La santé reproductive sous la loupe

La santé reproductive des Marocaines a profondément évolué au cours des vingt dernières années. Gratuité des accouchements, développement de la contraception, émergence de la fécondation in vitro... autant d’avancées qui illustrent le long chemin parcouru. Mais malgré ces progrès, certaines inégalités persistent. Des freins qui rappellent que la santé reproductive est non seulement une question médicale mais également un droit fondamental.

La santé reproductive ne se limite pas à la capacité d’avoir des enfants. Elle englobe l’ensemble des dispositifs et des soins permettant aux femmes de vivre leur maternité en toute sécurité et dignité. Ces vingt dernières années, le Maroc a accompli des progrès significatifs dans ce domaine. Cela se reflète notamment sur le taux de mortalité maternelle qui a reculé de près de 70 %, passant de 244 décès pour 100.000 naissances vivantes en 2000 à 72 en 2020, selon les données du ministère de la Santé. “Des avancées notables ont été enregistrées comme la gratuité des accouchements par voie basse et par césarienne dans les maisons d’accouchement et les hôpitaux provinciaux et préfectoraux depuis 2008, ce qui a facilité l’accès pour de nombreuses femmes aux revenus modestes”, affirme Touria Harrizi, présidente de l’Association marocaine des sages-femmes. Dans la continuité, le Maroc a lancé en septembre 2021, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et l’OMS, la Stratégie Nationale de la Santé Sexuelle et Reproductive 2021-2030. Ce plan d’action vise principalement à éradiquer les décès maternels et néonatals évitables, à assurer un accès universel à des services de qualité et à promouvoir l’éducation à la santé sexuelle et reproductive.

La contraception : Un réflexe qui s’ancre 

En plus de la prise en charge des accouchements, la contraception est l’un des piliers de la santé sexuelle et reproductive. Pour chaque femme, pouvoir choisir le moment d’avoir un enfant et espacer les grossesses est essentiel pour sa santé et son autonomie. Au Maroc, plusieurs programmes ont été mis en place pour sensibiliser les femmes et faciliter l’accès aux méthodes contraceptives, et les résultats sont visibles. Selon le Haut-commissariat au Plan, 70% des femmes en âge de procréer utilisent une méthode contraceptive, avec une prédominance notable pour la pilule. “La première méthode contraceptive la plus répandue au Maroc est la pilule oestro-progestative. Cela s’explique par sa facilité d’utilisation, sa disponibilité dans les centres de santé publics et dans les pharmacies ainsi que son efficacité tant sur le plan de la contraception que sur la régulation du cycle de la patiente. Beaucoup de femmes l’utilisent en tant que première contraception en début de vie de couple”, nous explique Dr. Hind Chafik, gynécologue-obstétricienne. 

En plus de la pilule, qui reste la reine incontestée de la contraception au Maroc, une autre méthode est largement adoptée par les femmes marocaines. Il s’agit du stérilet au cuivre, plus connu dans le milieu médical sous le nom de dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre. “Le dispositif intra-utérin DIU au cuivre est une méthode contraceptive inerte, c’est-à-dire non hormonale. Il est très apprécié des patientes qui ne tolèrent pas les pilules hormonales. Souvent, les femmes vont y avoir recours après un accouchement (passé un délai de 6 à 8 semaines). Il offre une liberté appréciable puisque la patiente va le placer et ne plus avoir à se soucier d’une prise quotidienne de pilule ou d’un timing précis pour maintenir l’efficacité tel que c’est le cas pour les pilules contraceptives”, détaille la praticienne. Considéré comme étant plus pratique, l’implant contraceptif séduit, lui aussi, de plus en plus de femmes. “Il s’agit d’une contraception progestative sous forme d’un bâtonnet en plastique placé sous la peau au niveau du bras et qui est valable pour une durée de 3 ans. La pose se fait sous anesthésie locale en quelques minutes et offre une liberté à la patiente. C’est parmi les méthodes les plus efficaces. Il possède son équivalent sous forme de dispositif intra-utérin appelé stérilet hormonal qui est également utilisé, à moindre fréquence, et préconisé essentiellement chez des femmes aux menstruations abondantes et/ou irrégulières après élimination d’une cause organique à cela”, précise Dr. Chafik. 

