Ethnologue de formation, propriétaire du restaurant Le Mansouria à Paris, célèbre dans le monde entier pour ses conférences sur les épices et la cuisine, Fatéma Hal a fait du partage et de la transmission une partie inhérente à sa personnalité et à son savoir-faire. “Quand on apprend, c’est pour transmettre, et on s’enrichit. Je n’ai jamais rien donné qui ne me soit pas retournée. Souvent, je compare la cuisine à un jeu de balle. On la lance, et on nous la renvoie, on la jette, et elle rebondit… Le partage est souvent cela : je donne et je reçois”, explique-t-elle.
Au Maroc où elle est la cheffe invitée du palace Es-Saadi depuis 5 ans, elle fait revivre avec maestria des recettes presque disparues. “J’essaie de préserver des recettes qui risquent de disparaître à travers des techniques, de prendre soin de ce patrimoine culinaire, l’ajuster aux nouvelles techniques de cuissons et aux goûts actuels sans le dénaturer, le consigner et le transmettre”, dit-elle simplement. Et c’est là que son travail d’ethnologue rejoint celui de cuisinier, car explique-t-elle “il y a le respect du temps, d’une transformation logique et humaine. La cuisine est un terrain de recherche. C’est aussi une question de vie ou de mort, car si on ne mange pas, on peut mourir… Mais comment est-on arrivés d’une cuisine qui nous nourrit et répond à un besoin physiologique à une cuisine de plaisir…”, s’interroge-t-elle.
Dans son restaurant La Mansouria à Paris, Fatéma Hal présente une cuisine familiale, simple, avec de bons produits frais à l’image de celle qu’elle a connue enfant à Oujda. “Il n’y a pas de bonne ou mauvaise cuisine. La meilleure cuisine est celle que j’aime, celle qui donne du bonheur”, souligne-t-elle.
Le parcours de Fatéma Hal force le respect tant son courage et sa ténacité sont légendaires. Née à Oujda, mariée à 18 ans en France et divorcée avec 3 enfants à 25 ans, elle a réussi à se faire un nom dans l’univers machiste de la cuisine, à devenir l’ambassadrice incontestée et incontestable de la gastronomie marocaine. “Au départ, j’avais une double difficulté, être femme et immigrée arabe. Je pense que seul le travail compte. C’est vrai qu’il faut travailler 10 fois plus qu’un homme pour s’imposer”, assure-t-elle. Auteure de nombreux ouvrages, maintes fois décorée, (notamment en 2016 par le Prix François Rabelais, récompense décernée par la Fondation Européenne pour le Patrimoine Alimentaire), Fatéma Hal se dit fière d’avoir choisi le chemin qui est le sien. Elle a, toutefois, un seul regret, celui de ne pas avoir réussi à monter une école de cuisine, “mais faute de moyens et de sponsors, j’ai décidé de lancer sur le Net des Masterclass”, explique-t-elle. La transmission continue.