Faut-il abolir la peine de mort ?

Alors que la Constitution garantit le droit à la vie, le Maroc n’a toujours pas aboli la peine de mort de son arsenal juridique. Si le ministre de la Justice, Mustafa Ramid, refuse de reconsidérer la question, un réseau de parlementaires plaide la totale abrogation de la peine capitale.

Khadija Rouissi, coordinatrice du Réseau des parlementaires pour l’abolition de la peine de mort

Vous plaidez une abolition sans condition de la peine de mort. Que proposez-vous concrètement ?

Nous avons déposé une proposition de loi au bureau de la première chambre en novembre dernier qui a été signée par les membres du réseau. On veut donc abolir la peine de mort de façon définitive, et ce, dans la loi pénale, dans la procédure pénale et dans la loi militaire, conformément aux recommandations de l’Instance équité et Réconciliation, dont le rapport a été présenté devant le roi et approuvé. Notre proposition est également conforme à l’article 20 de la Constitution, qui garantit le droit à la vie ; mais également aux conventions internationales ratifiées par le Maroc.

Vous avez déposé une proposition de loi qui est toujours bloquée au Parlement. Selon vous, d’où vient ce blocus ?

Nous avons effectivement pu constater une résistance motivée par des arguments qui ne tiennent pas la route, contrairement aux nôtres. La législation n’a pas le droit de toucher à la vie humaine. En condamnant à la peine capitale, l’état devient à son tour un assassin. Et puis, il a été prouvé que la crainte de la peine de mort ne limite pas forcément la criminalité. Mais l’argument le plus convaincant reste l’erreur judiciaire. Au états-Unis, par exemple, 167 condamnés en ont été victimes ! De plus, le monde entier va vers l’abolition. 140 pays ont d’ailleurs déjà sauté le pas. Et même ceux qui ne l’ont pas fait ont adopté un moratoire.

Que pensez-vous de la proposition de loi du PJD, qui consiste en la réduction des chefs d’inculpation conduisant à la peine de mort ?

Je trouve que cette proposition est dangereuse. Rappelons que ce document porte le titre suivant : “L’organisation de la peine de mort”. En réduisant les chefs d’inculpation qui mènent à la peine capitale, ils veulent “organiser” le massacre. Ils proposent même que l’abattage se fasse par le biais d’armes à feu! Et puis, le Maroc n’exécute plus les condamnés à mort depuis 1993. C’est une avancée considérable, bien que la loi n’ait pas encore été votée de façon officielle. Ils veulent ainsi faire régresser le pays, chose que je trouve inacceptable ! 

Abdelaziz Aftati, député du PJD

Quelle est votre position par rapport à l’abolition de la peine de mort ?

Ce n’est pas possible ! L’évolution sociale et culturelle de notre pays va à l’encontre de l’abolition totale de la peine capitale. Il est difficile de tolérer qu’un criminel jugé pour pédophilie ou pour homicide puisse échapper à cette sentence. On ne peut donc supprimer cette peine sans un consensus général. Il est indispensable d’organiser un débat national, coordonné par des spécialistes, afin de trancher sur la question.

Une proposition de loi a été déposée en novembre dernier, mais certains soupçonnent une résistance au niveau du Parlement.

Il n’y a aucune résistance. La proposition de loi suit la procédure législative en vigueur, laquelle nécessite beaucoup de temps. Nous avons affaire à une minorité qui se plaît à surfer sur la vague internationale qui appelle à abolir la peine de mort. Mais ces personnes oublient que celle-ci a été abrogée dans des pays qui ont une structure sociale et culturelle totalement différente de la nôtre.

Mais pourquoi maintenir la peine de mort, alors que celle-ci n’a pas été appliquée depuis 1993 ?

Vous savez, malgré la condamnation, il est très difficile d’exécuter quelqu’un. C’est pour cela que les autorités tendent vers l’attentisme. Il y a un grand fossé entre la condamnation et l’application, car priver effectivement un être humain de sa vie est loin d’être une mince affaire. C’est une forme de souplesse dont plusieurs condamnés à mort jouissent depuis dix ans. Même l’opinion publique approuve implicitement cette élasticité. Mais la raison pour laquelle on maintient cette peine, c’ est qu’elle fait office d’épée de Damoclès sur la tête des potentiels criminels.

 

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