Le choix du “sans hormones”

L’utilisation des méthodes contraceptives traditionnelles a certes baissé, mais elles restent tout de même présentes dans la pratique de certaines femmes, c’est d’ailleurs ce que nous a confirmé Dr. Hind Chafik. “Beaucoup de femmes restent utilisatrices de méthodes contraceptives dites “naturelles” telles que le calcul ; évitant les rapports en période ovulatoire, ou le coït interrompu (éjaculation en externe”. Mais qu’est-ce qui pousse encore ces femmes à rester fidèles à ces méthodes? “Ces méthodes sont recherchées pour leur innocuité sur la santé de la femme bien que leur efficacité soit moindre que celle des méthodes modernes. Elles nécessitent une parfaite connaissance de la physiologie de la femme (période ovulatoire, symptômes d’ovulation, durée de vie des gamètes) et une régularité absolue du cycle menstruel”, relève Dr. Chafik. 

Quid du préservatif ? Pour certains couples, cette option est à la fois “sûre, simple et efficace”. “Plusieurs hommes recourent au préservatif. Cette méthode, dite barrière, est la seule à assurer, en plus de la contraception, une prévention contre les infections sexuellement transmissibles”, indique Dr. Hind Chafik.

Une prévention non sans effets 

La contraception offre liberté et choix, oui, mais elle n’est pas toujours sans impact sur le corps. D’après Dr. Hind Chafik, les effets secondaires varient selon la méthode adoptée. “La pilule oestro-progestative peut provoquer quelques effets secondaires, généralement évités grâce à une bonne prescription médicale. Les risques principaux concernent les thromboses veineuses, surtout chez les femmes obèses, tabagiques ou présentant des varices. Elle peut aussi majorer le risque de survenue de certains cancers hormono-dépendants comme le cancer du sein chez les femmes à risque ou après 40 ans. À l’inverse, cette pilule protège contre certains cancers (ovaires) et régule le cycle. D’autres effets, plus légers, peuvent inclure céphalées, irritabilité ou baisse de libido”, détaille la gynécologue-obstétricienne. Le stérilet au cuivre, lui aussi, a ses particularités à connaître. “Le stérilet peut parfois augmenter la quantité et la durée des règles. Cet effet n’est pas systématique, il est variable d’une femme à une autre, et souvent transitoire. La surveillance du stérilet est obligatoire afin de détecter tout déplacement ou migration qui restent des complications relativement rares. À noter que cette méthode ne bloque pas l’ovulation, ce qui peut conduire à une grossesse extra-utérine”, poursuit Dr. Hind Chafik. De son côté, la contraception progestative se distingue par une meilleure tolérance, mais elle n’est pas exempte d’effets secondaires. “Qu’elle soit sous forme de pilule, d’implant ou de dispositif intra-utérin, la contraception progestative est relativement bien tolérée, mais peut provoquer l’arrêt des règles (aménorrhée). Parfois, cette aménorrhée peut être ponctuée par des saignements minimes irréguliers (spotting) qui peuvent devenir gênants si leur fréquence est élevée”, précise la spécialiste. Mais quelle que soit la méthode contraceptive choisie, une règle d’or s’impose : ne jamais négliger le suivi. “Celui-ci permet de dépister et corriger d’éventuels effets secondaires, mais aussi d’assurer la surveillance propre à chaque méthode. En effet, la prise de pilule oestro-progestative nécessite un suivi du fonctionnement hépatique de façon annuelle. Le DIU, quant à lui, nécessite une surveillance de son positionnement et du déroulement du cycle. En cas de contraception mal tolérée, le gynécologue proposera alors une méthode différente. Ce suivi est aussi l’occasion de proposer les dépistages recommandés, comme le frottis du col de l’utérus tous les 3 à 5 ans et la mammographie/échographie mammaire tous les deux ans à partir de 45 ans”, conclut Dr. Chafik.

Les fausses couches : Des chiffres sous-estimés 

Prévenir ou choisir le moment d’avoir un enfant est important, mais la santé reproductive concerne aussi les épreuves que certaines grossesses peuvent traverser, comme les fausses couches. Au Maroc, les données officielles restent limitées, mais les estimations suggèrent qu’environ 15 à 20% des grossesses se terminent par une fausse couche, souvent survenant précocement et parfois sans que la femme en soit consciente. “Au Maroc, comme ailleurs, les fausses couches restent fréquentes et représentent la première cause de saignement au cours du premier trimestre. Dans notre pratique quotidienne, nous en rencontrons très régulièrement. Les chiffres disponibles sont toutefois probablement sous-estimés, car de nombreuses fausses couches surviennent très tôt, avant même que la femme ne sache qu’elle est enceinte”, explique Dr. Ilham Oubni, gynécologue-obstétricienne. 

