“C’est un beau roman, c’est une belle histoire. C’est une romance d’aujourd’hui”, comme le chantait si bien Michel Fugain dont le refrain résonne encore dans nos têtes. L’amour se fredonne. L’amour se murmure. L’amour se vit. Mais surtout, l’amour nous façonne, et tout particulièrement le premier. Ce dernier a fait jaillir en nous nos premiers sentiments amoureux. Une sorte de grande étape de la vie dont nous craignons les répercussions sur nos relations sentimentales futures. Car, comme l’affirmait Honoré de Balzac, “Un premier amour ne se remplace jamais”. Mais encore faudrait-il le définir. Car “la première rencontre n’est pas forcément le premier amour tout comme la première relation sexuelle, fait remarquer le psychothérapeute, Aboubakr Harakat. Si on prend l’amour comme étant ce sentiment qui nous accapare et qui nous rend aliéné à l’autre, ce n’est pas sûr que ce soit celui qui arrive à l’adolescence.” “À cet âge-là, on parle plutôt de montée de fièvre”, sourit-il. Pour lui, le véritable amour nous prend en otage à l’âge adulte. “Il signifie que l’autre occupe une grande partie de notre raisonnement et de nos fantasmes mais aussi qu’on se projette avec lui dans le futur”, développe-t-il. Comment alors est vécu ce premier amour par la nouvelle génération ? À en croire tous les jeunes qui passent par son cabinet, cette notion est volatile. “Quand on tchatte avec x personnes à la fois sur le site Tinder et qu’on accède à une rencontre au bout d’un clic, on n’a pas le temps de laisser s’installer les sentiments”, se désole-t-il, avant d’enchaîner : “papillonner, c’est bien, mais s’installer pour un temps dans une relation, c’est encore mieux. L’amour est beau, autant le vivre !”
For ever
“On n’oublie jamais notre première fois, que ce soit notre premier Ramadan, notre première descente à vélo ou encore notre première colonie de vacances”, souligne Aboubakr Harakat. Aussi, notre premier amour marque au fer rouge notre cœur et réussit à transformer notre vie, passant d’une grisaille quotidienne à un soleil radieux. Mais que dit-il de nous, ce premier amour ? “Ce que nous étions à une époque mais pas forcément ce que nous sommes aujourd’hui, répond le psychothérapeute. Nous jetons, avec beaucoup de nostalgie, un regard dans le rétroviseur, se remémorant une époque heureuse où les soucis étaient plus futiles et surmontables.” En effet, pour certains, le temps a effacé les disputes pour ne conserver que les bons moments de ce premier amour souvent idéalisé. À cette époque-là, nous nous laissions vivre sans complication. Pour d’autres, ce souvenir peut être douloureux. Le premier partenaire a pu être jaloux, infidèle, manipulateur voire violent. Dans tous les cas, notre première relation amoureuse marque le début de notre vie sentimentale. Mais en faire une référence pour toutes les futures histoires n’est pas la meilleure idée d’après notre spécialiste. “Je déconseille toujours à mes patients d’être dans la comparaison, explique-t-il. Lorsque nous sortons d’une relation, il ne faut pas l’oublier en enchaînant avec une autre puisqu’inévitablement, nous allons la comparer avec la première plus intense.” Et d’ajouter : “la comparaison se fait notamment quand nous ne trouvons pas les petits plaisirs passés. Aussi, on se dira plus facilement qu’on était plus bichonné avec l’autre et qu’on n’a pas gagné au change. Sauf que si nous n’arrivons pas à faire abstraction des défauts du nouveau partenaire, du moins à première vue, nous n’explorons jamais ce qu’il a de mieux à nous offrir.”
