Les murs séculaires du Palais Badiî ont vibré au rythme des préparatifs d’un événement qui célèbre depuis un quart de siècle l’élégance marocaine : Caftan. Cette édition 2025 marquait un tournant historique, car coïncidant avec le jubilé d’argent de la Caftan Week. Les coulisses de cette célébration en disent long sur l’énergie humaine, la passion et le talent nécessaires pour donner vie à ce spectacle hors norme.
En ce vendredi 9 mai, à quelques heures du jour J, les répétitions battent leur plein. Tout le monde s’active dans l’allée principale aménagée en catwalk pour l’occasion. “S’il vous plaît, faites en sorte de dégager l’allée principale”, ordonne une voix. C’est Lokesh Sharma, le scénographe du défilé, qui est à pied d’œuvre, casque et micro à la main.
Derrière les remparts du Palais El Badiî, mannequins, coiffeurs et maquilleuses s’affairent en coulisses. Deux pièces ont été aménagées pour séparer le côté coiffure du maquillage et de l’habillement.
Les répétitions ont lieu dans les mêmes conditions que celles du défilé. “Les répétitions sont une bonne simulation pour le jour J. Cela permet de nous projeter afin d’éviter les couacs”, nous explique Anas Yassine, directeur du défilé, qui a travaillé en tandem avec Lokesh lors de cette 25ème édition. Si l’ambiance est bon enfant, le stress et la fatigue se font sentir.
Les tableaux s’enchainent sans trop d’anicroches excepté pour l’un des caftans qui nécessite quelques retouches pour le jour J. “J’ai failli tomber deux fois, il faut absolument remédier à ça. Je pense qu’il faut faire un ourlet” , explique Leila Hadioui.
Pour cette édition, la formule du défilé a changé un peu. Des chanteurs accompagneront le show et chanteront pendant que les mannequins défilent.
J-1 : une répétition générale sous tension
À 20 heures précises, les projecteurs s’allument dans la cour monumentale du Palais El Badiî. Sur les passerelles suspendues au-dessus des orangers, les 37 mannequins enchaînent les répétitions sous l’œil attentif du chorégraphe Lokesh Sharma. À ses côtés, Anas Yassine affine chaque passage, chaque mouvement, chaque posture. L’ambiance est à la fois fébrile et euphorique. Les techniciens testent les éclairages, les ingénieurs du son ajustent les micros, les artistes programment leurs passages. Hatim Ammor, Manal et Atef, les artistes qui accompagneront le show sont également présents pendant les répétitions, Tous sont là pour les derniers ajustements avant le jour J.

Dans un coin du catwalk, Kawtar Sadik, la DJ, est aux platines. Elle a composé un morceau sur mesure pour le Grand Défilé. “Ce n’est pas la première fois que je collabore avec cet événement d’envergure, c’est toujours un plaisir de venir ici à Marrakech. Pour les 25 ans de la Caftan Week, j’ai choisi de mixer les sonorités sahraouies tout en ajoutant ma touche personnelle”, nous confie l’artiste.
La mise en scène, imaginée par Toni Breiss, avait réussi à relever le challenge : respecter ce lieu chargé d’histoire.
Le défilé démarre, sous l’œil ému des stylistes, nous permettant d’admirer en avant-première les collections des 14 créatrices triés sur le volet qui participent à cette édition. “Défiler au Palais El Badiî, c’est toujours une émotion forte. C’est un lieu chargé d’histoire, un lieu majestueux… On se sent toute petite face à tant de beauté et en même temps, je suis tellement fière d’y représenter notre culture”, nous dit Leila Hadioui avec une certaine émotion dans la voix. C’est un sans -faute pour ce défilé placé sous le thème “Sahara, héritage en couture”.
Jour J : frissons, stress et paillettes
Dès la fin de la matinée de ce samedi 10 mai, le Palais El Badiî se transforme en ruche. Dans l’espace aménagé derrière les remparts, à l’abri des regards, 10 maquilleurs, 10 coiffeurs, 37 habilleuses et une armée d’assistants s’activent pour transformer 37 mannequins en reines d’un soir. Les pinceaux dansent, les fers à lisser sifflent, les tissus chatoyants s’envolent d’un portant à l’autre. “Un véritable esprit d’équipe règne. Nous avons une belle synergie entre le département coiffure et maquillage. C’est très important pour le jour J, et c’est ce qui dpermettra d’obtenir un bon résultat”, nous explique Lina, cheffe du studio maquillage. Même son de cloche du côté de Kenzo, le coiffeur en chef de cette édition 2025, “Les équipes maquillage et coiffure travaillent en tandem. Malgré les rires, le stress est à son plus haut niveau mais nous sommes habitués à ces rythmes. Nous allons faire de notre mieux pour que le résultat soit féérique”.

