DJ Yasmean, une étoile underground

À 25 ans à peine, Yasmean a déjà réussi à s’imposer dans le milieu électro marocain grâce à son identité musicale atypique. Passée par de nombreux festivals, elle est programmée, fin août, à Boiler Room pendant le festival Atlas Electronic de Marrakech. Portrait.

Elle ne quitte jamais ses oreillettes. Matin, midi et soir, Yasmine S’haki, alias Yasmean, s’évade de son quotidien au rythme d’une musique minutieusement sélectionnée. “Elle m’apaise”, sourit cette mélomane de 25 ans qui s’est déjà forgée un nom sur la scène underground marocaine. Pour preuve, fin août, elle est la première Marocaine, dans son pays, à être programmée à Boiler Room durant le festival Atlas Electronic de Marrakech. Boiler Room est une plateforme de référence qui retransmet les sets en live. À son compteur, des millions de vues sur YouTube, de quoi offrir une merveilleuse visibilité à l’international. “C’est une magnifique consécration”, s’extasie la jeune femme qui a attrapé le virus musical dans le ventre de sa mère. “Elle me racontait qu’à 7 mois de grossesse, je bougeais vigoureusement lorsqu’elle écoutait “Too young to die” de Jamiroquai”, rapporte-t-elle. Fille unique, Yasmine grandit dans une famille passionnée de musique. “Quand il était étudiant, mon père était DJ, précise-t-elle. Quant à ma mère, elle collectionnait les cassettes.” À la maison, les murs vibraient quasi-quotidiennement au son disco, jazzy ou encore funky.

Une autodidacte à l’écoute
Au fil des années, l’oreille de Yasmine s’affine et sa curiosité s’aiguise. La jeune femme cherche sans cesse de nouvelles sonorités. Alors, lorsqu’à 12 ans, ses parents décident d’installer Internet à la maison, elle se jette dessus. “Mes premières recherches concernaient naturellement la musique, se souvient-elle. J’ai notamment glané un tas d’informations dans des blogs spécialisés et des forums.” C’est là qu’elle entend parler d’un style un peu particulier : l’électro, une musique regroupant un tas de genres qu’elle va s’empresser de découvrir allant de l’ambient à la jungle. La musique l’emporte. C’est un vrai coup de cœur. Enfermée dans sa chambre, la jeune fille introvertie s’essaie très vite aux anciennes références de streaming musical en ligne notamment Radioblog. La plateforme rapidement en main, elle crée sa playlist, la première d’une très longue liste. “Je me suis construit une bulle, explique-t-elle. J’ai toujours voulu rattacher ma musique à mon identité. Par exemple, chaque fois qu’avec ma mère, on entrait dans une boutique, je m’amusais à imaginer une toute autre atmosphère musicale que celle entendue.”

Le Cue ou le point de départ
C’est à 18 ans que Yasmine fait son entrée dans le monde de la nuit. À cette époque-là, elle ne se glisse pas encore derrière les platines, mais sort entre amis comme tous les jeunes de son âge. La seule différence, c’est qu’elle a les yeux rivés sur les DJs et décortique leur technique, plus que leur musique. De retour chez elle, elle continue de construire son répertoire musical, tout en gardant en tête son envie de le partager. “Je sélectionne la musique, précise-t-elle. On nous appelle les Selectors !” La nuance ?  “À mon sens, un Selector va être plus pointilleux dans sa sélection”, répond-elle. Facile sur papier, mais difficile en pratique. “Ma musique découle de près de quinze ans de travail, d’écoute, de découverte et de curiosité, sur des spectres musicaux aussi larges que variés. Néanmoins, on me demande souvent pourquoi je ne mets pas en lumière mon patrimoine musical marocain, enchaîne-t-elle. Je n’ai pas été naturellement orientée vers son écoute ou son partage. En plus, je trouve que d’autres artistes le maîtrisent à la perfection. En ce qui me concerne, je joue ce que j’aime et ça s’arrête là. Ainsi, avec ma sensibilité et mon background, mon répertoire ne peut être que différent.” Sa signature singulière plaît. Résultat : en 2013, lorsque l’organisation des Nuits sonores de Tanger entend ses sets, il la programme dès sa toute première édition. Le tremplin est fabuleux. Yasmine démarre sa carrière et décide de se faire baptiser Yasmean. “Initialement, je voulais m’appeler Yasmeaning qui est l’association de “Yas” pour Yasmine et de “meaning” pour “sens” en anglais. Puis j’ai raccourci tout simplement à Yasmean”, explique brièvement cette jeune femme qui secoue le milieu électronique marocain.

