Les applis du cœur à la marocaine

Quand la technologie se met au service de la quête de l’amour, cela donne les applications de dating : Tinder, Happn, Hot or not… que de noms évocateurs aux promesses aguicheuses ! Quid des résultats au Maroc ?

Né il y a tout juste quelques années, le principe de dating de proximité fait fureur dans le monde. Simple, rapide et ludique, sa pratique via smartphone permet un gain de temps considérable, mais également un contact basé sur une attirance mutuelle et donc, un consentement préalable. L’intérêt prend donc tout son sens dans des pays où les lois anti-harcèlement sexuel limitent les élans séducteurs. “Arrête une fille à la marocaine dans les rues de France et tu te retrouves au poste dans l’heure !”, plaisante Christophe, un Français résidant à Casablanca.

L’on pourrait croire en effet qu’au Maroc, les rencontres se font plus naturellement, que l’on n’a nul besoin de ce type de technologies pour rentrer en contact. Et pourtant, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil rapide sur les différentes applications du genre pour comprendre que les Marocains en sont de grands consommateurs. Et pour cause. Les mentalités changent progressivement et les femmes rejettent sensiblement les avances masculines faites à l’ancienne. Ce qui n’est pas pour faciliter la vie à ces messieurs. “Comment voulez-vous qu’on approche une fille pour lui communiquer son admiration sans risquer de la faire sursauter ? Si tu lui plais, à la rigueur, tu as droit à un sourire, tout au plus. Dans le cas contraire, en revanche, gare à toi! Ça peut aller du simple regard méprisant à l’accusation de harcèlement. Pfiou ! Heureusement qu’on n’a pas de loi contre les compliments. Autrement, on serait tous emprisonnés!”, ironise Fouad, 26 ans, jeune cadre dans une banque. Salima, infographiste de 34 ans, nous explique : “Il m’est impossible de me laisser séduire par un homme qui m’arrête dans la rue. Premièrement parce qu’on connaît les mentalités des Marocains. Le type fera tout pour t’arrêter et te prendra pour une fille facile dès que tu céderas. Et puis, sur quelle base s’intéresserait-il à moi si ce n’est mon physique ? L’idée d’être un corps soumis à l’évaluation d’un prédateur me révolte!” Pourtant, elle avouera qu’elle pourrait éventuellement accepter de donner son numéro si l’homme correspondait à son propre standard physique…

En outre, ces applications présentent des avantages que l’on n’a pas dans la vie réelle. Elles permettent d’augmenter ses chances de séduire, tranquillement installé chez soi et courant plusieurs lièvres à la fois. Pour cela, il faut remercier les Américains, qui ont révolutionné le dating online.

Une aubaine nommée “Tinder”

Au commencement, il y a “Tinder”, l’application de réseautage social fonctionnant sur Android et iOS. Né le 15 septembre 2012, ce succès mondial est calqué sur “Grindr”, une application de rencontres destinée aux homosexuels masculins, permettant de reconnaître les gays géolocalisés autour de soi. Et non, ce n’est pas parce qu’on est hétéro qu’on a les amours faciles ! Tinder préfère rester très discret sur ses statistiques, mais en 2013 déjà, on parlait de 200.000 téléchargements, 100 millions de “likes” ou “dislikes”, 2 millions de matchs et une fréquence moyenne de connexion de 11 fois… par jour, bien entendu !

Pour expliquer cet engouement, il n’y a qu’à jeter un œil sur les sites web traditionnels de rencontres. En plus d’être payants, ils en deviennent presque indiscrets. Vous êtes sommé d’indiquer toutes vos passions, vos centres d’intérêt, votre niveau d’études, les langues que vous parlez, vos activités sportives, les livres que vous aimez, les films que vous allez voir, votre style vestimentaire, si vous fumez, si vous buvez, quel régime vous pratiquez, votre religion, vos revenus… et des détails que vous ignorez vous-mêmes ! À croire que l’on ne craque que pour les personnes qui nous ressemblent… “Cette manière de faire rend plus compliquée la recherche amoureuse, sans pour autant donner de bons résultats. Qui me dit que la femme qui aime les chiens, qui ne fume pas et qui a lu “Crime et châtiment” me conviendrait davantage qu’une rockeuse insomniaque qui déteste les bébés ?”, se demande Samir, 30 ans, ingénieur agronome.

