Meryem Aziz Alaoui, Maman de deux garçons scolarisés dans une école de la mission
“Je dois dire que l’annonce du ministère de l’Education concernant la rentrée scolaire m’a soulagée parce que, tout comme de nombreux parents, me semble-t-il, j’étais dans l’expectative et l’incertitude et j’avais besoin d’une information officielle sur la reprise des cours. Maintenant, s’agissant du contenu de cette annonce, j’avoue que j’étais perplexe dans un premier temps, puis j’ai mesuré la complexité de la situation au vu de la crise sanitaire que nous traversons et je comprends que l’on puisse laisser aux parents le choix d’envoyer leurs enfants à l’école ou de les garder à la maison pour suivre les cours à distance. J’ai cependant une petite réserve : j’aurais souhaité que le présentiel soit la règle et le distanciel à la discrétion des parents, au lieu du contraire.
La première phase du confinement, les trois premières semaines, je n’avais pas de préoccupation particulière parce que je me suis dit que c’était provisoire, que la situation était totalement inédite et que nous allions pouvoir gérer cette période sans trop de difficultés. Mais lorsque l’annonce a été faite que les cours n’allaient pas reprendre et que les enfants devaient poursuivre à distance, l’expérience s’est vite avérée fastidieuse. Mes enfants étant petits, ils ne sont pas assez autonomes pour travailler seuls, donc mon mari et moi avons été obligés de mettre en place une organisation pour encadrer les enfants et gérer cette école à la maison. Ce n’était pas facile parce qu’il y avait plusieurs paramètres en jeu dont bien évidemment le degré d’adaptabilité des maîtres et des maîtresses qui se sont retrouvés eux aussi face à une situation complètement imprévue et donc sans préparation. Ceci dit, c’était la dernière partie de l’année, les professeurs connaissaient leurs élèves, les classes avaient déjà leur rythme. Disons que cela s’est plutôt bien passé.
Aujourd’hui nous sommes amenés en tant que parents à prendre une décision difficile et je crois que la préoccupation majeure des parents qui vont choisir ou qui seront obligés d’envoyer leurs enfants à l’école, c’est la santé. Nous avons la responsabilité de les informer, les sensibiliser quant aux dangers du virus et à la manière de se protéger, de les équiper en gels, masques, visières….mais la question est de savoir dans quelle mesure l’école va prendre ses responsabilités pour assurer à nos enfants un environnement sans danger. Et c’est justement à ce niveau qu’il nous manque des informations. Nous avons besoin d’être rassurés et pour cela nous devons savoir quels sont les dispositifs mis en place, quels contrôles, quelle attitude face à un risque potentiel ou avéré et cela pas uniquement à la rentrée, mais sur toute l’année. Malgré toutes ces craintes, je pense que les enfants ont besoin de ce lien social que leur offre l’école en plus évidemment de toutes ces matières qui n’ont pas pu être assurées du moins correctement comme l’éducation physique, les arts, les travaux pratiques…Le présentiel est irremplaçable.
Si je devais choisir la formule idéale, je dirais qu’une combinaison du présentiel et du distanciel non seulement dans ce contexte inédit mais aussi à plus long terme, nous permettrait de préparer l’école de demain dans laquelle la technologie prend une place de plus en plus importante. Les enfants ont besoin de cet espace de socialisation que représente l’école, tout comme ils ont besoin de se familiariser avec le numérique et l’apprentissage à distance. À mon avis, il faut les deux.”
Mouna Baadi, Maman de deux enfants scolarisés dans des écoles homologuées
L’annonce que le ministre a faite autour de la rentrée scolaire et de la reprise des cours le 7 septembre pour cette nouvelle année, n’a pas été assez claire pour me rassurer en tant que maman. Je suis restée mitigée. Je ne savais pas s’il fallait se réjouir ou s’inquiéter. Il n’y avait pas assez d’éléments dans cette annonce qui nous auraient permis de comprendre la situation dans un contexte pourtant inédit et très particulier. Par conséquent, j’ai beaucoup d’appréhension quant à cette rentrée. De la crainte aussi. Tant que nous n’y sommes pas et que je ne connais pas tous les détails du dispositif mis en place, j’avoue que j’ai peur.
