Sa voix posée et son regard franc et doux ne laissent guère deviner les épreuves que Madiha Bennani a traversées. Elle avait à peine 18 ans quand elle est mariée à un homme de son rang : riche, de bonne famille, ayant une très belle situation. Mais derrière le vernis de son éducation, ce bon parti fait vivre l’enfer à sa jeune épouse. Elle supporte tout : les coups et les insultes. Les violences psychologiques et émotionnelles font partie de son quotidien. Des blessures plus ou moins graves, des fractures et des séjours en clinique sont vécues dans la soumission. “On me disait que la femme doit tout supporter de la part de son époux, et que c’est son destin si celui-là est violent… J’ai été élevée dans ces croyances”, explique-t-elle.
Mais 10 ans après et trois enfants plus tard, Madiha ose enfin se révolter et dire stop. Elle demande le divorce, en dépit de l’opposition de sa famille. Le prix à payer est bien trop élevé car elle est obligée de renoncer à ses enfants.
Très rapidement, Madiha lie son destin à un autre homme. “J’étais à la recherche de l’amour”, dit-elle simplement. Mais inexplicablement, le même scénario se répète. Le nouveau mari fait subir à la jeune femme les pires sévices et oppressions… en plus de la dépouiller d’importantes sommes d’argent.
La spirale des violences précipite Madiha dans une profonde dépression. Elle sombre. Elle est suivie par un psychiatre, le Dr Touhami, qui lui assène une vérité qu’elle ignorait : en France, une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint, et l’exhorte à se relever. Madiha est secouée, elle a envie de s’en sortir… Et sous l’instigation de son médecin traitant, elle s’adonne à sa passion : la création de caftans. Mais pas seulement. Elle se réfugie dans la religion et la spiritualité, apprend le Coran. “J’ai voulu renouer avec l’amour de Dieu pour qu’il me donne la force de m’en sortir. Au bout de trois ans, le coaching est venu frapper à ma porte”, se souvient Madiha qui avait entre-temps divorcé de son mari violent, en étant de nouveau obligée de se séparer de ses deux garçons. “Ce second divorce a été un déchirement psychologique. Je n’avais aucun soutien de la part de ma famille ou de mes amis. J’étais ce soldat qui bataille seul, contre vents et marées… À force de recevoir les coups, on finit par ne plus rien ressentir, mais c’est la violence émotionnelle et la manipulation qui avaient été les plus dures à endurer”, dit-elle.
L’écriture thérapeutique
Seule, perdue, Madiha Bennani fait une rencontre exceptionnelle qui va bouleverser le cours de sa vie. C’est une femme qui lui tend la main. Elle est coach, et s’appelle Rabiâ El Gharbaoui. Elle l’aide à retrouver confiance en elle et à recouvrer l’estime de soi… “Au bout de deux ans, je me sens guérie, et je veux à mon tour m’occuper des femmes en détresse, celles que la vie a malmenées, qui subissent violences et traumatismes psychologiques et émotionnelles… Je suis passée par l’enfer et je m’en suis sortie. Je voulais que les femmes dans ma situation connaissent mon message… Mais sans diplômes et sans formation, ce n’était guère possible de le faire”, se rappelle Madiha.
Sous l’instigation de son mentor, elle reprend, à quarante ans passés, ses études. Elle se jette à corps perdu dans des formations certifiantes et cumule pendant 8 ans plus d’une quarantaine de diplômes. Armée de savoir et de connaissances, Madiha ouvre son cabinet de coaching et écrit un premier livre “Lumière de femmes” dans lequel elle remonte le fil de sa vie et raconte son histoire, et son cheminement vers la guérison. “C’est un livre thérapeutique qui m’a, d’une part, aidé à me libérer et qui, d’autre part, autorise la femme à aller au fond d’elle-même et à avoir l’audace et le courage de verbaliser la souffrance…”, insiste l’écrivaine. Un second livre “Écris, vis, Élève-toi” voit rapidement le jour. Il évoque les trois voyages entrepris par Madiha pour se réconcilier avec elle-même. Le premier se déroule dans le désert où la thérapeute est allée à la rencontre de son “enfant” intérieur, le second a lieu à Essaouira où elle saisit pleinement sa place dans l’univers, et enfin un troisième voyage à Fès dans lequel elle se reconnecte à l’amour de Dieu. Son troisième roman “Femmes émois” vient tout juste de sortir en ce mois d’octobre 2018. “Ce roman raconte cinq histoires de femmes meurtries, étranglées par la peur, l’angoisse et la souffrance à travers des témoignages recueillis en cabinet. J’évoque également cinq voyages effectués au Maroc et dans le monde au cours desquels j’ai puisé des pistes de guérison. Au Japon, j’ai rencontré une geisha, au Québec une chamane, en Indonésie une guérisseuse, à Essaouira une mkadma gnaouie… À la fin de ce livre, je propose 5 fiches de guérison qui, si elles sont mises en pratique, peuvent grandement aider le lecteur pour une prise de conscience et un changement de croyances…”, explique Madiha Bennani.
Le cercle des rencontres de femmes
“J’ai retrouvé ma paix dans la spiritualité. C’est un art et une manière de vivre. Grâce à la spiritualité, j’a appris le détachement, le lâcher prise, à ressentir la joie et à être heureuse quelles que soient les conditions extérieures”. C’est cet état d’esprit que Madiha Bennani, aujourd’hui coach en PNL, hypnothérapeute et spécialisée dans la femme en quête de changement de vie, cherche à véhiculer. Aider les femmes à retrouver la voie du bonheur, de la réconciliation avec soi et de la paix habite totalement et entièrement Madiha. Et depuis quelques mois, elle anime chaque mercredi, auprès de l’association Oum El Ghaït, des cercles de rencontres de femmes à Sidi Moumen. “J’aide ces femmes à retrouver la paix intérieure, à travers des prises de parole, l’hypnose et la méditation…Cela dure cinq heures, c’est très enrichissant pour moi et je suis si heureuse d’aider ces femmes”, assure Madiha. “Le message que je cherche à transmettre est qu’il y a toujours de l’espoir. Une femme sous l’emprise de la peur et de la violence ne peut s’en sortir seule. Elle doit franchir un premier pas en demandant de l’aide à la famille, à des amis, à une association, car le silence ne fait que l’enfoncer dans la spirale de la violence. Une fois qu’elle a pris conscience de son état, qu’elle a décidé de changer et qu’elle exprime le besoin et la volonté de s’en sortir, le chemin est balisé”, insiste Madiha. Parfaitement outillée pour traverser les épreuves et les surmonter, la thérapeute aspire à transmettre cette force qui est à l’intérieur de soi et qui permet de soulever des montagnes. “J’ai un passé lourd et difficile, mais je m’en suis sortie”, résume Madiha Bennani qui répète à l’envi que “la guérison existe”. Encore faut-il le vouloir.