Pour la faire courte, “Tinder” a facilité le jeu : photo, âge, préférence de sexe et distance de recherche. Basé sur la géolocalisation, l’application permet de chercher des profils de plus de 18 ans jusqu’à 160 kilomètres à la ronde. En un glissement de doigt, on peut accepter ou éliminer les célibataires qui défilent. Si l’attirance est mutuelle, une fenêtre de discussion est ouverte. Sinon, aucune notification n’exprime le désir de l’un ou de l’autre et l’ego en est sauf. On se demande pourquoi ça cartonne…

Suite à ce flagrant succès, d’autres applications ont vu le jour. Essayant de concurrencer le géant américain, elles tentent quand même de modifier les fonctionnalités, de faciliter davantage les démarches ou d’ajouter des options.

C’est le cas, par exemple, de “Hot or not”. Pour cette application, qui utilise le même fonctionnement que “Tinder”, il est absolument indispensable de télécharger trois photos ; ce qui n’est pas une obligation chez son prédécesseur. Une fois cette première étape réalisée, une foule de profils se présentent à vous. Il ne vous reste plus qu’à juger si vous trouvez les photos qui défilent hot… or not. Cette évaluation permet d’augmenter votre côte parmi les autres utilisateurs de l’application. Plus vous êtes jugé sexy, plus votre score augmente. Un fonctionnement assez proche de “Klout”.

Les Français, n’aimant pas être à la traîne, se sont également lancés sur le marché. “Happn” est la nouvelle application française de rencontres qui propose, en plus, de mettre en relation des utilisateurs qui se sont croisés, de près ou de loin, dans la vraie vie. Dans le voisinage, au centre commercial ou sur son lieu de travail, vous passez à côté d’un autre utilisateur et son profil apparaît sur votre page d’accueil. Contrairement à “Tinder”, “Happn” ne vous oblige pas à supprimer un profil pour accéder à l’autre. Vous pouvez prendre le temps de décider ultérieurement et de constater le nombre de fois où vous vous êtes croisés. En plus, l’application recherche des gens sur un périmètre de 250 mètres, pas plus. Proximité, on a dit !

Question de physique

Si les sites de rencontres traditionnels en font trop côté critères, les applications de dating n’en ont que faire. L’attrait physique est l’unique vrai paramètre de choix selon “Tinder” et toutes les applications depuis. Sean Rad, l’un des fondateurs de “Tinder”, indique que l’idée de base, c’était le focus sur la photo. “Au final, on accorde une importance indéniable au physique, et ce physique détermine si l’on va apprécier le mental. C’est l’étape première. Si l’on n’aime pas le physique, on n’aimera pas le mental”.

Un principe très réducteur, du coup, mais qui ne semble pas poser problème au vu du grand nombre d’utilisateurs qui s’y connectent chaque jour. “Le physique est un critère primordial, même dans la vraie vie. Mais je suis persuadée que chacun finit par trouver chaussure à son pied”, commente Maria Bichra, coach certifiée dispensant des ateliers de love coaching au Maroc.

Samad, 34 ans, n’est pas tout à fait d’accord. Parmi les dizaines de profils qui défilent sur son smartphone, très peu de femmes le “likent”. “Je sais que physiquement, je ne suis pas Brad Pitt. Je n’essaie d’ailleurs pas de me faire passer pour un autre comme le font beaucoup d’hommes qui publient de fausses photos de profil. Et puis, je ne tente pas non plus de choisir des clichés plus à mon avantage, parce que j’estime que le physique compte peu. Malheureusement, j’ai l’impression que les femmes deviennent de plus en plus superficielles”, se désole-t-il, en n’hésitant pas lui-même à dégager les photos de filles qui ne lui plaisent pas physiquement !

