L’amour au bout des cartes

Vous avez tout tenté : les applications de rencontre, les événements pour célibataires, les amis de vos amis, un relooking complet… Rien n'y fait. Vous êtes toujours célibataire. Mais alors, comment trouver l'âme sœur ? Reportage.

Nous sommes à Marrakech, et précisément chez Marine*. Loin du décor des chouwafates traditionnelles, le “cabinet” de Marine, à la fois cosy et mystérieux, semble baigner dans une énergie apaisante. Dans sa véranda où elle accueille ses clients, une odeur d’encens emplit les narines. Le décor est chaleureux et accueillant : un canapé recouvert d’un plaid douillet, une table trônant au centre de la pièce, recouverte d’un tissu orné de symboles occultes. Les murs sont tapissés de tableaux aux couleurs vibrantes, représentant des scènes ésotériques. 

Marine est une femme d’une soixantaine d’années. Elle porte une longue robe fluide, ses yeux sont calmes et perçants, comme si elle pouvait échiffrer les secrets de l’âme humaine d’un simple regard (du moins, on a envie d’y croire). Elle nous reçoit avec une grande douceur  et beaucoup d’assurance. “Les personnes qui viennent me voir cherchent à comprendre, à avancer, ou simplement à recevoir des conseils”, nous dit-elle avant de commencer à parler de son parcours. Elle précise qu’elle exerce depuis plus de quarante ans et que, loin d’être un simple passe-temps, la voyance est un véritable engagement pour elle. “Depuis l’enfance, j’ai eu des ressentis, des intuitions qui me guidaient”, explique Marine. “Je sais que je suis “différente” depuis mes 11 ans”, ajoute-t-elle. “Tout a commencé le jour où j’ai accompagné ma mère chez une voyante. J’avais 15 ans. Elle m’a fait sortir de la pièce parce que mes vibrations l’empêchaient de se concentrer. Puis, j’ai appris à développer mes capacités. Je n’ai jamais cherché à fuir ce don, au contraire, j’ai cherché à le comprendre pour pouvoir en faire un outil d’accompagnement.” Pour Marine, la voyance n’est pas une science exacte. Elle est une sorte de médiation entre l’invisible et le tangible, entre le conscient et l’inconscient. “Je n’ai jamais pu apprendre le tarot ou un jeu de cartes, ça bloque mes intuitions. J’utilise les cartes devant mes clients parce que cela les rassure. Mais en réalité, je me fie à l’énergie des personnes qui viennent me consulter. Il y a des vibrations que je capte, des impressions qui se transforment en images ou en sensations”, précise-t-elle. En fait, Marine a “un oracle” comme support mais elle se sert essentiellement de son ressenti, don qu’elle a hérité de sa grand-mère. “Par contre, je ne touche pas à la magie blanche ou noire… Je trouve qu’obtenir quelque chose en forçant le destin est contraire aux plans que Dieu a fait pour nous. Et je trouve déplorable que des arnaqueurs profitent de la crédulité ou de la faiblesse des gens pour leur vendre un retour d’affection à des prix exorbitants…”.

Des interrogations sur l’amour

Vais-je trouver l’amour ? Est-ce que mon couple va durer? Voilà des questions qui reviennent régulièrement dans le “cabinet” de Marine. “L’être humain a toujours été obsédé par l’amour. Avant, c’était la famille qui choisissait le “bon prétendant”. Aujourd’hui, les gens rêvent du grand amour, celui qui donne des papillons dans le ventre, de l’être qui saura les épauler et les comprendre… Bref, la précieuse moitié de notre cœur.” Quelques minutes après cet échange, une cliente arrive pour son rendez-vous. Soukaïna* est âgée d’une trentaine d’années. Elle semble hésitante, un peu stressée. Elle cherche des réponses sur sa vie amoureuse, mais n’est pas certaine de ce qu’elle attend vraiment. Marine l’accueille chaleureusement, la fait s’installer confortablement, et lui propose un verre d’eau. “N’hésitez pas à me parler de vos préoccupations”, lui dit-elle. L’entretien débute par un moment de silence, au cours duquel Soukaïna se concentre et ferme les yeux. Marine prend alors les cartes et commence à les mélanger. Elle les étale devant elle, face cachée, puis les retourne avec un geste fluide. “Les cartes ne prédisent pas l’avenir avec certitude, elles ouvrent une fenêtre sur des possibles. À vous de saisir l’opportunité”, explique-t-elle, tout en observant les cartes. Soukaïna semble d’abord dubitative, mais au fur et à mesure des tirages, elle commence à se détendre. Marine explique les symboles et les messages véhiculés par les cartes. “Il semble y avoir un changement important à venir dans votre vie amoureuse”, dit Marine en observant la disposition des cartes. “Je ressens une énergie positive, mais il y a aussi des blocages que vous devez surmonter pour avancer.” Soukaïna commence à réagir. “C’est exactement ce que je ressens… J’ai un choix à faire, mais j’hésite beaucoup”, confie-t-elle, une lueur de reconnaissance dans les yeux. Marine lui propose alors de travailler un peu sur son énergie personnelle: “Visualisez-vous dans un lieu où vous vous sentez totalement à l’aise, détendue, et laissez venir à vous les réponses que vous cherchez.” Pendant quelques minutes, une atmosphère presque palpable d’introspection envahit la pièce. Marine guide Soukaïna dans une sorte de méditation, l’encourageant à se concentrer sur ses émotions et ses ressentis. “C’est une manière de faire émerger des vérités cachées, parfois inconscientes”, ajoute-t-elle. 

