Quelle est la force du festival Taragalte ?
C’est un tout. Tout d’abord, l’endroit est magique. Si on l’observe bien, il ne cesse de se renouveler. Il suffit d’un brin d’air pour que le décor change. C’est la magie du souffle du vent qui s’amuse avec les dunes, les transforme, sculpte des formes qui ne peuvent que nous apaiser et nous donner cette joie de vivre et ce sentiment de liberté. Ce silence est également magique quand les notes de musique ne résonnent pas au cœur de ces dunes. Et bien sûr la force du festival, ce sont ces musiciens de la région et d’un peu partout dans le monde, qui ne peuvent qu’embellir ce lieu, sans parler des bénévoles, des organisateurs et des habitants qui y viennent. En bref, cette énergie est unique !
Pour cette 8ème édition, la femme africaine, notamment sahraouie, est mise en avant. C’était primordial pour vous ?
Il faut, bien entendu, les mettre en valeur, même si, selon moi, il appartient à la femme de prendre ce pouvoir. Elle ne doit pas donner le choix à l’homme, en sachant que, de son côté, il doit se rendre compte qu’il y a dans chacun d’entre nous, une part de féminité et de masculinité. Cet équilibre est important !
Donc pour vous, les femmes doivent s’imposer ?
Le mot « s’imposer » est fort. Elles peuvent prendre le pouvoir, et savent le faire, par la douceur. Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas parfois secouer l’autre comme un collègue, un frère ou un ami. J’emploie le verbe « secouer » dans le sens lui remettre les idées en place. Car, il y a une mauvaise répartition des biens et plein d’autres choses, mais cela ne doit pas nous arrêter. Ce qui est important, c’est d’aller au-delà de ça… c’est-à-dire qu’est-ce qu’on peut faire et créer ensemble ? Il faut avoir un esprit constructeur, un esprit positif.
Le festival Taragalte se déroule dans le désert. Ce lieu est-il une source d’inspiration pour vous ?
Le désert peut y contribuer par son mystère, par son silence et à travers ces dunes qui se dessinent à l’infini sous nos yeux. Ici, on rêve, on imagine, et on s’évade lorsqu’on entend le souffle du vent, qu’on voit l’envol d’un oiseau, ou qu’on observe ce qui nous entoure la nuit tombée grâce à la lumière des étoiles qui nous donne une autre vision des choses. Mais, je pense que l’écriture et la composition résident dans l’investissement et le travail. Il faut ouvrir des livres, chercher des images ou encore des métaphores. La création ne vient pas seulement parce qu’on est dans le désert… quoi qu’il renferme plein de poètes. Les Sahraouis ont le sens de la poésie et du mot. Ils sont extraordinaires.
Quelle est la particularité de la musique sahraouie ?
Outre la poésie, la mélodie sahraouie, hassanie, touareg ou encore berbère renferme une gamme musicale propre à la région, même si l’oreille des musiciens s’ouvre inévitablement sur d’autres sonorités grâce aux échanges comme le festival Taragalte, mais aussi avec Internet. La signature musicale de la région, c’est cette énergie lente qui va au rythme de ces lieux. Nous ne sommes pas dans une endurance qu’on peut retrouver par exemple dans le jazz. Ici, on va loin et on a le temps ! En parlant de particularité, je pense aussi au son saturé des guitares qui a séduit le monde entier. La preuve avec Tinariwen. Mais, il y a plein de groupes comme lui dans notre cher Maroc, qui jouent extraordinairement bien et qui défendent également leur identité. C’est notre patrimoine qu’il faut protéger, et que j’aime à défendre.
Parlons maintenant de vos projets. Où est en votre prochain album ?
Cela avance. Nous sommes en train de roder les morceaux. Par exemple, on glisse de temps en temps sur scène un ou deux titres comme lors de notre concert au festival Taragalte. Nous y avons joué le morceau « Coquelicot » (Belaâmane). Cette fleur rouge, belle et fragile qui embrasse le vent et danse avec lui telle une valse. Elle évoque aussi la féminité, la fertilité, et la dureté de la vie à laquelle nous sommes confrontés, mais la musique existe pour adoucir cette amertume. Les morceaux évoluent encore et encore tant que nous n’avons pas enregistré, même si sur scène, l’improvisation sera toujours là.
Mais ce disque à venir sera-t-il une continuité des précédents ?
Pour moi, nous sommes dans la continuité, même s’il y a un changement. On nous attribue souvent le titre de groupe Gnawa, mais je suis aussi un rockeur et j’aime la musique hassanie, le jazz ou encore le rap. Et tout ceci fait partie de nos influences qu’on trouve dans notre écriture et nos compositions, et nous les assumons.