espoir est désormais partagé par nous deux. 

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