Le 17 septembre, plusieurs médias ont rapporté le suicide de Wafae, victime de la diffusion non consentie de ses images intimes. Derrière ce geste désespéré se dessine une violence qui dépasse l’écran : le cyberharcèlement enferme les victimes dans l’humiliation et les prive de recours efficaces. Si le parquet n’a pas encore communiqué officiellement, l’affaire a déjà soulevé de vives réactions, révélant les failles d’un système juridique qui peine à protéger celles qui en ont le plus besoin.
La société civile en alerte
À peine la nouvelle connue, l’Association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté a pris position. Dans un communiqué, elle a exprimé sa solidarité avec la famille et proposé un accompagnement psychologique et juridique, tout en dénonçant l’inaction des pouvoirs publics face à la montée des violences numériques. La voix du collectif Kif Mama Kif Baba s’est ajoutée à ce mouvement, avec des mots encore plus tranchants : « Les violences numériques tuent. L’État doit agir d’urgence. » Les deux organisations pointent la même urgence, mais différemment : l’une insiste sur le soutien direct aux victimes, l’autre sur l’indispensable réforme du Code pénal.
En effet, depuis 2018, la loi 103-13 a introduit les articles 447-1 à 447-3, qui sanctionnent la captation et la diffusion d’images privées sans consentement. Ces textes représentent une avancée, mais leur efficacité est limitée par l’existence d’autres dispositions, en particulier l’article 490, qui criminalise les relations sexuelles hors mariage. Pour les associations, cette contradiction fragilise les victimes : comment dénoncer un cyberharceleur quand on risque soi-même d’être poursuivie ? Cette double peine contribue au silence des femmes et laisse les agresseurs agir en toute impunité.
Plus qu’un fait divers
Les chiffres récents confirment que ces violences numériques ne cessent de croître. La DGSN a enregistré plus de 8.300 affaires liées aux technologies en 2024, avec une part significative de chantages sexuels et d’atteintes à la réputation. La plateforme e-blagh, lancée en juin de la même année, a déjà reçu plus de 7 000 signalements en trois mois, dont une part liée à la diffusion d’images intimes. Cette hausse rapide démontre que le phénomène dépasse largement les cas isolés et représente un véritable défi de société.
La mort de Wafae n’est pas seulement une tragédie personnelle, c’est le révélateur d’un système où les femmes restent exposées, à la fois aux violences numériques et aux limites d’un cadre légal qui ne les protège pas assez. Pour les associations comme pour la société civile, l’heure n’est plus aux constats mais à l’action : renforcer les sanctions, réformer les textes qui fragilisent les victimes et reconnaître que l’espace numérique est un terrain où la dignité et la sécurité doivent être garanties.
Parce qu’au-delà de Wafae, ce sont toutes les femmes qui sont concernées.