Infertile amour

Dans l'incapacité de mener à terme une grossesse, Radia a adopté un enfant malgré les réticences de son époux. Ce dernier, obsédé par la filiation et malgré l'amour qu'il lui porte, a fini par envisager la séparation pour assurer sa descendance. Une décision sans appel qui a coûté son couple à Radia. Elle raconte sa douloureuse épreuve...

Je me suis mariée, sur le tard, après avoir atteint mes quarante printemps. Ingénieure de formation, je suis celle qui a le mieux réussi dans la famille et ai longtemps pris mes soeurs sous mon aile, les hébergeant et les aidant financièrement. J’ai donc mis du temps à choisir mon compagnon de vie afin qu’entente et amour soient au rendez-vous. Il a fini par se matérialiser sous les traits de Larbi, professeur à la fac, célibataire endurci mais homme hors normes doté d’une intelligence aigüe. On a tout de suite été sur la même longueur d’onde, et ce, à tous les niveaux. Evidemment, j’ai très vite déclenché le processus “enfantement” en tombant enceinte dans les mois qui ont suivi le mariage. Larbi ne se tenait plus de joie et, dès les premières semaines, il me caressait le ventre en donnant  déjà des prénoms au petit oeuf qui grandissait en moi.

HÉLAS, NOTRE BONHEUR a été de courte durée et j’ai rapidement perdu le bébé… Une deuxième fausse couche est survenue quelque temps plus tard. Mon gynéco disait que l’organisme éliminait naturellement tout ce qui est porteur d’anomalies chromosomiques dues à l’âge ; mais moi, j’étais persuadée en mon for intérieur que cela finirait bien par prendre, un jour…

UN AN PLUS TARD, pressée par l’horloge biologique qui continuait de tourner, j’ai décidé de passer à la vitesse supérieure : la procréation médicalement assistée. C’est à ce moment-là que Larbi, extrêmement réticent à la chose, a commencé à montrer une face nettement moins conciliante. Pendant que je prenais des doses hormonales de cheval, dégoulinais sous le stress, étais astreinte à suivre un protocole de suivi médical très rigoureux, lui semblait se désintéresser totalement de l’entreprise. C’est à peine s’il consentait à m’accompagner pour livrer sa pipette de sperme. Sur le reste, il était d’un silence radio presque assourdissant et bien sûr, aucun soutien psychologique n’était à attendre de lui. Pire, il fallait le gérer aussi avec ses humeurs parfois sombres et ses piques désabusées : “Sans enfant, ma vie n’a pas lieu d’être”. Sous entendu : j’étais responsable de cet état de fait, trop vieille pour procréer. De mon côté, je ne répondais rien et avalais les couleuvres, en attendant le miracle.

J’ÉTAIS EPUISÉE MORALEMENT et physiquement par des F.I.V. sans résultat. Mon mari quant à lui s’absentait de longs mois à l’étranger pour ses travaux de recherche. Il fallait en outre combiner son agenda avec mes cycles artificiels. Néanmoins, hormis ce problème récurrent entre nous, nous continuions à partager beaucoup de choses, avec une complicité qui ne s’est jamais démentie. Par la suite, est venu le temps où il a fallu déclarer forfait sur le plan biologique ; à ce moment-là, l’adoption a commencé à me trotter dans la tête. En ayant touché un mot à Larbi, je me heurtai au même mur qu’auparavant : “Il n’en est pas question. Je serais incapable de le considérer comme mon propre enfant. C’est ridicule que je sacrifie un tel acte alors que moi je suis fécond”. Bref, l’impasse…

J’ENTAMAI TOUT DE MÊME des démarches en solo, contactant associations et orphelinats, prête à sauter le pas en dépit de Larbi. Je voulais coûte que coûte adopter une petite fille mais elles représentaient une proportion moindre par rapport aux garçons. Un beau jour de printemps, le destin s’en mêla et je reçus l’appel d’une directrice de crèche pour enfants abandonnés : une petite de trois mois m’y attendait. Un bébé chétif à l’extrême, mais dont le regard m’a tout de suite captée ; j’en ai eu des frissons. Cet élan d’amour profond qui m’a immédiatement portée vers elle a fait de moi, à cette seconde précise, sa maman pour l’éternité. J’appréhendais malgré tout la réaction de mon mari…