De la coiffeuse au diplomate

Après la séance, Soukaïna semble un peu chamboulée, mais aussi apaisée. “Je n’avais pas conscience de certaines choses que vous m’avez révélé”, confie-t-elle. “Je vais réfléchir à ce que vous m’avez dit, mais je me sens plus en paix avec moi-même. Je pense que ces cartes ont mis en lumière des choix que je n’osais pas prendre.” Cet aspect de la voyance, selon Marine, est fondamental : “Mon rôle n’est pas de dicter la marche à suivre, mais d’aider les gens à trouver leur propre voie. Je n’ai pas de réponses toutes faites, je ne fais qu’accompagner. La voyance est un miroir de ce que nous portons à l’intérieur.” Marine tient à préciser que ses consultations ne visent pas à répondre à des questions superficielles, mais à aider les individus à mieux comprendre leur chemin de vie. “La voyance, c’est avant tout un outil de développement personnel”, affirme-t-elle. “Il ne faut pas attendre que la voyance fasse tout, elle aide à ouvrir des portes, mais c’est à vous de les franchir.”

D’ailleurs, Marine fait également des consultations par téléphone. Une heure de consultation complète touchant à tous les domaines se fait moyennant 600DH, tandis qu’une consultation de trente minutes pour un sujet particulier (amour, santé, travail, famille) coûte 300 DH. “Ma clientèle est composée de toutes sortes de personnes, issues du milieu artistique ou des professions libérales. Je reçois des coiffeuses, des diplomates, des banquiers, des femmes au foyer, des étudiantes… Les hommes, bien entendu, sont de plus en plus nombreux à consulter, rassurés sans doute que je n’essaye pas de leur vendre un travail occulte.”

Des rituels pour attirer l’amour

En parallèle aux voyantes, il existe sur les réseaux sociaux un océan de sorcières 2.0 qui prodiguent des conseils pour trouver l’amour et qui ont recours aux rituels de la magie blanche. Cannelle et miel pour attirer l’abondance ; le rituel des bougies : rose pour l’amour pur et l’harmonie, rouge pour la passion et blanc pour la purification et la clarté ; des pierres, un talisman ou une amulette… De nombreux rituels sont exposés sur les réseaux sociaux, vidéos à l’appui. Ils sont basés sur l’idée de capter et d’harmoniser les énergies positives pour favoriser des connexions amoureuses. 

Sarah*, une jeune femme dynamique de 34 ans, a longtemps vécu dans la solitude, malgré des relations occasionnelles. Après plusieurs échecs amoureux, elle a décidé d’explorer la magie blanche pour attirer un amour sincère et profond. “J’étais fatiguée de rencontrer des personnes qui ne correspondaient pas à mes attentes, et j’avais l’impression que l’amour m’échappait, malgré mes efforts. J’ai donc décidé de me tourner vers un rituel de bougies”, explique-t-elle. Une amie lui conseille de prendre une bougie rose (pour l’amour et la tendresse) et une bougie rouge (pour la passion), et de les allumer lors d’une pleine lune. “Je me suis concentrée sur mes intentions : attirer un amour sincère, basé sur la complicité et l’harmonie.” Deux mois plus tard, Sarah dit avoir rencontré quelqu’un de totalement inattendu, avec qui elle partage une belle complicité aujourd’hui. “Je n’ose pas dire que c’était uniquement grâce au rituel, mais je pense que cela m’a aidée à me concentrer sur ce que je voulais vraiment et à attirer cette personne”, précise la jeune femme.