Prévenir les fausses couches  

La praticienne fait savoir que certaines fausses couches peuvent être prévenues. “Pour ce faire, il est essentiel de corriger les carences, notamment l’anémie, de consulter rapidement en cas de retard des règles, et d’éviter certains médicaments potentiellement toxiques pour le fœtus. Une consultation préconceptionnelle permet également de détecter et traiter des maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension ou les troubles de la thyroïde qui peuvent augmenter le risque de fausse couche. Enfin, la prise d’acide folique reste fortement recommandée”, explique-t-elle. Dr. Ilham Oubni rappelle toutefois que certaines causes, comme les anomalies chromosomiques, restent inévitables et imprévisibles. Dès lors, face à une fausse couche, isolée ou répétitive, certains examens de base sont essentiels pour préserver la santé de la femme. “Il faut d’abord commencer par vérifier le groupe sanguin de la maman. Si son rhésus est négatif, un traitement appelé anti-D est administré. Ensuite, on vérifie que l’utérus est bien vide grâce à une échographie. Troisièmement, on prévoit une supplémentation en fer. Enfin, si un curetage a été réalisé, une contraception oestro-progestative est prescrite pendant trois mois pour éviter des complications. Sans suivi médical, la femme risque la récidive et la répétition des fausses couches”, développe Dr. Oubni.

La fécondation in vitro : Où en est le Maroc ?

Les fausses couches à répétition entravent parfois le chemin vers la maternité, mais les progrès réalisés au Maroc en matière de santé reproductive permettent aujourd’hui un accompagnement mieux adapté. À l’heure actuelle, plusieurs établissements assurent des suivis médicaux personnalisés et, lorsque cela est nécessaire, des techniques comme la fécondation in vitro (FIV) offrent des solutions concrètes aux couples confrontés à des difficultés particulières à concevoir. Selon des estimations du ministère de la Santé, entre 850.000 et 900.000 personnes au Maroc sont touchées par l’infertilité. “On parle d’infertilité lorsqu’un couple n’arrive pas à obtenir une grossesse après au moins 12 mois de rapports réguliers, sans contraception. C’est une situation médicale qui peut concerner la femme, l’homme, ou les deux partenaires. Au Maroc, on estime qu’environ un couple sur sept est touché par cette difficulté”, explique Dr. El Mehdi Hissane, gynécologue-obstétricien, spécialiste de la fertilité et de la procréation médicalement assistée (PMA). Introduite au Maroc en 1992, la FIV, encadrée depuis 2019 par la loi n°47-14 relative à l’assistance médicale à la procréation, représente une lueur d’espoir pour de nombreux couples souffrant notamment d’infertilité. “La fécondation in vitro est proposée lorsque les chances de concevoir naturellement sont compromises ou après l’échec de traitements plus simples. Elle s’avère particulièrement indiquée dans les cas de trompes de Fallope bouchées ou endommagées, d’infertilité masculine sévère, d’endométriose avancée, de diminution de la réserve ovarienne liée à l’âge ou encore d’infertilité inexpliquée. La FIV n’est pas un traitement de première intention, mais elle constitue une solution efficace et bien codifiée lorsqu’un obstacle médical est identifié ou que le temps devient un facteur critique”, développe Dr. El Mehdi Hissane. À en croire les chiffres avancés par les professionnels du secteur, plus de 4.000 fécondations in vitro sont réalisées annuellement au Maroc. Avant de détailler l’offre marocaine, voyons à quoi ressemble concrètement une FIV. “Le protocole de la FIV commence toujours par une évaluation complète du couple, sur le plan clinique, biologique et radiologique. On peut ensuite suivre un protocole long ou court, selon la situation. La première étape consiste à stimuler les ovaires afin de produire un maximum d’ovocytes, un processus qui varie d’une patiente à l’autre et dure généralement une dizaine de jours ou plus. Une fois les ovocytes matures, ils sont prélevés par ponction sous légère sédation. Le même jour, le mari fournit ses spermatozoïdes, sauf si ceux-ci ont été congelés. En présence du biologiste, les meilleurs ovocytes sont sélectionnés et fécondés avec les spermatozoïdes appropriés. Deux à cinq jours plus tard, les embryons sont transférés dans l’utérus de la patiente, qui reçoit un traitement médical pour favoriser l’implantation et soutenir la grossesse”, décortique Dr. Mourad Yazid, gynécologue-obstétricien. Mais quelles sont réellement les chances de réussite d’une FIV ? “Chez les femmes jeunes, le taux de réussite peut atteindre 25 à 30 %, voire davantage lorsqu’il n’existe pas de problème particulier. Mais avec l’âge ou en cas de spermogramme déficient, ce taux diminue naturellement. Il ne faut pas vendre du rêve à des couples déjà en détresse”, nuance Dr. Mourad Yazid. “Le nombre de tentatives peut, quant à lui, aller d’une à quatre, mais en général, lorsque les conditions sont favorables, une à deux tentatives suffisent pour obtenir une grossesse”, poursuit-il.