La fin de l’année scolaire passée a été catastrophique. Avec mes enfants, j’ai eu deux niveaux à gérer : un CM2 et un CP. L’aîné était plus ou moins autonome, mais ma fille encore petite, pas du tout. Il fallait faire le suivi des cours, s’assurer que tout va bien, expliquer les leçons et voir si elles sont assimilées ou pas, imprimer les supports de cours, vérifier que les emplois du temps sont respectés, organiser la journée pour faire comme à l’école et au milieu de tout cela travailler ou plus exactement “télétravailler”. C’était très dur du point de vue de l’organisation, de la gestion des émotions, de tout ! En plus, il fallait vivre avec cette peur de rater le coche avec les enfants, passer à côté d’un apprentissage essentiel pour eux et impacter la suite de la scolarité, notamment pour le CP dont on sait qu’il est un pilier de l’enseignement primaire.
Ce n’est pas quelque chose que j’aimerais revivre. C’est en effet beaucoup de tension, parce que je n’ai pas les outils pédagogiques pour accompagner mes enfants sur le plan purement scolaire. Nous avons bon gré, mal gré réussi à boucler cette année mais je ne suis pas prête à recommencer.
D’un autre côté, il y a l’option de la rentrée en présentiel ? Ma crainte, celle de tous les parents me semble-t-il, c’est la contamination. Nous avons peur qu’il arrive quelque chose aux enfants. Mais comment ignorer tous les avantages de l’école ! Et j’en vois plusieurs. D’ailleurs mes enfants réclament d’y retourner après cinq mois à la maison, sans contact avec leurs amis, sans sorties, sans activités sportives. L’école, c’est l’espace de leur vie sociale. C’est important pour eux de sortir de la maison, avoir un lieu neutre où il n’y a pas de “maîtresse-maman”, rencontrer leurs petits camarades, jouer. Nous en avons parlé et je m’aperçois que l’école leur manque.
Pour moi, la formule idéale serait un jour en présentiel et un jour à la maison par petits groupes pour protéger les enfants, leur éviter les contacts trop rapprochés et minimiser les risques de contamination et en même temps pour maintenir le contact physique avec l’école, les enseignants, les camarades, en faisant attention de bien respecter et de faire respecter les gestes barrières.
Mustapha Ammor, Papa de deux enfants scolarisés dans une école privée
Dès l’annonce concernant la rentrée scolaire faite par le ministère et diffusée dans les médias, je ne savais pas si cela concernait les écoles publiques seulement ou tous les établissements scolaires. J’ai attendu de voir si des précisions allaient être apportées, mais ne voyant rien venir, je me suis mis à la pêche aux infos. Ayant deux enfants, une grande fille au primaire et un garçon en maternelle, mon épouse et moi avons contacté l’école pour savoir comment se présentait la rentrée qui approchait à grands pas. Mais là encore, rien. L’école non plus ne savait pas. C’est peut-être compréhensible vu tout le flou qui a entouré l’annonce du ministère, d’autant plus que les écoles sont tenues de s’aligner sur les décisions des autorités compétentes. Nous sommes donc restés dans l’expectative, chaque jour qui passe, nous essayions de trouver des réponses à nos questionnements. Présentiel, distanciel, homeschooling ont été au centre de nos discussion ces derniers jours à la maison.
Je pense que nous allons devoir nous adapter à un système hybride qui mélange la présence physique et les cours en ligne et à distance et pour que cela puisse marcher, il est essentiel à mon sens que tout se fasse en concertation dans une relation privilégiée entre les parents, les enseignants et les responsables de l’école.
En ce quoi me concerne, le distanciel me paraît comme une solution alternative intéressante. Il faut souligner cependant, car ce n’est pas le cas de tous les parents, que mon épouse et moi avons des emplois du temps flexibles compte tenu de la nature de notre travail. C’est une chance parce que nous avons pu gérer la fin de l’année scolaire qui a subi le confinement plutôt bien. Nous avons mis en place un système en fonction de l’emploi du temps de nos enfants pour nous relayer et assurer ainsi le suivi des cours et des activités en nous alternant. La charge était moins importante que si l’un de nous était obligé de le faire en permanence.
