L’appel de l’UNESCO aux médias marocains pour sensibiliser à l’éducation sexuelle

Pour briser les tabous autour de la sexualité, l’UNESCO compte sur les médias. En effet, leur rôle est crucial. Aussi, le bureau onusien au Maghreb, en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) au Maroc, a organisé, le 15 juillet, un webinaire sur « le rôle des médias dans la sensibilisation à l'importance des programmes pédagogiques liés à une éducation complète à la sexualité ». Entretien avec Golda El-Khoury, directrice et représentante de l’UNESCO pour le Maghreb.

Vous avez concocté un webinaire sur « le rôle des médias dans la sensibilisation à l’importance des programmes pédagogiques liés à une éducation complète à la sexualité ». Quel constat faites-vous aujourd’hui à ce sujet ? 

Pour l’UNESCO, l’éducation complète à la sexualité est un processus intégré aux programmes scolaires, reposant sur l’enseignement et l’apprentissage des aspects cognitifs, émotionnels, physiques et sociaux de la sexualité. Elle vise à doter les enfants et les jeunes des connaissances, compétences, attitudes et valeurs leur permettant de jouir de leur droit à la santé, au bien-être et à la dignité ; de développer des relations sociales et sexuelles respectueuses ; d’examiner de quelle manière leurs choix affectent leur propre bien-être et celui des autres ; et de comprendre et d’assurer la protection de leurs droits tout au long de leur vie.  Lorsqu’ils passent de l’enfance à l’âge adulte, les jeunes reçoivent des informations déconcertantes et contradictoires sur les relations et sur le sexe, ce qui s’est traduit par une demande croissante de la part des jeunes pour des informations fiables qui les préparent à une vie sûre, productive et épanouissante. Bien enseignée, l’éducation complète à la sexualité répond à cette demande en leur permettant de prendre des décisions informées sur les relations et la sexualité et de naviguer dans un monde où la violence fondée sur le sexe, les inégalités sexuelles, les grossesses précoces et non désirées, le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) continuent de faire peser de graves risques sur leur santé et leur bien-être. De la même manière, l’absence d’une éducation à la sexualité et aux relations, qui soit de qualité, adaptée à leur âge et à leur stade de développement, peut mettre les enfants et les jeunes en situation de vulnérabilité face à des comportements sexuels néfastes et à l’exploitation sexuelle. L’éducation complète à la sexualité joue donc un rôle crucial dans le traitement de la santé et du bien-être des enfants et des jeunes. En appliquant une approche axée sur l’apprenant, elle offre aussi l’occasion de présenter la sexualité sous un angle positif en mettant en avant des valeurs comme le respect, l’inclusion, la non-discrimination, l’égalité, l’empathie, la responsabilité et la réciprocité.

Cependant, les composantes des programmes d’éducation complète à la sexualité sont parfois mal comprises et considérées, par certains, comme présentant un contenu pouvant influencer sur l’augmentation de la fréquence des rapports sexuels ou le nombre de partenaires chez les jeunes. Au Maroc, par exemple, comme l’a dit lors du webinaire, M. Fouad Chafiqi, directeur des curricula et des programmes scolaires au sein du ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, l’intégration de la question de l’éducation complète à la sexualité dans les programmes éducatifs fait face à un certain conservatisme qui imprègne encore la société marocaine, et révèle le caractère tabou que revêt le sujet au sein des enseignants mais aussi des parents. D’où l’importance d’impliquer les journalistes car les médias sont des canaux de communication efficaces qui touchent un grand nombre de personnes, même en milieu rural. Ces derniers, disposant d’un pouvoir de sensibilisation pour toucher les décideurs, les leaders d’opinion et le grand public, ont donc un rôle crucial à jouer dans la compréhension correcte des composantes de l’éducation complète à la sexualité par la population, ainsi que dans la promotion de l’importance d’une telle éducation dans l’enseignement des enfants depuis leurs plus bas âges. 

