Comment est née Mentor’Elles?
Elle est née de la volonté d’un groupe de jeunes professionnelles marocaines d’impacter leur carrière ainsi que celles de leurs paires en agissant essentiellement sur l’accompagnement de carrière, le partage tout en jouant sur l’inspiration. L’idée a germé en 2016, à la suite d’une rencontre avec Nathalie Loiseau, à l’époque directrice de l’ENA (Ecole nationale d’administration en France), lors d’un événement organisé par les conseillères du Commerce extérieur de la France à Rabat, avec l’appui du service Economique de l’Ambassade de France au Maroc. Nathalie Loiseau, dans la présentation de son ouvrage « Choisissez tout », insistait sur le rôle d’un(e) Mentor dans la carrière d’une femme pour la booster, l’orienter, l’inspirer, l’aider à décoder des codes inhérents à certains milieux ou tout simplement lui pousser l’échelle pour qu’elle se hisse, elle aussi, à des niveaux supérieurs. Grâce au soutien des mentors, hommes et femmes qui nous ont fait confiance et ont fait preuve d’une réelle bienveillance, nous avons donc lancé un cercle qui s’est développé. Nous avons organisé plusieurs événements. Et aujourd’hui, nous sommes en train de nous structurer en association.
Quelles sont vos activités ?
Mentor’Elles est basée sur deux principaux axes. Le premier est un programme annuel de mentoring pour de jeunes professionnelles. Leurs mentors que ce soit des hommes et femmes, les accompagnent sur un besoin spécifique. Cela peut être une envie de changer de voie ou de s’imposer davantage au sein de son travail. Vous savez, beaucoup de femmes connaissent le syndrome de l’imposteur qui est un sentiment d’illégitimité lorsqu’elles ont par exemple une promotion ou peuvent candidater à un poste, alors qu’elles ont pourtant toutes les compétences rassemblées. Nos mentors vont les aider à oser prétendre à une carrière. L’an dernier, 20 mentors ont accompagné 20 mentees. Et en 2018, ce sont 30 mentors pour 40 mentees qui ont une trentaine d’années et qui travaillent dans des secteurs variés telles que la banque, l’administration, l’éducation, l’entrepreneuriat, ou les ONG. Les matchings de la promotion 2018 ont été bouclés fin décembre 2017. Notre second axe se concentre sur un réseau collaboratif qui permet d’échanger sur nos expériences, les bonnes pratiques à mettre en place, et sur l’accompagnement de carrière. A ce jour, nous avons réalisé plusieurs meetings d’inspiration ainsi que des networking comme « Oser la réorientation professionnelle », « Oser une carrière/ vie à l’International », ou encore, prochainement « Donner un sens à sa carrière, quels leviers pour quels impacts ». Concernant les workshops, nous en avons concocté deux : un sur « oser demander », et un autre sur « la gestion de la charge mentale et la prévention du burn-out ».
Mais quelle est la force de Mentor’Elles ?
Tout d’abord, il faut savoir que Mentor’Elles est une initiative affiliée à Leanin.org qui est un réseau mondial de Women Empowerement initié par Sheryl Sandberg, la COO de Facebook. Néanmoins, le sujet est très vaste et porte sur divers sujets. Afin d’avoir un impact et être concrets dans nos actions, nous avons choisi de nous focaliser sur le mentoring professionnel, l’inspiration et le partage, ainsi que le networking.
Tout comme une start-up qui vient de démarrer, nous sommes au stade de « proof of concept », nous faisons du learning by doing en ajustant à chaque fois en fonction des retours mais tout en restant fidèles à nos valeurs et à notre périmètre afin de ne pas trop nous éparpiller et donc nous perdre. Nous essayons aussi de maîtriser notre taille, ce qui explique que nous intégrons des mentees (faisant partie du programme de mentoring) par promotion annuelle, mais nous ouvrons nos meet-ups à tous ceux qui souhaitent y participer. Au sein de Mentor’Elles, il y a des personnes ayant par ailleurs des emplois à plein temps et donc qui y dédient une partie de leur temps personnel. Par conséquent, tout le monde met la main à la pâte comme il peut. Nous avançons à notre rythme, certes en nous attaquant à une petite échelle, mais en y concentrant tous nos efforts pour un maximum d’impact.
Et quel est votre leitmotiv ?
Together, we are better!
Le 28 février, vous organisez un networking sur « Donner un sens à sa carrière, quels leviers pour quels impacts ». Pourquoi avez-vous choisi ce thème ?
Nos meet-ups sont issus de questionnements qui reviennent lors de nos rencontres. Nos membres étant dans une phase de questionnement sur l’orientation à donner à leur carrière, l’un des éléments de réponses peut venir de partage d’expérience de personnes ayant du recul par rapport à la question. Ceci explique la nature du panel que nous rassemblons, à savoir des femmes et des hommes aux parcours atypiques, aux expériences riches et aussi ayant traversé des chemins non linéaires. Tout ça pour dire qu’il n’y a pas de parcours type, qu’il n’est jamais trop tard pour se réorienter et que chacun peut vivre sa carrière en parfaite harmonie avec ses valeurs et ses passions, plutôt que de subir…
Vous avez réalisé précédemment un atelier sur la charge mentale. Quelle est sa particularité au Maroc ? Et quels conseils concrets ont été mis en avant lors de ce rendez-vous ?
La charge mentale incarne la pression psychique et physique qui pèse sur les femmes d’aujourd’hui, devant à la fois être carriériste, mère, gestionnaire de foyer, épouse, belle-fille, fille, etc. Et très souvent, elles s’oublient elles-mêmes dans tous ces rôles et finissent par faire un burn-out. C’est un phénomène planétaire que connaissent les sociétés industrialisées. Les Marocaines la connaissent depuis bien longtemps, mais il a fallu que ce phénomène ait été illustré par la caricaturiste Emma pour que tout le monde en parle.
Mentor’Elles a récemment organisé un workshop avec le Dr Imane Kendili, psychiatre et addictologue, qui a évoqué et soulevé divers leviers pour y remédier. L’un d’entre eux est le concept du mindfullness (« pleine conscience »). Les femmes sont sur tous les fronts, et culpabilisent parfois si elles n’arrivent pas à gérer une situation alors qu’elles s’y étaient engagées. La pleine conscience permet de prendre du recul et se demander comment gérer cette situation sans se perdre. Autre point important : il faut assumer ses choix. On a le droit de « non » sans avoir de remord. On doit aussi connaître ses limites afin de ne pas les dépasser. Vous savez, le Maroc a la particularité d’avoir une société très présente et parfois même oppressante où le paraître, la conformité aux codes, et la dualité tradition/modernité se cumulent dans l’équation de notre vie quotidienne. Ceci se rajoute donc à la charge mentale « classique », mais ce n’est pas une fatalité !
Avez-vous un livre à nous conseiller ?
Je dirai « La puissance de la joie » de Frédéric Lenoir. Ce livre m’a beaucoup marqué. L’auteur évoque les équilibres à avoir dans notre vie et toutes les petites choses qui conditionnent notre bonheur. L’écrivain nous interpelle en faisant, entre autres, la différence entre le plaisir qui reste éphémère et matériel, et le bonheur, qui est quant à lui perpétuel.