Introspection
“L’amour, c’est d’abord sortir de soi-même”, disait Aragon dans “J’abats mon jeu”. Il n’est pas utile de tirer un trait complet sur le passé, mais il est important de tourner la page pour démarrer un nouveau chapitre sur une page vierge. Notre premier amour nous a enrichi. Certes. Mais, il s’est achevé. Faire le deuil est important. Apprendre à s’aimer l’est tout autant. Comment ? En nous mettant en valeur. “N’ayez nulle honte à “grandir” votre image, vous ne vous en porterez, en général, que mieux, peut-on lire dans le livre “Un jour mon prince… Rencontrer l’amour et le faire durer” de Philippe Brenot. Une grande part des thérapies qui peuvent aider à une meilleure image de soi travaillent l’affirmation, la valorisation positive et la narcissisation, mot barbare mais efficace.” Il faut également prendre du recul. Même si cela n’est pas simple, c’est crucial pour avancer. “Être soi, c’est pouvoir agir librement dans notre vie sans être freiné par nos défenses, sans être contraint ou obligé par des événements de vie passés non dépassés, indique l’auteur. C’est être libre de vivre nos désirs les plus profonds ? Encore faudrait-il que nous les connaissions.” La solution ? Un cheminement personnel à faire soi-même ou accompagné par un professionnel, tout en profitant pour dépasser les idées reçues et croyances négatives dont nous avons fait les frais. “Si nous voulons entamer ou vivre de manière épanouissante une relation, notre premier amour ne doit pas être le référentiel, insiste Aboubakr Harakat. De façon imagée, ce serait comme porter les mêmes lunettes de soleil alors que la dioptrie ne correspond plus à notre vue. Résultat : notre vision est floue.” Et de signaler : “Nous n’aimons pas qu’une seule fois dans la vie. Peut-être que votre grand amour est celui que vous n’avez pas encore connu ! Ce qui est sûr, c’est que l’amour s’invite à nous parfois par infraction. Pour autant, il ne doit pas vous effrayer. Ne croyez pas que vous n’êtes pas prêt, préférant la multiplication des expériences avant de vous engager. Car il sera peut-être trop tard. Par exemple, certains de mes patients ne l’ont rencontré qu’au-delà de 30 ans mais d’autres l’attendent toujours…” Aussi, rappelons-nous la magnifique chanson de Barbara intitulé “À chaque fois” : “Chaque fois qu’on parle d’amour/ C’est avec “jamais” et “toujours” (…) Ah redis-le, redis-le moi/ Que je suis ta première fois/ Viens, et fais-moi le serment/ Qu’avant moi, y avait pas d’avant/ Y avait pas d’ombre et pas de soleil/ Le jour, la nuit, c’était pareil/ Y avait pas, au creux de tes reins/ Douce, la chaleur de mes mains/ Ah redis-le, redis-le moi/ Que je suis ta première fois/ Ah, redis-le moi, je te crois/ Je t’aime, c’est la première fois/ Comme à chaque fois/ Comme à chaque fois/ Comme à chaque fois”.
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Les défis du premier amour qui dure pour toujours…
“C’est plus l’exception que la règle, signale d’emblée le psychothérapeute, Aboubakr Harakat. C’est un travail conséquent du couple qui rime avec patience, ouverture d’esprit et tolérance.” Parmi les qualités à avoir, l’écoute. “Écouter, c’est accepter un instant de se mettre à la place de l’autre, accepter d’entendre et de comprendre son point de vue, le laisser aller jusqu’au bout de sa phrase, de son explication, sans penser que l’on sait à l’avance ce qu’il va dire”, peut-on lire dans le livre “Un jour mon prince… Rencontrer l’amour et le faire durer” de Philippe Brenot, avant de rappeler, quelques pages plus loin, “cinq domaines sensibles qui peuvent permettre à chaque couple d’évaluer sa convergence d’intérêts, ses divergences d’idées , son désir ou sa capacité à vivre ensemble le quotidien, qui sont : la langue (communication), le sexe, la mémoire, l’entraide, le besoin de proximité”, sans oublier la bienveillance dans le regard de l’autre.