Il me trompe, ou quoi ?

Il a changé. Un peu, pas trop, vous n’en êtes même pas sûre vraiment, mais quelque chose est différent. D’à peine perceptible. Est-ce en vous ? En lui ? Une pincée de suspicion vole sur votre couple. Vous l’observez à la dérobée et surveillez le moment où il franchira la porte. Tous vos sens sont en alerte. Il vous trompe ou quoi ?

Vous vous êtes marieé pour le meilleur mais là, vous avez l’horrible impression que le pire vous arrive. Vous ne vous y attendiez pas, tout allait à merveille dans votre couple. De petites crises de temps en temps, mais rien de franchement perturbant. La petite machine roulait bien, les habitudes s’étaient installées et votre vie ronronnait, tranquille. Toutes vos copines vos enviaient. Vous vous pensiez à l’abri de ces histoires sordides. Et puis d’un coup les doutes. Ça rôde autour de vous et ne vous lâche plus.Vous y pensez jour et nuit sans savoir si cela est justifié ou si vous êtes en train de devenir folle. Si c’est vrai, il cache drôlement bien son jeu ! Vous posez sur lui le regard d’un enquêteur de police qui veut savoir, à tout prix, et qui ne passera pas pour la poire de l’histoire. Et d’un autre côté, cela ne lui ressemble tellement pas, et vous vous aimez tellement, et pourquoi est-ce qu’il vous ferait ça vous qui êtes tout pour lui, il vous l’a redit hier soir ? Vous aimeriez en avoir le cœur net, c’est du moins ce que vous vous dites en redoutant l’instant où vous découvrirez le pot-aux-roses. Si pot-aux-roses il y a.

La puce à l’oreille

Ça a commencé avec ce coup de téléphone. A dix heures du soir, avant-hier. Il n’a pas répondu. Et quand vous avez demandé pourquoi, vous avez eu droit à un gros soupir et à un vague : “Le boulot à cette heure-ci, pas envie de répondre.” D’habitude, pourtant, il répond toujours, et à n’importe quelle heure. Le lendemain, il changeait de pièce pour parler, soi-disant pour ne pas vous déranger, parce que vous regardiez une émission sur l’élevage des bébés phoques. Lui qui parle toujours fort au téléphone au point de couvrir le son de la télé même quand vous suivez votre feuilleton préféré… bizarre ! C’est là que le doute s’est immiscé en vous. “Il a changé. Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’il me cache ?” Ça vous embêtait d’être dans cette situation d’interrogations constantes et que cela ait déclenché en vous, aussitôt, une curiosité malsaine. Depuis, tout votre être est concentré sur lui. Vous l’attendez sur le pas de la porte, l’air de rien, pour essayer de percevoir s’il n’était pas au téléphone la seconde d’avant. Pour l’enlacer, lui faire un gros câlin, histoire de plonger votre nez dans son cou à la recherche d’une odeur de rivale. Vous avez l’œil sur la montre… dix minutes de retard. Que peut-on faire en dix minutes de temps volé ? Ces dix minutes sont les pires de votre existence. D’autant plus que quand vous l’appelez, vous tombez sur la boîte vocale. Cela arrive que son portable se décharge mais ce soir, c’est inacceptable, particulièrement douteux. 

Maintenant, vous observez chaque expression de son visage, histoire de voir s’il est comme à son habitude, ou un peu distrait. Vous pouvez dire où est posé son téléphone très exactement ; vous avez vérifié dix fois ce soir s’il n’était pas en mode silencieux. Vous vous sentez un peu fébrile et en colère sans savoir pourquoi puisque vous n’avez dans le fond rien à lui reprocher. Vous attendez avec crainte ce week-end : et s’il vous annonçait qu’il allait voir des copains comme parfois, que feriez-vous ? Là, tout est différent.

