C’est l’histoire d’une femme, Khadija, née à Amsterdam. Ses parents sont Marocains et chaque été, elle part à Benichikar, leur village d’origine dans le Rif. Mais à l’adolescence, elle décide de ne plus y mettre les pieds. Le décalage entre sa vie aux Pays-Bas et les coutumes marocaines la révolte. Vingt ans passe. Après le décès de son père, elle retourne au pays pour se réconcilier avec son passé et ses origines, mais surtout pour en savoir davantage sur sa grand-mère paternelle, Mamma Allal. Les hommes du village redoutaient cette femme qualifiée de « forte et courageuse ». Une véritable légende vivante encore aujourd’hui.
Avec « Le voyage de Khadija », Tarik El Idrissi signe son troisième film, et surtout le premier qui aborde le sujet des conditions de la femme. « C’est à Amsterdam que j’ai rencontré Khadija, raconte-t-il. On était en train de travailler sur ce futur documentaire, et lors de la présentation de mon deuxième film Rif 58/59, je l’ai vue, Khadija. On a discuté ensemble et son histoire, son profil m’a emballé. » La raison ? « Elle a reçu une éducation laïque. Elle a ensuite rejeté ses origines et sa culture avant de revenir renouer des liens avec sa famille et au final son passé. Tout cela interpelle, et à mon avis, donne des clefs pour mieux comprendre le statut des femmes dans notre pays. » Et pointe très vite du doigt « les droits inégaux entre les hommes et les femmes, les différences également au niveau social et culturel. Nous restons ancrés dans des traditions et pratiques qui méprisent la femme. »
Ce sujet le révolte particulièrement, même si loin d’être le seul. « Cela me dérange de voir des hommes seuls dans un bar, d’aller à la plage avec ma petite amie et qu’elle ne puisse pas se mettre en maillot de bain. Je vais vous dire, si elle se sent réprimée, moi aussi dans ces cas-là ! » Une partie du documentaire a été tournée dans le Rif. Mais il ne faut pas croire que la condition de la femme est plus difficile dans cette région qu’ailleurs dans le Maroc, comme l’assure Tarik El Idrissi. « De nombreuses personnes qui habitent Rabat ou Casablanca pensent qu’ils sont très en avance sur le reste du pays. C’est une perception erronée, lâche-t-il. Car on ne parle alors que du centre-ville, soit à peine 5% de la population. Je peux vous dire que dans d’autres quartiers, les questions sur le genre ou l’égalité sont autant problématique que dans le Rif, voire pire ». Pour le réalisateur présent lors de l’avant-première aux côtés de Khadija, ce documentaire peut-être une très bonne base pour lancer ce fameux débat autour de l’inégalité mais aussi de l’identité.