A l’UNESCO, les journalistes sont des partenaires essentiels dans tous nos programmes et initiatives, et en particulier dans un sujet important et prioritaire telle que l’éducation complète à la sexualité. Ils se présentent pour nous comme une opportunité pour accroître l’accès à des informations positives, exactes et exemptes de jugement sur la sexualité et les relations. Il est dès lors important d’être en phase avec les pratiques des jeunes, et faire en sorte que les médias deviennent des canaux efficaces pour une éducation complète à la sexualité effective et à destination de toutes les parties prenantes, essentiellement les parents, ainsi que des alliés dans la sensibilisation sur l’importance de la programmation de tels apprentissages.

Quels sont les obstacles et difficultés rencontrés par les journalistes sur ces questions ?

Les médias libres et professionnels au Maroc ont joué un rôle important dans le plaidoyer en appui à la société civile, dans les mouvements de lutte pour les droits des femmes, des mineurs, etc., et dans la sensibilisation pour changer de nombreuses lois afin de respecter les principes des droits de l’homme. Cependant, selon ce qu’ont rapporté tous les intervenants lors du webinaire, il existe encore de nombreuses difficultés et obstacles pour les journalistes qui souhaitent travailler sur ces sujets. 

Le premier obstacle est la faible connaissance des concepts et des normes internationales et nationales, qui sont liés à l’éducation complète à la sexualité. Nous devons donc travailler à renforcer cet aspect afin d’établir une base solide à partir de laquelle les journalistes peuvent aborder ces questions. Parfois et par manque de connaissance professionnelles, éthiques et morales dans le traitement de ces questions, elles sont traitées de manière scandaleuse. Et c’est là le deuxième obstacle ! En libérant une parole décomplexée sur la sexualité afin d’informer de façon massive sur la thématique, il est important de ne pas tomber dans la vulgarité, la discrimination et le sexisme qui peut heurter la sensibilité de la population. 

La troisième difficulté pour les journalistes concerne l’accès à des informations fiables et correctes, exemptes de préjugés et de stéréotypes, et leur diffusion à grande échelle afin qu’elles soient accessibles au public et contribuent à sa prise de conscience. Cela nécessite un travail de fond avec les institutions de journalisme et la société civile, ainsi que les différentes parties concernées, pour mettre à disposition toutes les informations nécessaires. Nous pouvons également ajouter une quatrième et dernière difficulté, à savoir le manque de coopération et d’implication des différents acteurs pour mettre à la disposition des journalistes des formations continues pour le renforcement de leurs capacités. Il est important de renforcer en permanence ce réseautage, en adoptant des mécanismes de communication durables, disponibles aujourd’hui grâce aux technologies modernes, afin de renforcer la spécialisation et l’intérêt des journalistes pour le sujet, mais aussi de suivre et de produire des supports médiatiques de qualité.

Lors de votre rencontre virtuelle, vous avez voulu donner la parole aux jeunes journalistes. Qu’est-ce qui a été le plus marquant dans leurs discours ?

Le discours des jeunes est généralement caractérisé par le réalisme et la franchise, et à l’UNESCO, nous adoptons l’approche de la participation effective et durable des jeunes dans toutes les thématiques qui affectent leur développement et celui de leur société. Il est donc normal et naturel que les jeunes journalistes soient également présents et soient au centre de notre discussion sur l’éducation complète à la sexualité. Leurs discours a été clair et franc. Ils comprennent leur génération et connaissent leur réalité. C’est une génération qui a été élevée dans le contexte de la révolution technologique moderne et des médias sociaux, qui produisent les divers contenus que nous consommons aujourd’hui, y compris le contenu sur la sexualité. Ils savent que ce sont des sujets très sensibles à traiter et ils veulent voir des changements positifs pour leur communauté sous tous ses aspects.

Selon le rapport de 2017 du Conseil économique, social et environnemental du Maroc (CESE), les jeunes de 15-34 ans, représentent 34% de la société. Ils constituent donc une véritable force de changement et un catalyseur dans l’évolution des sociétés. Les jeunes journalistes forment à leur tour la plus grande proportion de professionnels des médias au Maroc, et ils cherchent le changement parce qu’ils sont conscients des effets des technologies modernes et des implications trompeuses, et il est très important d’encadrer et renforcer leurs capacités essentiellement en réponse à leurs attentes. Les jeunes qui ont participé au webinaire ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités, notamment lorsqu’ils ont souligné l’importance de lier la pratique des médias au respect des principes des droits de l’homme tels qu’ils sont internationalement reconnus. Cette prise de conscience de l’importance du respect des droits de l’homme dans les différents contenus médiatiques contribuera inévitablement à améliorer la qualité de la pratique médiatique d’une part, et d’autre part, à réaliser le changement positif que nous souhaitons tous.