Dans la peau de sherlock Holmes

Vous qui avez toujours eu une confiance inébranlable en vous, vous ne vous reconnaissez plus. Tout ce qui lui appartient et traîne depuis des années devant vous sur le lit, par  terre, ou encore dans le coffre de la voiture – téléphone portable, portefeuille, vestes de costume, sacoche de travail – passera au crible dès qu’il aura le dos tourné. Vous trouvez même le moyen de l’envoyer descendre les poubelles ou prendre un bain à minuit pour avoir quelques minutes à vous et pour que votre enquête avance. Vous fouillez ses poches de costumes, cherchez dans son téléphone… vous ne savez même pas ce que vous cherchez : un indice, le plus infime qui confirmera vos doutes pour l’instant parfaitement abstraits. Vous fouillez tout dans la peur et l’agitation, partagée entre le désir de savoir et la peur énorme de découvrir l’inacceptable. En fait, vous n’êtes même pas sûre de vouloir savoir. Une telle chose vous anéantirait, détruirait vos illusions de jeune fille encore quasi-intactes et votre vie si parfaite au fond. Votre amour pour lui prendrait une sacrée claque en passant. Et votre estime pour vous-même, n’en parlons pas ! Il est vingt-deux heures. Assise, défaite, sur le lit, échevelée et essoufflée, vous stoppez deux secondes vos investigations le temps de tendre l’oreille. La télévision est allumée, mais il vous semble entendre sa voix. Mais ce serait qui, cette fille ? Une collègue de bureau ? Une ex ? Une stagiaire fraîchement débarquée dans l’entreprise, avec dix ans de moins que vous ? Vous descendez les marches sur la pointe des pieds, risquez un œil dans le salon. Vide ! Vous vous sentez immédiatement doublée, tous vos sens sont en éveil. Où est-il ? Que fait-il ? La lumière filtre sous le bureau. Et s’il était connecté avec une belle inconnue sur internet. Oui, ce pourrait être cela. Ce serait affreux. Est-ce que ça aussi, ça s’appelle “tromper” ? Oui, indiscutablement. Vous entrez sans frapper, ce qui n’est pas dans vos habitudes et… “Oui, chérie ?” Il est là, le nez plongé dans un dossier, ordinateur éteint, tellement absorbé qu’il ne vous regarde même pas. Embarrassée, vous vous sentez ridicule d’un coup.   

Ouf, bredouille !

Deux semaines que vous êtes dans cet état insupportable, à appeler Rita dix fois par jour pour lui raconter l’avancée des événements. L’avancée des événements ? Rien, justement. Vous n’en savez pas plus après qu’avant. Il a l’air nikel sur toute la ligne. Il a passé le week-end à  la maison, et a même poussé la gentillesse à vous accompagner samedi soir chez votre mère (curieux, quand même !), s’inquiétant de vous trouver un peu agitée par moments. Vos doutes sont retombés doucement, mais vous garderez quand même un œil sur lui histoire d’être sûre, vraiment sûre. On n’est à l’abri de rien. Vous, vous aviez déjà élaboré des plans d’attaque, filatures dans Casablanca, découverte du pot-aux-roses, scène de ménage puis d’adieu à votre homme. Vous avez failli mille fois engager le dialogue, un dialogue qui aurait été vain de toute manière et qui se serait terminé en guerre sanglante. Ce cauchemar semble être derrière vous et curieusement, vous en avez fait quelque chose de bien. Tout remettre en question vous a permis de constater que vous étiez tombés dans une routine limite dangereuse. Mais là, ce sera différent. Vous prenez votre couple en main, réorganisez loin des enfants quelques soirées à deux, week-ends romantiques. Vous vous sentez une autre femme, plus sensuelle, avec des désirs nouveaux. Vous vous êtes mise à son écoute, histoire de parer le pire qui pourrait vous arriver parce qu’aucun couple n’est à l’abri des tentations, en fin de compte. Vous vous sentez comme au début de votre histoire, rajeunie, un peu perturbée par toutes ces émotions, mais encore plus aimante que jamais. La vie est curieuse, non ?

“La suspicion est la gangrène du couple. C’est extrêmement destructeur”

Interview de Hachem Tyal, psychologue à Casablanca.

Que vous a enseigné votre expérience de psy sur l’infidélité ? 

La première règle du contrat conjugal est la fidélité et ce, d’une manière universelle. Mais dans l’expérience de la vie commune, il peut y avoir des problèmes. Il arrive rarement qu’il n’y ait pas de tentations et aussi de passage à l’acte extra-conjugal, il ne faut pas se voiler la face. Ce peut être de l’ordre de l’exceptionnel, ou de l’habituel, apportant des modifications au sein du couple, positives ou négatives. Cela peut être hautement déstabilisateur quand cette relation prend de plus en plus d’espace dans la relation conjugale, même si pour certains une telle relation a valeur d’équilibre. En effet, il semble que la culpabilité ressentie à l’égard du conjoint trahi, de même que le bien-être que cela apporte à l’infidèle, contribue à l’apaisement des dysfonctionnements conjugaux. Beaucoup de personnes rapportent ce discours, c’est ce que j’entends dans mon cabinet. Ce qui est assez surprenant, c’est que les femmes culpabilisent beaucoup plus que les hommes : cela est lié à l’éducation. On a toujours donné à l’homme, enfant ou adolescent, le droit de faire ce qu’on refusait à la femme. 

