Le calvaire des femmes violentées (témoignages)

Les violences faites aux femmes sont le lot commun du sexe dit faible un peu partout dans le monde. Au Maroc, la loi qui punit sévèrement les agresseurs, entrée en vigueur le 12 septembre dernier constitue une lueur d’espoir. Pourtant, par ignorance ou croyances, des femmes sont toujours soumises à la violence. Témoignages.

Narrer de douloureux épisodes de vie, raconter le calvaire subi, libérer la parole… Les nombreux centres d’écoute (près de 80) qui accueillent les femmes violentées au Maroc ont réussi à développer une véritable expertise dans le domaine, permettant aux associations qui les chapeautent de devenir les acteurs incontournables des politiques publiques en la matière. Pourtant, la loi 103-13 n’a guère tenu compte de leurs mémorandum et autres doléances. C’est le cas par exemple du viol conjugal, non reconnu par la loi. Les femmes elles-mêmes estiment que c’est de leur devoir d’obéir à l’époux et de satisfaire la moindre de ses lubies, même après avoir reçu une bonne raclée. “Mon mari me battait parfois sans raison, et m’obligeait à coucher avec lui l’instant d’après. J’étais en larmes, j’avais tellement mal que je ne supportais même pas mes habits”, avoue avec amertume Sanae, 35 ans, mère au foyer. La jeune femme n’a pas encore trouvé le courage de quitter ce mari violent qui est le seul à subvenir aux besoins de la famille.

Ni aide financière ni prise en charge

Car, disons-le sans détour, sans autonomie financière, les femmes hésitent souvent à porter plainte et encore moins à quitter leur bourreau. La nouvelle loi contre les violences faites aux femmes a pourtant prévu la mise en place d’unités spécialisées “chargées de pourvoir aux besoins des femmes et des enfants au sein des tribunaux, des agences gouvernementales et des forces de sécurité, ainsi que de comités locaux, régionaux et nationaux…” Dans les faits, cette disposition ne semble pas convaincre les militantes. Aucune aide financière n’a été prévue pour les femmes obligées de quitter le domicile familial, déplorent encore les associations.

Mais si la violence physique laisse des séquelles visibles, il en est une autre, sournoise, car elle est psychologique et émotionnelle. Et celle-là, difficile à prouver, précipite les femmes dans un gouffre de souffrances. “Mon mari me rabaisse sans cesse, me dénigre, m’humilie devant nos enfants et nos familles respectives. Je me sens nulle.” Soraya a subi cette violence insidieuse pendant de nombreuses années. Un ultime sursaut lui a fait prendre conscience des traumatismes subis et de leurs répercussions sur ses enfants. Indépendante financièrement, Soraya a réussi à convaincre son mari de divorcer en contrepartie d’une somme rondelette.

Témoignages

Drissia, 54 ans, 4 enfants

“J’ai vécu l’enfer tout au long de 25 années de mariage. Les conditions de vie dans le monde rural étaient très difficiles, et j’ai supporté stoïquement ses maltraitances et celles  de sa mère. Chez nous, on ne divorçait pas… Quelques semaines avant mon accouchement, sa mère m’a mise à la porte, m’intimant l’ordre d’accoucher dans ma famille. J’étais décidée à le quitter, mais mes parents s’y sont opposés. Après mon accouchement, nous nous sommes installés en ville, et j’ai décidé de ne compter que sur moi, de trimer dur et de supporter les coups. Un deuxième bébé s’annonce, suivi tout de suite après d’un troisième enfant. Il m’abandonne alors à mon sort, et je continue à travailler dur pour nourrir et élever mes enfants. Je parviens à acquérir un tout petit logement à crédit. Entre-temps, il est revenu, mais les problèmes n’ont jamais cessé. Les coups ont continué à pleuvoir sur moi, sans répit. Les choses allaient de mal en pis, et mon mari est devenu d’une jalousie maladive, paranoïaque, me reprochant même le temps passé avec nos enfants… J’étais au bout du rouleau et malade psychologiquement. Grâce à l’aide de l’association, j’ai réussi à me relever, à bénéficier de l’aide d’une avocate pour divorcer. Mais folle que je suis, je lui pardonne et on se remet ensemble. On a un autre enfant. Mais il n’a pas changé : c’était toujours le bon à rien que j’avais épousé, qui veut vivre à mes crochets. Actuellement, je suis en instance de divorce…”

Radia, 28 ans, 2 enfants

“J’ai été mariée alors que je n’avais pas encore bouclé mes 16 ans. Le juge avait accordé une dérogation à mes parents. On ne m’a pas demandé mon avis, et du jour au lendemain, je me suis retrouvée dans le lit d’un homme qui m’a violée dès la nuit de noces. Sa mère avec qui nous vivions me traitait comme une moins que rien. Pendant près de 8 ans, j’ai courbé l’échine, et supporté les humiliations, les coups de bâtons et les insultes. Mais quand mon mari a commencé à déverser sa violence sur nos deux filles, je me suis révoltée et je suis partie chez ma famille. Il a essayé de me reprendre et j’ai tenu bon. Une avocate de l’association m’a aidée à entamer les démarches nécessaires pour le divorce. C’était long, mais j’ai persévéré. Douée en pâtisserie, j’ai suivi une formation dans le domaine et je me suis lancée. J’ai réussi à fidéliser une bonne clientèle. Je vis toujours chez mes parents avec mes filles qui sont aujourd’hui scolarisées.”

