Qu’il soit bon ou mauvais, le buzz atteint toujours son objectif : faire parler. Et celui-ci s’avère être un re-doutable outil de promotion, quitte à créer le débat. D’ailleurs, beaucoup de marques ont bâti leur succès sur la polémique suscitée par leurs campagnes publicitaires, comme Benetton, par exemple. Une orientation qui s’inscrit dans une stratégie marketing com-plètement décomplexée et assumée. Derniè-rement, la burqa est devenue omniprésente sur la Toile. Pourtant, ce ne sont pas les mu-sulmans les plus ultra qui se bousculent pour faire son plaidoyer, et les féministes les plus zélées ne défilent pas dans les rues pour ré-clamer son interdiction. Quoi que certaines Femen ont scandé dernièrement “Plutôt à poil qu’en burqa”… Passons. Contre toute attente, le voile intégral semble inspirer un milieu bien plus glamour que celui des mani-festations aux slogans douteux. Des artistes tels que Lady Gaga, et même Madonna, s’em-parent de la tenue traditionnelle des Pach-tounes pour faire parler d’elles. La marque Diesel a récemment créé la polémique en “dévoilant” sa nouvelle campagne, mettant en scène une jeune femme vêtue d’une burqa en jean. Un styliste turc s’en est même inspiré pour sa collection de prêt-à-porter avec ses tee-shirts burqa. Un magazine belge a même créé des sacs en forme de burqa pour doper ses ventes… Quelle ironie. La burqa est deve-nue un fonds de commerce pour les pays oc-cidentaux, ceux-là même qui souhaiteraient l’interdire. Et le comble, c’est que ce business se révèle très juteux !
Diesel et la burqa : défense de la diversité des consommateurs, ou stigmatisation ?
Septembre 2013. La marque Diesel lance sa nouvelle campagne d’affichage publicitaire sur laquelle on voit une femme vêtue d’une burqa en jean dévoiler son bras et une partie de ses côtes, entièrement nus et tatoués. On devine aisément qu’elle ne porte rien sous sa burqa. L’accroche “I am not what I appear to be”(“Je ne suis pas ce que je semble être”) illustre la photo. La marque de jeans, qui a toujours joué sur la provocation, signe ici un nouveau buzz. Sur les réseaux sociaux, les critiques fusent : “raciste”, “condescen-dante”, “manque de goût”… Cette affiche serait-elle une action ciblée avec dans le vi-seur les consommatrices musulmanes, ou tout simplement un nouveau scandale de la marque pour doper des ventes en baisse ? Cette campagne a pourtant le mérite de provoquer les gens sur leurs convictions les plus intimes quand ils croisent une femme vêtue d’une burqa. Et généralement, c’est plutôt de la gêne, de la suspicion, voire de la prudence, mais très rarement de l’indif-férence. Nicolas Fornichetti, directeur ar-tistique chez Diesel, et aussi ancien styliste de Lady Gaga, ne tarit pas d’arguments pour défendre cette idée et se justifie ainsi : “Je voulais trouver des gens qui reflètent la diversité de la communauté artistique aujourd’hui, et pas seulement le modèle type. J’ai souhaité que cette campagne mette en valeur une variété de person-nages, des gens qui sont beaux à leur façon”. Le fait d’interpeller les gens sur leur rapport au voile intégral est un moyen pour la marque de prôner la diversité et le droit pour chacun d’exprimer son identité culturelle ou reli-gieuse ; un être humain ne se réduisant pas à la tenue qu’il porte, fusse-t-elle une burqa. Et quoi qu’on en pense, Diesel encourage, à sa façon, l’ouverture d’esprit en faisant un tel choix pour incarner la mode. L’éminence grise de cette affiche très controversée est étonnamment une musul-mane pratiquante : Amina Meer, créatrice et directrice du cabinet de conseil Take Out Média. Elle juge ce débat plutôt “positif ”, argumentant que, en tant que musulmane, il est important d’aborder ces questions, “car nous parlons de ce que la burqa repré-sente”. D’autres y voient plutôt une attaque “voilée” à l’encontre de l’islam. Car le fait d’exhiber une femme vêtue d’un habit qui incarne aux yeux du monde la soumission ne fera qu’attiser davantage les peurs et le rejet de cette religion. Une polémique qui n’a pas fini de s’enflammer…
Lady burqa
Dans un contexte d’islamophobie ambiante, la burqa a trouvé un nouveau soutien, et pas des moindres, en la personne de Lady Gaga . En effet, l’un des titres de son nouvel album, “Artpop”, s’intitule “Burqa”. Elle y vante les mérites du voile intégral. Une idée qui doit faire grincer les dents des féministes de tout poil ! Et la Gaga, à qui la stratégie du buzz a toujours réussi, signe un nouveau coup marketing avec des paroles telles que “Je ne suis pas une esclave errante. Je suis une femme de choix. Mon voile est la protection de la beauté de mon visage.”Jusqu’ici, le texte est plutôt soft… Mais n’oublions pas que nous avons affaire à Lady provoc’ et forcément, certains passages sont plus sulfureux comme : “Sou-haites-tu me voir nue, amant ? Veux-tu poin-ter sous la couverture ? Veux-tu voir la femme derrière l’aura ? Veux-tu me toucher ?”Jugé blasphématoire, le morceau a quand même totalisé six millions de recherches en dix mi-nutes, faisant de “Burqa” la chanson la plus demandée sur Google ! En 2012, Lady Gaga avait déjà défilé en voile intégral rose transpa-rent pendant la Fashion Week londonienne, sur les conseils de son styliste, le désormais fameux Nicolas Fornichetti !
Mode et burqa
Le très branché styliste turc Erkan Coruh, réputé pour sa propension à mêler moder-nité et costumes traditionnels dans ses col-lections, est aussi allé puiser son inspiration du côté des Pachtounes pour mettre au point ses fameux tee-shirts burqa. Autre exemple : la marque allemande Liaison Dangereuse a créé le buzz avec un nouveau spot mettant en scène un mannequin en train de se maquille en dessous affriolants. Au moment de sortir de son domicile, elle revêt une burqa. La publicité se termine avec ce slogan : “Tout le monde peut être sexy, et partout
.”Des “sacs burqa”
Artistes et marques ne sont pas les seuls à vouloir profiter du buzz que suscite le voile intégral. Un magazine belge, pour faire la promotion de son dernier numéro qui consacrait un reportage sur la vie des femmes en Afghanistan, n’a pas hésité à distribuer 127.000 sacs imprimés, dont la particularité était de reproduire une burqa une fois le magazine en son sein. Le monde de la publicité serait-il en train de se “burqaniser” ? A grands coups de buzz, ces campagnes marquent les esprits sans forcément choquer, et d’une certaine manière, suscitent une réflexion sur le voile intégral en cessant de diaboliser, en Occident notamment, les femmes qui le portent… Parti pris. â—†