Quelles conclusions ou recommandations sont ainsi ressorties de ce webinaire ?

Les recommandations formulées concernent principalement la formation initiale, la formation continue, et la sensibilisation selon chaque groupe cible, les médias traditionnels et nouveaux canaux de communication. Pour commencer à la base, nous devons introduire des modules dans la formation des étudiants en journalisme qui vont leur permettre d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires (comprendre le cadre juridique et institutionnel, ainsi que le thème et les objectifs d’une éducation complète à la sexualité, utiliser la bonne terminologie, respecter les principes de non-discrimination, d’égalité et d’équité, etc.), pour pouvoir à l’avenir contribuer à l’avancement des programmes d’éducation complète à la sexualité.

Il en va de même pour tous les journalistes, en particulier les jeunes professionnels des médias, qui à leur tour ont besoin d’une formation continue sur le sujet, afin de faire progresser les pratiques professionnelles et éthiques dans le traitement de sujets et de programmes d’éducation complète à la sexualité, loin de la diffamation et du caractère scandaleux et discriminatoire de la couverture des questions liées au sujet. À l’UNESCO, nous avons écouté attentivement les observations et recommandations des participants, et nous avons exprimé notre engagement à coopérer avec nos partenaires de l’UNFPA, de l’ONUSIDA, de l’ISIC et du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, afin de renforcer les capacités des journalistes et leurs connaissances sur le sujet. 

Les journalistes ne sont pas les seuls impliqués dans la question d’une éducation complète à la sexualité. C’est une question qui concerne toutes les parties prenantes, en premier le ministère de l’Éducation pour généraliser les programmes de l’éducation complète à la sexualité dès le plus jeune âge, mais aussi les autres partenaires, comme les parents, la communauté, les professionnels de la santé, les enseignants, et les leaders d’opinion. De ce fait, en partenariat avec le ministère de l’Éducation et certaines institutions spécialisées, telles que l’Institut supérieur de l’information et de la communication, nous travaillerons pour développer une culture d’utilisation rationnelle et de traitement prudent des contenus sur internet pour développer des contenus fiables sur l’éducation complète à la sexualité accessible aux jeunes.

Au niveau international, l’UNESCO a lancé, en tant que cheffe de file des agences des nations unies dans l’Éducation en vue du développement durable, une campagne mondiale sur l’éducation complète à la sexualité « Des fondations pour la vie et l’amour » (#CSEandMe) qui a pour but de démontrer les bénéfices d’une éducation complète à la sexualité de qualité pour tous les jeunes. Dans le cadre de la campagne, l’UNESCO a interviewé des familles du monde entier au sujet de leur expérience en matière d’éducation à la sexualité. De l’Asie-Pacifique à l’Afrique, de l’Amérique latine à l’Europe et à l’Amérique du Nord, les parents et les enfants nous ont confié qu’ils auraient voulu en savoir plus au sujet de la puberté, de l’amour, du genre, du consentement, et des relations intimes. Au niveau du Maroc, ce webinaire n’est qu’une première étape dans une campagne coordonnée pour renforcer les rôles des médias dans la promotion de l’éducation complète à la sexualité et que le Bureau de l’UNESCO renouvelle son engagement auprès des professionnels des médias, essentiellement les jeunes, pour une approche qui respecte l’éthique et les droits de l’homme dans la promotion des programmes pédagogiques de l’éducation complète à la sexualité, et ce à travers la formation et le partenariat. 

Pour d’informations :

« Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité: une approche factuelle », publiée en 2018 par l’UNESCO, ONU Femmes, ONUSIDA, OMS, UNFPA, UNICEF et considérée comme une référence de base dans ce domaine, et dont la version arabe sera publiée dans les prochaines semaines.

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