Amina, 40 ans, 4 enfants

“Je me suis mariée à l’âge de 25 ans, et j’ai eu rapidement mon premier bébé.  J’ai découvert que mon mari se droguait. Les disputes se sont envenimées, je me réfugiais souvent chez mes parents, mais les supplications de mon mari me faisaient revenir au foyer. Il promettait de changer et je le croyais. J’ai eu ensuite mes jumeaux, et nos besoins ont augmenté, mais mon mari préférait faire passer ses addictions au détriment de sa famille. J’étais obligée de vendre mes bijoux et mes affaires personnelles pour nous faire vivre. Nous étions au bout du rouleau, les dettes se sont accumulées et nous n’avions même pas de quoi payer le loyer… Je suis revenue dans ma famille avec mes enfants, et il est venu avec nous. Ma famille nous a hébergés, mais j’avais honte de cette situation, et je l’ai poussé à partir. Je suis restée près d’une année chez mes parents. Mon mari nous récupère de nouveau, et nous recommençons à vivre ensemble, en essayant de construire un foyer pour nos enfants. Mais les disputes et les coups recommencent. J’avoue que je rendais coups pour coups, mais au fond de moi, je me détestais et je détestais notre vie. Je suis de nouveau enceinte. Le ciel me tombe sur la tête, et je décide de le quitter définitivement. Je m’installe de nouveau chez mes parents. Pour me conseiller et me guider, j’ai fait appel à l’avocate de l’Association Initiatives pour la Protection des Droits de la Femme (IPDF), et je demande le divorce chiqaq (divorce judiciaire par discorde). Il a pourtant continué à venir me voir et à m’implorer pour que je revienne, en refusant catégoriquement le divorce. Devant mon refus de reprendre la vie commune, il a commencé à me harceler, à menacer de me défigurer. Pour me défendre, je sortais munie d’une arme blanche. J’ai travaillé comme domestique pour subvenir aux besoins de mes enfants. Après mon accouchement et grâce à l’accompagnement de l’IPDF, j’ai monté un petit atelier de broderie et de couture qui a bien marché pendant 2 ans. Ensuite, avec ma sœur, nous avons lancé une coopérative  dédiée aux produits naturels (huiles essentielles et herbes aromatiques). Nous avons reçu l’appui de l’INDH pour nous équiper et nous former. La coopérative est bien lancée, et nous participons à différents salons au niveau national. Je ne réclame aucune pension alimentaire à mon ex-mari, et je fais tout pour préserver mes enfants et leur assurer un environnement serein et un bel avenir.”

Asmaa, 36 ans, 2 enfants

“Je connaissais la violence physique. J’en avais été victime auprès de mon premier mari mort dans un accident de voiture. Je me suis remariée, croyant avoir trouvé le prince charmant… Mais j’ai vite déchanté.  Il m’infligeait une torture psychologique qui m’anéantissait, me laissant sans force et sans réaction. J’ai perdu 10 kilos. J’ai essayé à maintes reprises de partir, mais il s’excusait, me couvrait de cadeaux… Cela a duré pendant 5 ans jusqu’au jour où cela a basculé dans l’horreur. Il m’a cassé le nez, brûlé l’intérieur de la bouche et poussé dans les escaliers. J’ai failli mourir. J’ai eu une interruption temporaire de travail (ITT) de 60 jours. J’ai enfin osé porter plainte… Il a été arrêté, et je me suis libérée de son emprise…”

Oumaïma, 19 ans

“J’ai failli mourir suite à l’agression perpétrée par un jeune homme qui voulait absolument que je sorte avec lui. Je n’en avais pas envie, car j’étais absorbée par mes études, et la préparation des examens de passage en deuxième année du Baccalauréat. Il me suivait au lycée, me harcelait, m’envoyait des petits mots par l’intermédiaire de ses amis ou de mes camarades de classe… Quand il a vu que je ne changeais pas d’avis, il m’a attaquée un jour avec un rasoir… Si des élèves ne se sont pas interposés,  le pire serait arrivé. Cela fait 2 ans  que ce drame est arrivé. J’ai arrêté le lycée pendant quelques mois, et grâce à l’accompagnement psychologique et à l’aide de l’association, j’ai repris confiance en moi. Je garde à vie une vilaine cicatrice qui me rappelle constamment que la violence physique peut atteindre tout un chacun. Grâce à Dieu, j’ai décroché mon Bac, et là j’entame ma première année à la faculté. J’espère devenir journaliste.” υ

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