Hicham, 39 ans, instruit et plutôt beau garçon, reconnaît que le physique est un critère primordial, et que le sien lui facilite la vie sur une application comme “Tinder”. Il aurait presque 100 % de réponses positives à chaque connexion, ce qui n’est pas pour lui déplaire, d’autant que seule une infime partie des discussions qui s’ensuivent débouche sur de véritables rencontres. Car non, le physique est loin d’être suffisant. “Je ne pense pas qu’il y ait besoin d’un autre critère a priori. Lorsqu’on voit une fille dans la vraie vie, c’est au premier regard qu’elle nous plaît ou pas. Je pense que l’application ne peut pas faire davantage et c’est à chacun d’être assez entreprenant, séducteur et habile pour provoquer l’étincelle”, argumente Hicham.
Côté filles, le physique ne semble pas être un paramètre primordial. Pourtant, elles ne sont pas peu nombreuses à disqualifier d’emblée quelques phénotypes. “Je ne suis absolument pas quelqu’un qui se limite au physique. Je suis convaincue que le charme que dégage une personne n’a absolument rien à voir avec les traits de son visage, sa couleur de peau ou sa taille. Mais bon, dès le premier coup d’œil, je peux juger une photo éliminatoire”, dit-elle. Mais un cliché éliminatoire n’est pas forcément synonyme de physique disgracieux. Pour Hanane, 24 ans, “il y a pire qu’un gars moche : un mec qui n’a pas peur du ridicule! Vous savez, ce genre de type qui publie des photos de lui au hammam avec ses enfants, à côté d’une décapotable qui ne lui appartient pas ou d’une estafette de Police avec un “V” de victoire… Même si c’est un Gerard Butler, je passe !”

Pour quel résultat ?

Une fois les atomes crochus identifiés, les différentes applications permettent d’entamer un contact via une petite fenêtre de discussion qui peut à tout moment être désactivée par l’un ou l’autre. C’est sur ce volet-là que ça se corse : comment séduire sans faire fuir? Faut-il tout dire ou taire l’essentiel? Être direct ou rester dans l’éternel non-dit qui règne dans les relations marocaines ? Que de questions qui donnent à l’approche un cachet typiquement local. Si les attentes des hommes et des femmes ne sont que rarement concordantes, celles des Marocains et des Marocaines semblent, elles, totalement à l’opposé les unes des autres.

Aussi caricatural que cela puisse sembler, l’idée générale chez la gent féminine est que “les hommes sont tous les mêmes. Ils ne pensent qu’au sexe”, nous dira Nabila. Postulat que confirmeront plusieurs hommes avec la fierté du mâle assumant ses débordements hormonaux. “Dans ma pratique, je reçois beaucoup d’hommes et je peux vous assurer qu’ils n’ont pas que cette idée en tête. Bien entendu, personne ne serait contre, mais les hommes marocains sont également dans l’émotionnel. Ils sont juste trop pudiques pour le montrer”, affirme Maria Bichra. Et d’ajouter: “La femme, quant à elle, est tellement obsédée par l’idée du mariage qu’elle se montre pressante. Cet acharnement fragilise son approche et rebuterait n’importe quel homme”. Rabii, 27 ans, commerçant, nous le confirme : “J’ai fait quatre rencontres. Mais les filles ne pensent qu’à se marier. Le mari, ses valeurs, ses sentiments, ne sont que détails sans importance. J’avoue que cela m’agace tellement que je laisse tomber dès les premières rencontres, même si la fille en question me plaît vraiment”.

Mais le mariage ou la relation sérieuse ne sont pas les seules raisons d’être sur une application de dating. Pour Amal, 36 ans, déléguée médicale, “trouver quelqu’un de bien avec qui passer de bons moments, sans préjugés, est mon premier objectif. Si cela donnait autre chose par la suite, je ne serais pas contre, mais ce n’est pas mon but. Maintenant, il est très rare de tomber sur un homme qui ne juge pas frivole une femme qui assume sa sexualité”. Difficile, effectivement, de découvrir les attentes de l’autre et surtout, les jugements qu’il peut porter sur notre comportement sur ces applications… comme dans la vie réelle. “Culture oblige, nous sommes souvent dans le non-dit. Nous préférons attendre que l’autre devine nos désirs et les anticipe plutôt que de les dévoiler et les assumer”, renchérit Maria Bichra.

Pour cela et pour bien d’autres raisons, beaucoup d’utilisateurs des applications de dating sont inscrits sans grande conviction. Zakaria, 30 ans, manager, pense quant à lui qu’il n’est pas aisé, de toute façon, de sortir du lot sur une application. “Il faut faire preuve de beaucoup d’originalité et adopter une approche différente pour chacune. Et même avec ça, on n’est pas sûr de ne pas se noyer dans un flot de demandes. Ce qui ne rend pas hommage à ta personnalité. Voilà pourquoi rien ne vaut le réel”. De son côté, Ahmed, 36 ans, financier, se montre également sceptique quant au rendement de ces applications. “J’en ai entendu des histoires de mecs qui ont une fille par jour dans leur lit. C’est un peu comme le film porno de Samira. Tout le monde en parle, mais personne ne l’a vu”…

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