Le rituel de bougies de Sarah est un exemple typique de la pratique de la magie blanche. Pour beaucoup, ces rituels sont l’occasion de clarifier leurs désirs et d’apporter une énergie nouvelle dans leur vie amoureuse. C’est notamment le cas pour Kamil*. En couple depuis cinq ans, l’homme âgé de 41 ans traversait une période difficile avec sa partenaire. Ils étaient au bord de la rupture, marqués par la routine et des conflits récurrents. Désespéré, il s’est tourné vers un rituel de magie blanche pour tenter de raviver la flamme. “Je me sentais perdu et je ne savais plus comment redonner de la vie à notre relation. Un ami m’a suggéré de créer un talisman avec des pierres. Il m’a dit que l’améthyste favoriserait la compréhension, et que le quartz rose ouvrirait les cœurs.” Le jeune homme a ainsi fabriqué un petit sachet qu’il a posé sous son oreiller, en le chargeant d’intentions positives et d’amour. “J’ai aussi prié chaque soir pour la réconciliation et l’harmonie. Au bout de quelques semaines, nous avons commencé à mieux communiquer, à nous redécouvrir, et petit à petit, la tension s’est apaisée. Ce n’était pas un miracle, mais ce rituel m’a permis de recentrer mes énergies et d’ouvrir l’espace pour un dialogue plus serein. Aujourd’hui, nous allons mieux”, confie Kamil. Pour lui, ce rituel n’a pas seulement été un acte symbolique, mais un moyen de se reconnecter à lui-même et à sa partenaire. C’est souvent le cas dans la magie blanche, où les rituels servent à apporter une nouvelle perspective sur les relations existantes.

Nadia*, quant à elle, a utilisé les cycles lunaires pour attirer un amour stable et épanouissant après un divorce. “Après mon divorce, j’étais prête à aimer à nouveau, mais je voulais un amour différent, plus équilibré. Une amie m’a conseillée de profiter des phases de la lune pour poser des intentions”, explique-t-elle. Elle a commencé à pratiquer des rituels lors de la pleine lune, en formulant des vœux spécifiques pour une relation équilibrée et épanouissante. “Je notais mes intentions, puis je les brûlais. J’ai aussi utilisé des pierres de citrine et d’aventurine pour ouvrir mon cœur à l’amour. Je suis aujourd’hui en couple avec quelqu’un qui partage mes valeurs et ma vision de la vie…” Pour Nadia, la magie de la lune a été un catalyseur de transformation, lui permettant de changer sa perception de l’amour et de s’ouvrir à de nouvelles possibilités.

Toutefois, il est crucial de garder un esprit critique lorsqu’on s’engage dans des rituels en amour. La magie blanche, bien qu’elle soit pratiquée depuis des siècles dans de nombreuses cultures, n’est pas une science au sens strict du terme. Elle repose sur des croyances, des symboles et des énergies subtiles qui échappent à l’analyse rationnelle. Ces pratiques ne peuvent pas être prouvées ou quantifiées de manière scientifique. Il est important de ne pas se laisser emporter par des promesses irréalistes ou de se fixer des attentes trop élevées. Les rituels ne doivent pas être utilisés pour éviter de faire face à des problèmes sous-jacents dans une relation ou dans sa propre vie personnelle. Garder un esprit critique, c’est aussi comprendre que les pratiques ésotériques ne sont pas des solutions universelles.

Rites et rituels

Entre ceux qui affirment que la magie n’a pas de couleur et ceux qui la classent en magie blanche, noire, verte ou encore rose, il y a de quoi se perdre. Mais une chose est sûre, c’est que la magie se classifie en fonction des intentions qui se cachent derrière sa pratique. 

La magie blanche est un type de magie qui a pour vocation de répandre le bien. Elle possède des fins altruistes, et sa pratique se veut positive et bénéfique. La couleur blanche lui est associée puisqu’elle représente la pureté, la paix, l’innocence, mais aussi la justice. Elle est utilisée pour guérir, protéger et renforcer. Dans ce type de magie, on retrouve la magie bleue, très appréciée pour ses propriétés protectrices. Elle est également appelée “magie de l’eau”. La magie verte est, elle aussi, considérée comme faisant partie de la magie blanche. Elle se base essentiellement sur la nature pour soigner et guérir. Enfin, la magie rose et la magie rouge sont intimement liées. Elles touchent à l’amour, à l’amitié, aux sentiments. 

*Les prénoms ont été modifiés.

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