Ghita Chafik, championne et business woman

Du haut de ses 1m56, Ghita Chafik compte casser les préjugés et changer les mentalités en ouvrant sa propre académie de Ju Jitsu. Une idée portée par cette jeune sportive multi-médaillée du Maroc et d’Afrique, et concrétisée grâce au programme Intilaqa de l’ONG Tibu Maroc.

Souriante, dynamique et enthousiaste, Ghita Chafik parlerait pendant des heures de son projet. La multi-médaillée du Maroc et d’Afrique en Ju Jitsu compte désormais vivre pleinement de sa passion, tout en partageant ses valeurs avec des enfants de 5 à 16 ans. En effet, la jeune femme de 20 ans lance, en septembre, le Ju Jitsu Education Academy, une école pour renforcer la confiance en soi et l’estime de soi à travers la pratique de son sport favori, mais aussi, pour lutter contre les préjugés et changer les mentalités. Son projet ambitieux a pris forme grâce à l’Initiative Intilaqa, le premier programme d’insertion professionnelle par le sport lancé en 2019 et conduit par l’ONG Tibu Maroc dont l’objectif est d’accompagner et de former des jeunes issus de milieux défavorisés afin qu’ils accèdent aux métiers du sport au Maroc. En d’autres termes, un véritable challenge et “une chance”, comme le qualifie Ghita Chafik, lauréate de la première promotion, qui n’imaginait jusque-là son avenir que dans l’industrie.

Le goût du sport

Dans la famille Chafik, le sport, c’est dans les gènes. “Ma mère a fait partie de l’équipe de basket de l’école, mon père a pratiqué le judo pendant plus de 10 ans, mes deux frères sont des amateurs de football”, sourit-elle. Mais avant d’avoir un véritable coup de cœur pour le Ju Jitsu, la jeune femme du quartier populaire de Sbata à Casablanca s’est essayée à une ribambelle de sports : de la natation au Taekwondo, en passant par le karaté. C’est en 2011 que Ghita, alors âgée de 11 ans, tombe littéralement sous le charme du Ju Jitsu, après l’avoir testé une paire d’heures sur les conseils avisés d’une amie. “J’ai adoré, s’exclame-t-elle. Le Ju Jitsu est la parfaite combinaison du karaté, du judo et des techniques associant les clés articulaires.” Et de poursuivre : “Lorsque mon père a vu mon emballement, il m’a tout de suite conseillé de persévérer et de ne pas laisser tomber, cette fois-ci, pour un autre sport.” Elle l’écoute et travaille sans relâche pour devenir la meilleure. Résultat : en 2013, elle remporte l’or, catégorie junior, au championnat national de Ju Jitsu, une médaille qui sera la première d’une longue série. Car grâce au soutien infaillible de sa mère et au coaching de son père, Ghita Chafik développe un esprit de compétition, un mental d’acier et une assurance extraordinaire. Aussi, en 2017, elle intègre, par la grande porte, la catégorie senior, en décrochant l’or en fighting system au concours national.

Une femme qui met K.O les mentalités

Sur le tatami, Ghita Chafik se construit une solide réputation. En 2017, elle gagne la médaille d’argent au championnat national No GI (Ju Jitsu sans kimono). En 2018, elle obtient de nouveau l’or au concours national de fighting system. En 2019, le bronze en NO GI au championnat ADCC Open Africa. Au vu de son beau palmarès, la Fédération royale marocaine l’appelle à rejoindre l’équipe nationale. La jeune femme accepte et participe, en 2019, au Championnat d’Afrique de Ju Jitsu. Elle y décroche deux médailles : l’or en fighting system et le bronze en Newase (combat au sol). “C’est ma plus belle fierté en tant que sportive, lâche-t-elle. Car j’étais la seule Marocaine à ce stade de la compétition.” La même année, la jeune femme s’envole pour le championnat du monde organisé à Abou Dhabi et se classe à la 5ème place chez les moins de 21 ans ainsi qu’à la 9ème position en fighting system et en Newase. Dans le quartier de Sbata, les jeunes l’observent du coin de l’œil. “Leur regard sur moi a complètement changé, assure-t-elle. Au début, les garçons ne comprenaient pas pourquoi je pratiquais un sport de combat qu’ils qualifiaient d’activité réservée aux hommes, d’autant plus que j’étais la seule fille du quartier à suivre les cours de Ju jitsu.” Au fil du temps, et au vu des médailles remportées, Ghita leur inspire le respect. “J’ai eu un impact positif et j’ai réussi à changer les mentalités”, glisse-t-elle fièrement, même si à l’époque, elle ne se rendait pas compte de sa force.