“Quand la musique est bonne”
Depuis 2013, sa carrière s’est envolée. En effet, elle enchaîne les festivals, comme Oasis ou encore Atlas Electronic, et se démarque en jouant dans des soirées scrupuleusement sélectionnées. Ainsi, l’année dernière, elle choisit de se produire à La Nuit électronique de l’Institut Français du Maroc et rassemble pas moins de 1 000 personnes au Stade Mohammed V de Casablanca. “C’était magique”, se remémore la DJ qui voit aussi ses sets programmés par différentes radios étrangères comme Red Light Radio, Berlin Community Radio, BBC Radio et Rinse FM. Une ascension qui ne peut que réjouir ses parents. “Ils sont très heureux pour moi et fiers de mon parcours, confie la jeune femme. Ils m’ont toujours soutenue.” Et glisse : “Mon père me répétait souvent de m’éclater dans ce que je faisais.” Un conseil qu’elle suit à la perfection. Pour autant, Yasmine n’a jamais imaginé faire de la musique son métier, même si le potentiel y est. “C’est une passion”, lâche-t-elle. Après des études en journalisme-communication à Casablanca, elle a décidé d’évoluer dans le monde du marketing digital. Elle est cheffe de département dans une agence de communication et évolue dans un métier de la Data et de l’influence. “Chaque fois que je suis derrière les platines, je réalise mon rêve d’enfant. Mais j’ai des priorités dans la vie qui vont au-delà de la musique”, assure la DJ qui n’a jamais acheté de platines. “J’y ai eu accès le temps d’un après-midi pour apprendre les bases. Et au fur et à mesure, je me suis exercée en live et j’ai pris confiance en moi”, explique-t-elle en toute simplicité. Pour elle, chaque set est un challenge à relever. “J’adore surprendre, poursuit-elle. Je n’aime pas jouer un même style constamment. Aujourd’hui, ça peut être de la house, demain, de la techno, et le lendemain, du drum’n’bass. Vous ne saurez jamais où je vous emmène.” Résultat : la Dj est considérée comme un caméléon de la scène, et le public adore. “Je prends plaisir à voir leur visage s’émerveiller et à être surpris lorsque j’enchaîne un morceau complètement fou”.

Se dépasser et influencer
Yasmean a toujours cru en elle et en son talent. Un avis partagé sur Instagram par de nombreux Internautes dont un qui lui a notamment envoyé un message prenant : “J’ai fait beaucoup de clubs étrangers et je n’ai aucun doute sur le fait de te voir un jour y jouer. Tu es la seule DJ au Maroc qui a cette identité et qui l’assume.” Très proche de sa communauté, la jeune femme s’est aussi rendu compte de son “pouvoir”. “Je souhaite être DJ aussi et te voir réussir dans ce que tu fais me motive vraiment”, lui écrit dans un post un passionné de musique. “Tu m’inspires et je pense que tu inspires les autres à réaliser leur rêve”, va jusqu’à lui déclarer un autre Internaute. Mais plus les jours passent, plus la jeune femme a un désir fort de partager avec son audience bien plus que de la musique. “Ces derniers mois, je me suis beaucoup questionnée sur ma vie, mes choix et mes relations au point de me demander quel modèle je veux être pour moi mais aussi pour les gens ?”, se laisse-t-elle dire. “La musique sera toujours là. Au-delà de ça, j’ai envie d’utiliser mes réseaux et ma micro-influence afin d’apporter une valeur ajoutée dans la vie des personnes qui me suivent. Que ce soit en inspirant ou en faisant danser, je veux partager mon énergie et j’espère faire sourire entre deux stories Instagram.” En d’autres termes, Yasmean, déjà très mature pour son âge, veut insuffler un nouveau tempo à la vie. Et quel tempo !

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