Un espoir pour “quelques-uns”

Pour le moment, l’offre en matière de fécondation in vitro au Maroc reste concentrée dans les grandes villes où se trouvent la majorité des cliniques et centres spécialisés. Quelques établissements publics, comme le Centre de santé reproductrice du CHU Ibn Sina à Rabat, ont également ouvert des unités dédiées, mais l’essentiel de l’activité repose encore sur le secteur privé.  “Le Maroc dispose aujourd’hui d’une offre diversifiée et de grande qualité en matière de fécondation in vitro. Le tout premier centre spécialisé a vu le jour il y a environ trente ans, marquant le point de départ d’une expertise nationale dans ce domaine. Depuis, plusieurs structures se sont développées, dotées d’équipes pluridisciplinaires et de plateaux techniques modernes répondant aux standards internationaux”. Et de surenchérir : “La majorité de ces centres sont concentrés dans les grandes villes, en particulier Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger et Agadir, ce qui reflète la demande croissante dans les zones urbaines. Ils proposent des techniques avancées comme la FIV classique, l’ICSI (injection de spermatozoïde dans l’ovule), la cryoconservation des embryons ou des ovocytes, et parfois des méthodes plus spécialisées”. Cependant, Dr. El Mehdi Hissane soulève que l’accès à ces services présente encore certaines limites, d’abord, sur le plan géographique. “L’accès à ces services est plus limité dans les régions rurales, où les couples doivent souvent se déplacer vers les grandes métropoles pour bénéficier d’une prise en charge complète”, se désole-t-il. 

Une couverture AMO encore partielle 

La prise en charge des traitements de fécondation in vitro par les organismes de couverture maladie reste également limitée. Depuis janvier 2021, le ministère de la Santé a intégré neuf traitements hormonaux dans la liste des médicaments remboursables dans le cadre de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), une avancée significative pour les couples infertiles. Néanmoins, cette mesure ne couvre pas l’ensemble des coûts associés à la FIV, tels que les honoraires médicaux, les analyses biologiques et les frais d’hospitalisation. En conséquence, les couples doivent souvent faire face à des dépenses importantes. “Le coût moyen d’une tentative de fécondation in vitro au Maroc est d’environ 30.000 dirhams. Ce montant inclut l’ensemble du processus à savoir les médicaments de stimulation, la ponction ovocytaire, l’ICSI si nécessaire, la culture embryonnaire ainsi que la vitrification des embryons ou ovocytes. Mais ce prix reste malheureusement élevé par rapport au revenu moyen des familles marocaines”, regrette Dr. Hissane. Le spécialiste de la fertilité et de la PMA souligne toutefois qu’un véritable mouvement est en cours pour améliorer l’accessibilité. “Des politiques sont en cours d’étude afin de permettre un remboursement partiel ou total de certaines tentatives, ce qui représenterait une avancée majeure. L’espoir est réel : dans un avenir proche, la FIV pourrait devenir plus accessible grâce à une meilleure prise en charge. Cela contribuerait à soulager des milliers de couples confrontés à l’infertilité, qui est un véritable problème de santé publique dans notre pays”, conclut Dr. El Mehdi Hissane. 

La santé reproductive au Maroc a franchi des étapes importantes, mais la bataille pour l’égalité d’accès continue. L’enjeu est désormais clair : transformer les progrès réalisés en solutions concrètes et accessibles à tous, partout sur le territoire.

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