Bouchra Abdou (centre Tahadi) : Le harcèlement sexuel dans les transports n’épargne aucune tranche d’âge (Entretien)

"Le transport est pour toutes et tous. Stop au harcèlement", c’est le slogan de la campagne menée par l’Association Tahadi pour l’Environnement, à l’occasion des 16 jours d’activisme de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. Lors de cet événement qui s’achève le 10 décembre, des affiches sont collées sur les bus, des autocollants donnés aux chauffeurs de taxis, et des flyers distribués aux utilisateurs et utilisatrices des transports en commun. Une bataille essentielle portée par Bouchra Abdou, la directrice du centre Tahadi pour la citoyenneté de cette association. Interview.

Vous avez débuté la campagne « Le transport est pour toutes et tous. Stop au harcèlement » le 25 novembre. Quelles ont été les réactions ?

Même si certaines personnes, hommes comme femmes, ont refusé de prendre nos flyers ou d’échanger avec nous, les réactions restent globalement positives. Ce qui nous a marqué, c’est que beaucoup de femmes rencontrées, parlent facilement et ne passent pas par quatre chemins. Ainsi, une vieille dame nous a-t-elle confié qu’elle a l’impression que le bus se transforme en chambre à coucher ! Une autre nous a raconté que cela fait 27 ans qu’elle prend les transports en commun pour se rendre à son travail et qu’elle assiste régulièrement à des scènes de harcèlement ou d’agressions. Lors de cette campagne, nous nous sommes aussi rendues dans les collèges et lycées où nous avons animé des débats et des ateliers. Nous avons sensibilisé les enfants sur le harcèlement. L’éducation est essentielle. Comme certains adultes, quelques enfants remettaient en cause la tenue vestimentaire des femmes, mais après leur avoir expliqué, le doute s’installe voire leurs idées évoluent. Nous avons également discuté avec des femmes du quartier, en particulier des bénéficiaires des cours pour adulte, pour comprendre ce phénomène, à savoir ses origines, ses dimensions, ses répercussions et les solutions possibles.

Fin novembre, vous avez dévoilé les résultats d’une étude* menée sur le harcèlement sexuel dans les transports en commun au Maroc. Qu’en est-il ressorti et quelle(s) conclusion(s) en avez-vous tiré ?

Tout d’abord, je souhaiterais préciser que l’étude que nous avons menée est, à ma connaissance, la seule consacrée exclusivement au harcèlement dans les transports publics. D’autres enquêtes ont traité du l’harcèlement en général et parfois de la violence basée sur le genre. Dans cette étude, on a pu constater que le harcèlement n’épargne aucune tranche d’âge car 12% des femmes victimes de harcèlement sont âgées de moins de 18 ans, 54% ont entre 19 et 54 ans, et 5% plus de 60 ans. Ensuite, on peut dire que le harcèlement prend souvent des tournures beaucoup plus violentes puisque pour les ¾ des femmes interrogées, le harcèlement a été accompagné de paroles  offensives, d’injures ignobles, de dénigrements ou de violences physiques. Et enfin, 71% des femmes interrogées ressentent un certain malaise lorsqu’elles utilisent un transport en commun.

Ces chiffres sont-ils en augmentation par rapport aux années précédentes ?

Nous n’avons pas d’autres données chiffrées donc il est difficile de se prononcer. Mais à la lumière des derniers incidents choquants qu’a connu le Maroc à l’instar du viol collectif d’une jeune fille dans un bus à Bernoussi, tout laisse à croire que la violence à l’égard des femmes s’accentue de plus en plus. Et ce qui est d’autant plus inquiétant, c’est l’indifférence de la société vis-à-vis d’incidents aussi cruels et aussi choquants…

Vous avez récemment mené un débat en live sur Facebook avec les Internautes au sujet du harcèlement sexuel dans les transports en commun. Qu’est-ce qui vous a marqué le plus dans vos échanges ?

Ce qui m’a particulièrement réjoui, c’est que primo les personnes en faveur de nos actions contre le harcèlement sexuel dans les transports en commun, étaient de loin plus nombreuses que celles qui y étaient « contre ». Pour moi, cela prouve que beaucoup ont conscience de ce phénomène qu’elles que soient leurs références idéologiques et culturelles. Secondo, les personnes qui étaient « contre », n’ont généralement pas su argumenter et donc défendre leur position. Certains cherchaient même l’intimidation.

D’après vous, le projet de loi n° 103-13 actuel pourra-t-il aider à lutter efficacement contre le harcèlement sexuel dans les transports en commun ? Si ce n’est pas le cas, quel(s) amendement(s) proposez-vous ?

Le projet de loi 103-13 n’a pas répondu aux revendications des organisations de défense des femmes. Il n’a pas clarifié le harcèlement sexuel. Ce que nous demandons, c’est que ce projet de loi définisse clairement le harcèlement sexuel, criminalise cet acte odieux et facilite les procédures.

* L’étude a été menée de début septembre 2017 à mi-novembre 2017 et a ciblé 200 femmes et jeunes filles dans le territoire du Grand Casablanca.

 

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