Que cause la suspicion dans le couple ?

La suspicion est la gangrène du couple. C’est extrêmement destructeur. Quand l’homme est suspect de rupture du contrat conjugal, cela détermine un degré de mobilisation de l’épouse l’amenant à être dans des tendances interprétatives de tout et de rien qui peuvent avoir des répercussions extrêmement mauvaises. Si en plus elle a raison, cela va amener l’autre à faire encore plus attention et elle se rendra donc encore moins compte de la réalité supposée d’une relation extra-conjugale. Personnellement, quand on me pose la question, je réponds systématiquement : “Il faut tout faire pour ne pas être dans la suspicion. Tant que vous pouvez croire en l’autre, croyez en lui.” Parce que lorsqu’on rentre dans l’autre façon de fonctionner par rapport à ces doutes et ces suspicions, cela mine la relation conjugale sans apporter quoi que ce soit. 

Ne vaut-il pas mieux parler pour régler certains problèmes ?

On peut essayer de parler, mais à la seule condition d’avoir suffisamment d’éléments pour accuser. Il faut savoir que les personnes qui trompent leur partenaire sont dans l’état d’esprit suivant : “Quoi qu’il arrive, il ne faut surtout pas avouer. Si je dis que ça s’est passé, mon (ma) conjoint(e) risque de ne jamais l’accepter. Par contre, s’il reste un doute, elle (il) s’appuiera sur ce doute pour continuer à évoluer avec moi.” Souvent, une épouse trompée prétendra que si elle connaît la vérité, elle pourra oublier, ce qui n’est pas vrai dans la réalité. Ce n’est pas une histoire de volonté, mais une capacité à métaboliser une expérience insupportable, celle de la trahison. Car c’est de la trahison. Il y a des femmes qui parviennent à pardonner, d’autres qui ne peuvent pas et partent. C’est ce que craint le mari qui est dans le confort de ces deux relations.

Certaines femmes ne parlent pas parce qu’elles craignent d’encourager l’homme à rompre et à partir avec la maîtresse.

Tout peut arriver, mais le plus souvent, les maris ne cherchent pas à rompre. Ce n’est pas la maîtresse qui pique le mari ; s’il part avec l’autre, c’est qu’il n’attendait en définitive que ça. La plupart des hommes ont cette représentation comme idéal : une épouse avec laquelle ça ne fonctionne pas trop mal, et une relation où il y a du piquant mais qui ne doit pas trop prendre sur la relation légitime. Ils cherchent souvent à avoir ce qu’ils appellent “des petits moments de bonheur”.

Et ces petits moments de bonheur, ne peuvent-ils pas les trouver auprès de leur femme ?

L’usure du temps complique beaucoup les choses. Il n’y a pas ce côté imprévisible et mystérieux qu’il y avait pu y avoir autrefois. Même la sexualité se fait machinalement. Ajoutez à cela la difficulté inhérente à tous les jours. Peu de couples font l’effort de savoir ce dont l’autre a besoin, ou sont dans une séduction permanente. La partenaire nouvelle est, elle, dans un investissement important de séduction et essaie de faire des rares moments passés ensemble des moments de plaisir et de bonheur. Tout en sachant cela, il est important de savoir que le mariage est aussi un renoncement. On ne peut pas tout avoir. On est obligatoirement dans la frustration de ne pas vivre et ne pas goûter à autre chose. Il est important de faire le deuil de ce que l’on n’aura jamais, et que l’on aurait pu avoir si on n’avait pas décidé de construire sa vie à deux. La construction est un facteur qui apporte une stabilité inégalée et inégalable. L’enjeu est suffisamment important pour que l’on accepte ce renoncement.

Comment l’homme camoufle-t-il sa double vie ?

L’homme qui camouffle le mieux est celui qui semble ne rien modifier à ses habitudes, car ce sont avant tout les ruptures brutales par rapport à un fonctionnement normal qui sèment le doute. 

 

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