De l’autre côté des arcades, les artisans et techniciens s’empressent de mettre en place les dernières retouches, les derniers détails : rien ne doit être laissé au hasard. La voix de Toni Breiss retentit, réclamant d’ajouter des lampes et des assises pour l’espace prévu pour la soirée Caftan quand soudain, un bruit résonne dans tout le palais : une structure vient de tomber. Panique à bord. Il faut absolument trouver une solution avant le grand soir. “On va enlever cette structure, il y a trop de vent, ça ne va jamais tenir”, tranche le scénographe. Le stress monte d’un cran. Une fermeture qui coince, une tresse qui glisse, une musique mal synchronisée… tout peut basculer en quelques secondes. À quelques heures du coup d’envoi de la soirée, tout le monde est sur le pont pour que tout soit parfait.

Le show : moment de grâce absolu
À 19h, sous un ciel mauve, les premiers invités foulent le tapis rouge. Ils sont 900 au total, parmi eux des fidèles de la scène mode et artistique marocaine : Mimia LeBlanc, Leila Aziz, Selma Benommar, et tant d’autres célébrités et personnalités marocaines et arabes… Toni Breiss veille au grain pour que tout soit parfait et qu’aucun détail n’a été oublié. “Je suis honoré d’avoir pu apporter ma pierre à l’édifice de cet événement. C’est une énorme responsabilité et je suis fier d’avoir pu mettre ma touche cette année encore”, nous explique le scénographe sur le tapis rouge. L’assistance est ébloui par la transformation du Palais Badiî en scène féerique. À 21h, le show s’ouvre avec une performance live de Manal Benchlikha, suivie par Hatim Ammor et Atef, chacun accompagnant certains passages de la soirée. Leila Hadioui ouvre le bal, majestueuse, dans un caftan brodé de fils d’or, faisant corps avec les pierres ocres du palais.
Au fil des tableaux, les silhouettes se succèdent, révélant le savoir-faire exceptionnel des créatrices et l’alchimie entre le patrimoine marocain et la thématique de cette année. Aux platines, Kawtar Sadik rythme la soirée avec un set électro-oriental spécialement conçu pour l’occasion. “Je pense que c’est un challenge relevé. Nous avons surpassé nos espérances. Au-delà du simple défilé, nous avons offert une véritable expérience sensorielle. Le lieu, le mix et les chanteurs ont insufflé une énergie nouvelle au show. Chaque passage était un moment de performance intense, une fusion entre mode, musique et émotion. C’est cette émotion que nous voulions offrir au public”, précise Lokesh, fier de cette expérience.
Avec cette 25ème édition, Caftan Week 2025 ne s’est pas contenté de défiler : il a raconté une histoire, celle d’un vêtement qui traverse le temps, celle de créateurs qui réinventent la tradition, celle d’un pays qui affirme son identité par la beauté. Dans les applaudissements nourris à la fin du spectacle, on perçoit la fierté d’avoir réussi un pari audacieux : faire rayonner l’âme du caftan marocain dans un lieu chargé d’histoire, avec une scénographie millimétrée et une énergie humaine colossale. Cette édition de la Caftan Week 2025 restera dans les annales comme l’une des éditions les plus mémorables de cet évènement qui célèbre avec faste et éclat le caftan marocain.
Photos Abderrahim Annag et My.lk.prod
