L’enquête du HCP sur les violences subies par les hommes pointée du doigt par l’association Quartiers du Monde

Le 12 avril 2021, le Haut Commissariat au Plan (HCP) a publié un rapport sur la prévalence de la violence subie par les hommes dans les différents espaces de vie. Dans cette note, l’institution révèle une série de chiffres qui interpellent. Au vu des résultats présentés, plusieurs associations montent au créneau comme Quartiers du Monde qui travaille depuis 2014 sur les masculinités au Maroc et dans d’autres pays. Les explications avec Carine Troussel, coordinatrice du bureau Maroc de Quartiers du Monde.

Comment avez-vous perçu le rapport du HCP publié le 12 avril 2021 sur la prévalence de la violence subie par les hommes dans les différents espaces de vie ?

Tout d’abord, nous l’avons feuilleté avec beaucoup de curiosité. Car chez Quartiers du Monde, nous travaillons sur la question des masculinités. Nous sommes convaincus que, dans la perspective de construire des relations égalitaires, il est important qu’une prise de conscience des rapports de pouvoir soit enclenchée des deux côtés afin de mener à bien une transformation. Après la curiosité, nous nous sommes questionnés sur la méthodologie adoptée – aucun détail n’y est  révélé -. Aussi, nous avons eu l’impression que le texte était par moments teinté de raccourcis.

Dans ce rapport, quelles données sont problématiques ? 

Il nous semble que certaines affirmations doivent être remises dans leur contexte comme « le refus de la partenaire de parler à son conjoint pendant plusieurs jours ». Pour nous, il est important de se demander ce qui a provoqué ce comportement. Il y a peut-être des problèmes de communication à l’intérieur du couple voire l’existence de comportements violents préalables de la part de l’homme. Aussi, comment apprécier qu’ une femme refuse de parler à son mari parce qu’elle est victime de violences ou par réel rapport de force et de domination ? D’autres affirmations comme « avoir des manifestations de colère et de jalousie lorsque son partenaire parle à une autre femme », « insister à savoir où il se trouve de manière exagérée », « imposer sa faç̧on de gérer les affaires du ménage », ne relèvent pas du tout de la même échelle de gravité que celles décrites dans les enquêtes sur les violences conjugales dont sont victimes les femmes. Par exemple, dans l’étude IMAGES sur « les masculinités et l’égalité des sexes » portée par l’ONU Femmes Maghreb, les violences évoquées sont de l’ordre de l’insulte (« insulter sa conjointe ou lui faire délibérément perdre confiance en elle”), de l’humiliation (“rabaisser ou humilier sa conjointe devant d’autres personnes”) et de l’intimidation et de la menace (“effrayer ou intimider sa conjointe en la regardant d’une certaine manière, par sa façon de la regarder ou en criant et cassant des choses”, “menacer de blesser sa conjointe”, “faire du mal à des personnes chères à sa conjointe afin de la blesser ou endommager des choses importantes pour elle”…). Dans le rapport du HCP, il serait ainsi intéressant de savoir quelles sont les questions posées aux hommes pour pouvoir identifier de quels types et de quels niveaux de violence il s’agit. Autre élément important à avoir en tête : la perception des violences par les hommes. Dans un contexte où le rapport de domination prédomine, certains hommes peuvent considérer  la prise de décision de sa partenaire comme une violence alors qu’il s’agit d’un processus d’empowerment de la part de la femme.

Selon vous, que révèle alors ce type d’étude réalisée par une institution ?

En tant qu’organisation internationale, nous ne portons aucune conclusion définitive sur  les objectifs de l’enquête. Mais il est essentiel que la méthodologie, les questions posées et le contexte soient clairement exposés. Savez-vous que lorsqu’on prend le cadre d’analyse des masculinités, on se rend compte que la société patriarcale construit un type de masculinité valorisée et encouragée. C’est la masculinité hégémonique. Ainsi, les autres types de masculinité se définissent en relation à cette masculinité hégémonique. Certains hommes qui incarnent d’autres masculinités (par exemple jugées efféminées, homosexuelles, …) peuvent être victimes de violences de la part d’autres hommes. La masculinité hégémonique touche par conséquent les femmes et les hommes qui ne répondent pas à ses attentes. Il est également important d’étudier le continuum des violences, la sévérité des actes subis, leur nombre, leur fréquence, le nombre et la nature des blessures, la présence d’autres types de contrôle conjugal, les niveaux de gravité ressentie des faits et leurs conséquences matérielles et psychologiques, tant sur le plan de la santé que professionnelles ou personnelles. Les violences faites aux femmes ont été étudiées comme un phénomène qui s’inscrit dans un continuum : les femmes sont exposées à des violences multiformes (insultes, menaces, agressions verbales, atteintes psychologiques, violences physiques et violences sexuelles), et ce, tout au long de la vie et dans tous les espaces de la vie. 

Quelles conséquences craignez-vous à travers ce rapport ?

On craint que tout le travail qui a pu être fait, notamment par les organisations de la société civile pour les droits des femmes, soient mis à mal parce que ce rapport ne donnant pas tous les éléments, a l’air de mettre au final à égalité les violences faites aux femmes et les situations violentes subies par les hommes. Il y a un manque cruel de pédagogie qui tend à conclure que les hommes et les femmes en sont à peu près victimes de la même manière ! Ce serait dangereux que germe cette idée ! Car, au-delà du regard du grand public sur cette question, cela pourrait amener les institutions à diminuer leurs efforts en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes, déjà qu’aujourd’hui, les organisations de la société civile manquent de ressources pour l’accompagnement et l’hébergements de ces victimes…  Bien sûr que les violences faites aux hommes doivent être étudiées -la violence exercée par les hommes aussi d’ailleurs-, mais il est important de rappeler la réalité : les violences faites aux femmes étant subies de manière disproportionnées, les chiffres ne peuvent pas être équivalents. Si on poursuit sur cette voie ouverte, on risque même d’aller jusqu’à légitimer les violences faites aux femmes ! 

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