Elle court six à huit heures par jour. Et toutes les deux semaines, elle fait jusqu’à 50 km. Aziza Raji respire par le sport. Son père l’avait très vite compris et a tout de suite cru en elle. « J’habite dans le sud-est et les gens de mon douar sont allés voir mon père pour lui dire de ne pas me laisser courir avec des hommes, se remémore-t-elle. Pour eux, ma place était à la maison où je devais faire comme les autres femmes et accomplir des tâches domestiques. » Son père refuse. Ses frères aussi. Aziza ira courir. « Ma famille leur a rétorqué que j’avais de l’avenir dans ce sport », se rappelle cette trentenaire. Ils se sont habitués et aujourd’hui Aziza court sans problème. Personne ne l’embête. Au contraire, tout le monde l’encourage.
Cette jeune femme, qui se consacre à 100% à la course, a la pression. Elle enchaîne les compétitions: « J’ai participé à une trentaine de marathons, trails, ultras au Maroc mais aussi aux Émirats arabes unis, précise-t-elle. Arriver première et gagner un prix, c’est ce qui me permet aussi de vivre et d’aider financièrement ma famille. » Alors pour le Marathon des Sables, elle compte d’autant plus repousser ses limites. « L’inscription est chère et les sponsors sont très rares. Ils sont assez frileux car ils ont encore en tête qu’une femme n’est pas sûre de terminer l’épreuve ni de finir en bonne place dans le classement ». Aziza, elle, en a trouvé un qui a bien cerné son état d’esprit. En effet, Aziza court également en équipe avec Zini et Touda Didi, la quatrième Marocaine dans cette compétition. Touda, 49 ans, a remporté les éditions 2008 et 2009. Pour mettre toutes les chances de leurs côtés, les trois femmes ont même effectué quelques entraînements chez les frères Ahansal, victorieux quinze fois au Marathon des Sables. Même avec une telle préparation, Aziza appréhende. Oui, elle appréhende la première étape. « C’est la première ! On voit les dunes de sable et on a sur le dos un sac qui pèse plus de 7 kg, explique-t-elle. Mais il y a aussi l’épreuve la plus longue. C’est quasi 100 km… » Et d’enchérir : « Il faut être patiente dans ce type de course et supporter la chaleur, la douleur aussi. Moi, j’y arrive. » Oui, car elle ne rêve plus que d’une chose : « Défendre les couleurs de mon pays dans cette course qui se déroule dans mon pays. »