J’avoue que ce n’était pas du tout désagréable parce que cela m’a permis de me retrouver avec mes enfants, de partager plus de choses avec eux, et surtout cela a été l’occasion pour leur maman et moi de nous confronter à nos limites et en même temps d’être plus soudés. Le lien familial a beaucoup évolué pendant cette période. Mon seul regret, peut-être c’est toute cette tension qui a entouré cette période en raison des débats sur les frais de scolarité et l’absence de dialogue et de communication. Mais d’un point de vue personnel, cette formule de l’enseignement à distance ne m’a pas dérangé.
Maintenant, il est question d’alterner entre le présentiel et le distanciel. Je pense que le contexte impose cette formule hybride, mais pour ce qui est de la présence physique des enfants à l’école, nous sommes confrontés à l’incertitude et la peur. Nous n’avons pas d’informations sur la transmission du virus chez les enfants, ni dans quelle mesure ils sont exposés. Il va falloir faire très attention, mais comment dire aux enfants de respecter les gestes barrières toute la journée, de ne pas prendre le stylo du petit camarade, de ne pas faire de câlin à sa meilleure copine. C’est compliqué pour les enfants de se débarrasser de leur spontanéité.
Mais d’un autre côté, il y a des avantages certains à envoyer les enfants à l’école car ils vont retrouver leur amis et un semblant de vie normale, renouer avec la figure d’autorité que représente l’enseignant ou l’éducateur, se plier aux règles dans un environnement encadré et structuré. Ce n’est pas la même chose à la maison, même si on fait de notre mieux pour récréer l’ambiance de l’école. L’idéal serait que ce système hybride improvisé et imposé par la crise que nous traversons débouche, à plus long terme, sur un nouveau système plus efficient pour la santé mental et le développement personnel des enfants.
Donc si je devais décider de la meilleure formule pour cette rentrée, c’est celle qui permettrait à nos enfants de s’épanouir dans les conditions difficiles que nous vivons, de vivre leur vie d’enfants sans trop de stress, et cela passe par un emploi du temps plus allégé, des activités parascolaires et un apprentissage où le jeu tient une place importante. Nous devons agir pour le bien-être de nos enfants !”
Khouloud Kebbali Sajid, Maman d’une fillette de 6 ans scolarisée dans une école privée
“En ce qui me concerne et étant très préoccupée par cette conjoncture, je pense opter pour l’école à la maison pour ma fille de six ans. C’est vrai qu’elle est très enthousiaste à l’idée de découvrir sa nouvelle école (après mon incident avec son ancienne école), mais je n’arrive pas à me faire à l’idée de lui faire courir le risque d’une contamination à l’école, surtout qu’à cet âge-là où les enfants ne sont pas vraiment alertes quant aux gestes barrières. Il nous faudra gérer en matière de vie sociale, car c’est à mon avis le plus difficile pour les enfants. Nous essayerons avec son papa et ses grands-parents de créer un environnement social sain où elle n’aura pas à subir de plein fouet ce nouveau mode de vie… J’ai une pensée attendrie et bienveillante envers les parents qui ne peuvent pas prétendre au luxe d’opter pour cette configuration, celles et ceux qui n’ont personne pour garder leurs petits, qui ne peuvent se permettre l’école à domicile… Pensée aussi à ces millions de petits enfants qui n’ont pas les moyens de l’école à distance. Je pense qu’un mouvement de solidarité nationale devrait voir le jour pour permettre à ces familles d’avoir le minimum requis pour l’école à domicile. Devant la démission et la passivité de notre gouvernement, je pense, encore une fois, que ce sont les actions bénévoles de chacun qui sauveront la situation.
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3 questions à Rabia Gharbaoui Mounib, Coach, enseignante et maman de 3 enfants
Comment appréhendez-vous la rentrée scolaire 2020-2021 ?
