Quel bilan dressez-vous de vos trois années d’existence ?
La marque Koun a pu voir le jour grâce à la Fondation Drosos, car les besoins matériels et humains nécessaires pour une telle activité sont importants. L’appui de la Fondation aux côtés de l’INDH, du MEPI, de l’Ambassade des Pays-Bas et de l’Union Européenne ont permis de transformer un rêve en une très belle réalité. Le bilan de ces trois années est prometteur et positif. Nous avons pu, en trois ans, amorcer l’activité de recyclage, et gagner la confiance de nos clients-partenaires qui adhèrent à notre vision et s’y inscrivent.
Aujourd’hui sur le plan social, nous avons formé 82 jeunes et inséré 73%. Sur le plan environnemental, nous avons collecté plus de 23 tonnes de déchets grâce à nos écoles et entreprises partenaires du KOUN Upcycling Club. Ces déchets sont upcyclés en produits fashion et design présents sur notre site web www.koun.ma ou en produits 100% personnalisés à la demande des entreprises.
La marque Koun est aujourd’hui présente, connue et reconnue aussi bien par le secteur public, privé que par les particuliers fidèles à nos produits et s’inscrivant à 100% dans notre démarche éco-responsable. En effet, nous avons réussi à créer une chaîne de valeur complète appuyant ainsi tout acteur souhaitant passer au vert par le conseil, la formation et la sensibilisation, collecte et, enfin, la possibilité de rendre leur politique d’achat éco-responsable en offrant nos produits ou en aménageant leurs espaces avec nos produits.
Le recyclage est au cœur de l’action de Koun. Expliquez-nous un peu ce processus ?
Koun (sois en arabe) est une proposition de réponse au questionnement séculaire de l’être entre essence et existence. Koun commence là où la vie de nombreux produits s’arrête, collecte les déchets du quotidien, les trie, les tord, en extrait l’essence puis leur donne une nouvelle existence. Koun rejoint ainsi la marche de l’économie circulaire, y insuffle du design et relève le défi de la conscience qui fait sens dans une rencontre de l’éthique et de l’esthétique.
Par sa pratique de l’upcycling – élévation du concept de recycling – la marque a également souhaité être une opportunité économique pour les plus démunis. Koun travaille avec des jeunes et des femmes en réinsertion professionnelle afin de concevoir ses produits. Au travers de formations et d’apport de compétences, des hommes et des femmes créent ensemble des produits et des perspectives.
L’art de l’upcycling, c’est une promesse : “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”. C’est là que s’enclenche un processus technique et créatif, afin de convertir en objets de valeur supérieure des déchets du quotidien : papier, bouteilles et bidons plastiques, canettes, sacs en plastique, ….
Les fables de Koun, ce sont les histoires de 1236 bouchons devenus luminaires design, de 622 sacs plastiques qui renaissent en sacs à main ou de milliers de feuilles volantes qui se découvrent en collection de papeterie écologique.
Comment se fait le choix des jeunes ciblés ? Faut-il avoir une fibre artistique pour intégrer le programme ?
Il y a d’abord eu l’Association Al Ikram-Fondation Valyans qui a créé Ressourc’In, la première entreprise sociale d’insertion marocaine. Sa vocation est d’intégrer le champ de l’économie sociale et solidaire au travers de formations, plaçant l’humain, ses développements sociaux et professionnels au cœur de son action. Ce sont aujourd’hui une cinquantaine de jeunes et de femmes qui ont intégré le programme et qui sont formés aux techniques de transformation et de valorisation des déchets.
Les jeunes qui intègrent le cycle de formations pour leur autonomisation socio-économique sont à 90% des jeunes sans emploi, sans formation, et non scolarisés (NEETs comme les nomme la Banque Mondiale). Ceci est un critère important dans notre sélection car notre programme souhaite donner une seconde chance à des jeunes sans perspective d’avenir. Nous commençons donc par une mobilisation générale à Benmsick et quartiers environnants. Ensuite, nous recevons des jeunes intéressés qui, à l’issue de l’évaluation de leur profil (NEETs et motivés pour apprendre un métier vert) suivent un cursus de formation combinant théorie et pratique pendant une période de 6 mois : cours techniques sur le métier choisi (recyclage plastique, recyclage papier-carton, recyclage par le tissage), cours de life-skills pour leur développement personnel et sur les techniques d’emploi et enfin la pratique au sein des ateliers. Pour cette dernière étape, ils passent par les différents postes au sein de l’atelier de recyclage choisi. Ils sont finalement insérés chez nous pour ceux qui maîtrisent le mieux la technique de l’atelier choisi sinon nous nous occupons de leur insertion dans le marché de l’emploi soit chez des imprimeurs (par exemple pour les lauréats de la formation en papier recyclé) ou alors dans la plasturgie.
La fibre artistique n’est pas un prérequis du programme. Nous avons une touche artistique au sein de KOUN que nous nous devons de conserver car la marque a aujourd’hui un univers qui lui est propre. Cependant, nous faisons de cet aspect artistique une opportunité de développement de la créativité des jeunes. Au lancement de la marque, nous avons fait appel à des designers externes pour la conception et le suivi pour trouver notre cachet. Aujourd’hui que notre concept a été conçu, testé et approuvé, l’inspiration n’a plus de limite. Nous poussons les jeunes des ateliers avec leurs responsables et le management à travailler dans un esprit collaboratif.
Quels sont les prochains challenges de Koun ? Comment voyez-vous l’évolution de ce concept ?
Nous sommes actuellement en train de mettre en place un atelier de sérigraphie écologique pour permettre à nos clients d’acheter un produit où toute la chaîne est maîtrisée et avec une impression écologique sur le produit recyclé.
De plus, nous avons mis en place un partenariat avec l’entreprise Biodome Maroc pour transformer les déchets organiques des écoles et entreprises en compost. Ceci permettra à nos entreprises partenaires de collecte de pouvoir transformer l’ensemble de leurs types de déchets (plastique, papier-carton, tissus et organique).
Nous voyons en Koun une grande entreprise avec des antennes régionales et à l’international permettant à la terre de respirer, aux jeunes de travailler dans des nouveaux métiers et enfin aux consommateurs de trouver plus facilement des alternatives à la fast-fashion et aux produits polluants.
Qui dit développement économique, dit plus d’impact social et environnemental. Nous souhaitons ainsi atteindre les 150 jeunes formés et insérés par an et passer de 8 à 24 tonnes de déchets collectés par an.
Est-il possible de dupliquer le concept Koun dans d’autres villes ?
Oui, cela est possible avec une adaptation aux besoins locaux aussi bien sur le plan social qu’environnemental.