A juste titre puisqu’il s’est renfermé sur lui, plongeant la tête la première dans son travail. A la maison, il faisait comme si elle n’existait pas ; en outre, il a aussi refusé de lui donner son nom sur le livret d’état civil. J’étais à la fois folle de joie devant mon petit bout de chou et déchirée entre mes deux amours. J’espérais de tout mon coeur que, le temps aidant, Larbi reviendrait à de meilleurs entiments.

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LA VIE S’ÉCOULAIT tant bien que mal et Kamelia eut bientôt un an. Elle était très éveillée pour son âge et s’est mise à parler très tôt. Curieusement, comme si elle pressentait les choses, elle s’est employée à séduire son père adoptif. Avec ses risettes et sa coquinerie, elle criait “Papa Larbi !” en se jetant sur lui dès qu’il franchissait le perron. Le plus fort, c’est qu’elle est parvenue à ses fins et qu’il a commencé progressivement à se détendre puis à la réclamer, lui aussi.

OUF ! J’ÉTAIS ENFIN SOULAGÉE de nous voir former une famille à part entière sans me douter une seconde que j’étais en train de me fourvoyer. Larbi, même en affectionnant sincèrement Kamelia, n’avait en rien renoncé à ses velléités de paternité. Peut-être les avaitelle même exacerbées en lui faisant goûter à la condition de père ! Et un jour, alors que j’étais partie passer l’Aïd à Fès avec la petite chez ma famille, je reçus un appel de Larbi… Monsieur me signifiait qu’il avait ramassé toutes ses affaires et qu’il allait mettre un point final à notre vie commune pour se remarier. Fort de son raisonnement logique et presque mathématique, il m’expliqua de manière dépassionnée qu’il m’aimait mais désirait par dessus tout avoir ses propres enfants. Comme je ne voulais pas donner mon accord pour qu’il épouse une deuxième femme, il n’y avait pas d’autre solution que le divorce, arguant aussi que si la situation était inversée, il se serait effacé sans l’ombre d’une rancoeur. Dans le choix cornélien qui s’est posé à lui, c’est donc moi, en gros, qui ai fini par passer à la trappe.

LA SÉPARATION EUT LIEU à l’amiable et il m’assura ne pas vouloir couper les ponts entre nous. Comme d’habitude, je ne protestais pas, quoique ne sachant pas trop où il voulait en venir. Mes amis me disaient qu’il faisait sa crise et qu’il finirait par rentrer au bercail et moi, je me berçais de douces illusions, fantasmant sur des retrouvailles proches. Car Larbi restait très protecteur avec moi et très présent avec la petite qu’il emmenait en promenade régulièrement. Il m’appelait sous n’importe quel prétexte, nous rendait visite et n’aurait sans doute pas refusé de passer plusieurs nuits à la maison si je n’avais mis mon veto ferme et définitif à cet imbroglio relationnel : “Après avoir été mariés, tu veux maintenant devenir mon petit ami ; c’est le monde à l’envers !”

DE FAIT, PERSONNE dans ma résidence ne devine que nous sommes séparés, tant il persiste à faire partie de notre vie. Son discours contredit pourtant ses actes ; ainsi, sa dernière lubie en date est que je me charge personnellement de lui trouver une femme instruite et bent nass qui lui fera des enfants : “Toi, tu sauras chercher celle qui me convient ; tu me connais si bien !”. De quoi se sentir comme une première épouse stérile du siècle dernier… Le comble de la goujaterie masculine était atteint ! Je répondis du tac au tac : “Eh bien, trouve-moi d’abord ton remplaçant et je m’occupe de ton cas”. Avec audace, il affirma alors que me concernant, la donne était différente et que je n’avais nul besoin de refaire ma vie. Double smash dans la figure ! Il a de la chance que je ne me formalise pas trop des horreurs qu’il débite, et que ma fille comble presque entièrement cet immense vide qu’il a ouvert en moi. â– 

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