Entreprendre par le sport

“Mon petit frère me demandait souvent si je pensais de temps en temps à mon avenir au lieu de m’entraîner sans cesse au Ju Jitsu”, se rappelle-t-elle. Malgré son niveau, Ghita Chafik ne touche pas de salaire mensuel. “Des primes de temps à autre”, comme elle le signale. Résultat : la jeune femme ne peut vivre de sa passion malgré son talent reconnu. Aussi, à la fin de ses études au lycée, elle décide de se lancer, par dépit, dans la filière “Automatisation et Instrumentation Industrielle” à l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). Son bac+2 en poche, elle s’apprête, à contrecœur, à délaisser le Ju Jitsu pour se construire une éventuelle carrière dans l’industrie, lorsque des amis lui parlent d’une initiative récente : Intilaqa. “Ils m’ont dit que ce programme me permettrait de combiner passion et métier”, se réjouit-elle. Ni une, ni deux, elle dépose un dossier à l’ONG Tibu Maroc, l’initiateur du projet, et passe les sélections aux côtés de 700 autres candidats. Les critères ? “Nous ciblons les jeunes, âgés de 18 à 25 ans et passionnés de sport, en situation de NEET (Neither in Education, Employemnt nor Training), ce qui représente un grand pourcentage de la jeunesse marocaine, répond Ayoub Ait Atman, directeur du pôle employabilité des jeunes par le sport. Ils doivent également vivre dans l’un des quartiers populaires du Grand Casablanca et avoir un niveau scolaire compris entre la première année de lycée et un bac+2.” Présélectionnée, Ghita passe à l’étape suivante. Sa motivation et sa détermination séduisent le jury. Elle intègre ainsi la première promotion regroupant 60 élèves dont 10% de femmes. “Dans les années à venir, nous visons un taux de 50 à 70 % de filles, prévient Mohamed Amine Zariat, président fondateur de l’ONG TIBU Maroc. L’initiative est nouvelle et le sport féminin est encore trop peu développée, ce qui explique ce faible taux. Néanmoins, je suis convaincu que le profil et la personnalité de Ghita attireront d’autres jeunes femmes passionnées de sport. Déjà, nous avons davantage de candidates qui ont postulé pour la promotion d’octobre 2020.” Durant 9 mois de formation en alternance suivi de 3 mois d’accompagnement, les bénéficiaires assistent à des modules en coaching sportif, linguistique, digital, management, leadership relationnel … ainsi qu’à un atelier consacré aux start-up avant de partir en stage en entreprise. À la sortie, ils sont aptes à entamer une carrière de coach ou de manager sportif, voire d’entrepreneur porteur d’un projet social sportif à fort impact comme le souhaite Ghita Chafik à travers son école baptisée Ju Jitsu Education Academy. Et Ayoub Ait Atman de préciser : “Ghita s’est métamorphosée grâce à notre coaching personnalisé axé sur le développement des compétences comportementales et entrepreneuriales. Vous ne l’auriez pas reconnu auparavant. Même si c’est une championne de haut niveau, elle baissait les yeux lorsqu’elle s’exprimait.” Désormais armée, Ghita ne compte plus rebrousser chemin.

Le Ju Jitsu, une institution

“Avant l’initiative Intilaqa, être entrepreneuse ne m’avait jamais traversé l’esprit”, confie la sportive de haut niveau. Mais lorsque l’idée est apparue, Ghita Chafik ne l’a plus lâchée pour présenter aujourd’hui Ju Jitsu Education Academy. “Je veux me servir de cette école pour toucher la nouvelle génération afin qu’elle croie enfin en elle”. Son programme ? “Il se base sur trois piliers, indique-t-elle. Le premier est éducatif, c’est-à-dire la transmission de la valeur de respect et de la mentalité de leader. Le deuxième est créatif comme l’intelligence collective. Et le troisième, compétitif. Le Ju Jitsu allie stratégie, technique et contrôle de l’adversaire.” Dans le viseur de Ghita également, les jeunes filles. La sportive veut être source d’inspiration. “Lorsque j’étais à l’initiative Intilaqa, j’ai participé avec d’autres bénéficiaires à la “Caravane nationale de Tibu Maroc” pour la promotion du sport qui a sillonné le pays, raconte-t-elle. J’y ai rencontré des jeunes filles, et j’ai vu, dans leur regard, qu’elles avaient envie de se lancer dans le sport et ce juste en m’écoutant. C’est pour cela que je veux transmettre ma rage de vaincre et de traverser les obstacles sans baisser les bras.” Et d’insister : “Le Ji jutsu n’est pas un simple sport. C’est un art martial de défense qui enrichit de l’intérieur pour nous rendre solide à l’extérieur.” Pour l’heure, Ghita Chaki ouvre les portes de son établissement, au GreenWood School, à Bouskoura, avec qui elle a signé un partenariat. “L’inscription sera payante mais je travaille déjà sur l’ouverture d’un deuxième centre, gratuit, dans le quartier de Sbata”, annonce la sportive qui est attachée à l’équité et l’égalité des chances. “Je me suis donnée les moyens mais on m’a aussi donné une chance, lâche-t-elle. Alors pourquoi ne pas passer le relais à mon tour ?”

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