Certainement pas une année comme les autres. Certainement une année ou le terme adaptation se répète comme une boucle dans mon esprit. Une rentrée où je me dis que pour permettre à mes enfants de la vivre sereinement, je me permets à moi d’abord d’accepter ce qui n’est pas en mon contrôle : la situation épidémiologique, les recommandations du gouvernement, le choix du timing de cette rentrée….
Ensuite je me concentre sur ce qui est dans mon champ d’action : comprendre les besoins de mes enfants, y répondre quand c’est possible, écouter mes appréhensions, leur permettre de s’exprimer, me permettre de les remplacer par toutes les opportunités offertes par cette situation inédite.
Enfin, en toute sérénité, m’informer, me documenter, de plusieurs sources, de plusieurs personnes, de plusieurs organismes pour activer mon intuition et faire une lecture la plus sereine possible de la situation. Et naturellement, décider pour le présentiel ou le distanciel …
Êtes-vous favorable à l’enseignement à distance ou en présentiel ?
C’est une question très délicate qui doit intégrer le facteur “situation du parent”. Si un des parents, de par la nature de son activité, peut se permettre d’exercer à distance, alors le choix est possible. Mais pour de parents contraints de se déplacer pour travailler (médecins, sûreté nationale, industrie…), le choix est vite fait : prenez en charge mon enfant pendant que je suis en activité professionnelle. Surtout si vous avez des enfants de moins de 12 ans… Encore moins si cet enfant est unique… Comment le laisser à la maison sans supervision d’adultes ?! Par contre pour les plus de 12 ans, quelle belle entrée dans le monde de l’autonomie en adoptant l’enseignement à distance ! Combien de possibilités se présentent dans l’apprentissage (à distance) avec une bien meilleure concentration qu’en classe (lieu de beaucoup de distractions il faut le dire aussi). De plus cette génération est de plus en plus à l’aise (d’un point de vue cérébral) avec un écran entre les mains qu’avec un stylo dans les doigts. Sans parler des possibilités en direct de compléter par des recherches en ligne les sujets abordés par les professeurs… Aujourd’hui des logiciels ont été développés pour permettre les mêmes paramètres d’apprentissage et d’encadrement qu’en présentiel. Par exemple Adobe vous propose un logiciel où la caméra de l’étudiant sera toujours allumée tout en mesurant avec une Intelligence artificielle l’attention de l’étudiant. Le professeur se retrouve avec un ensemble de “voyants” verts, jaune, et rouge lui indiquant les personnes impliquées, les personnes, moyennement impliquées et enfin celle complètement perdues. Il pourra leur poser des questions pour leur permettre d’exprimer leur incompréhension et de ce fait permettre au groupe d’y répondre avant de rectifier lui-même si besoin est.
En définitive, l’enseignement à distance pourrait être possible pour moi et mes enfants et je m’en réjouirais de pouvoir minimiser les risques liés à tout contamination possible. Je serais en parallèle vigilante à leur équilibre social en leur permettant des rencontres dans notre environnement avec des enfants dont les parents ont fait le même choix que nous.
Quels enseignements avez-vous pu tirer de l’expérience de l’enseignement à distance pendant le confinement ?
Indéniablement, passer plus de temps avec mes enfants. Ce fut le cas de leur papa aussi. Nous avons pu découvrir les capacités des uns ainsi que les limites de tolérances des autres. L’un appréhende plus facilement les cours qu’en présentiel, se sent plus apte à s’organiser hors horaires contraignantes et prend plaisir à rechercher sur le net autour des connaissances abordées par ses professeurs. Une autre exprime clairement l’envie de retrouver ses amis (sentiment qui s’est estompé en fin de confinement) tout en excellant dans l’expérience à distance. Un troisième plus jeune s’est permis de sélectionner les exercices et matières qui lui siéent le plus (si, si et il n’avait que 10 ans et demie en Mars). Il y excelle mais en délaissant d’autres. Un recadrage a été nécessaire.
Donc ce que je retiens c’est que les changements radicaux réveillent nos capacités d’adaptation chez nous et nos enfants. Et le confinement en fût un. Ses circonstances sont lourdes, ses apprentissages sont sans prix. Il nous a permis une pause pour se recentrer sur soi et sur sa famille.
Par MARIA ANSARI