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Dans un monde obsédé par l’apparence et la performance physique, une autre forme de désir prend de l’ampleur : la sapiosexualité. Être attiré par l’intelligence, préférer les échanges d’idées aux photos de profil retouchées… Est-ce une simple tendance ou une vraie sensibilité amoureuse ? Décryptage.

Trop gros(se), trop petit(e), chauve, poilu(e)? Peu importe. Pour les sapiosexuels, l’apparence n’est qu’un bruit de fond. Ce qui les attire vraiment, c’est l’intelligence. Une discussion profonde, une répartie brillante, une culture générale acérée: voilà ce qui peut éveiller leur désir.

Votre imagination, votre esprit critique ou vos longues diatribes sur les dérives de la philosophie moderne ont plus de chances de séduire un sapiosexuel qu’un physique sculptural ou une Rolex au poignet. Pour dire les choses simplement, le sapiosexuel est quelqu’un qui s’excite à l’idée qu’on lui cite Le Dormeur du Val ou qu’on lui parle de la théorie des jeux pendant des heures. “Se définir comme sapiosexuel signifie se reconnaître comme étant une personne érotiquement influençable par la connaissance et l’intelligence d’une autre personne”, explique le sexologue Bernard Corbel.

Caressez mon cerveau

La création de ce terme est revendiquée par un certain Wolfieboy qui l’aurait forgé en 1998. Mais c’est surtout avec l’ajout du mot dans les catégories d’orientation sexuelle du site OkCupid, en 2014, (aux côtés d’autres termes comme “non-binaire”, “a-sexuel” ou encore “ne sait pas”), qu’il a pris son envol.

Comme le souligne Corbel, la sapiosexualité n’est pas, dans le langage de la sexologie, une orientation sexuelle à part entière (comme l’homosexualité ou l’asexualité), mais plutôt un critère d’attirance au même titre qu’un goût prononcé pour les barbus, les grands ou les voix graves.

Biologiquement, aucun consensus ne permet d’expliquer cette attirance. Toutefois, le sexologue avance une hypothèse intéressante : “Cette orientation me paraît le fait d’individus profondément ouverts et aspirants à des connaissances plus étendues. Ils pourraient alors trouver une véritable fascination devant le savoir, savoir qui possède son ivresse.”

Il cite l’exemple des étudiants tombant amoureux de leurs professeurs, ou des geishas, qui séduisaient non seulement par leur raffinement mais aussi par leur culture politique et artistique.

Par ailleurs, cette préférence pour l’intelligence n’est pas propre aux humains. Il existe d’autres espèces animales pour lesquelles les aptitudes intelligentes sont valorisées dans le choix des partenaires. “Il y a chez certaines espèces des techniques de séduction où le mâle montre son habileté ou son intelligence pour attirer une partenaire.” Dans cette perspective évolutionniste, l’intelligence devient un indicateur de meilleure survie pour la descendance, et donc un atout séduisant.

Un phénomène influencé par l’environnement

L’éducation, le milieu social ou encore les expériences personnelles semblent jouer un rôle central. Corbel observe : “Des lycéens et étudiants seraient plus sensibles à cette forme d’attirance que des non-étudiants. En effet, ils sont fondés à admirer les sachants.” Il évoque même le couple Macron comme une possible illustration contemporaine : un adolescent fasciné par l’intellect de sa professeure de théâtre, devenue ensuite sa compagne de vie.

Les femmes sont-elles plus concernées? Quelques études ont tenté de mesurer les différences entre les sexes en matière de sapiosexualité, sans trouver de résultat significatif. Néanmoins, Corbel partage son ressenti de terrain : “Les personnes qui se considèrent comme sapiosexuelles seraient probablement plutôt des femmes qui se sentent particulièrement attirées par le charisme des hommes qui ont une compétence intellectuelle.”

Dans un monde où l’intelligence masculine peut être associée à une forme de pouvoir symbolique, cela n’a rien d’étonnant.

Un antidote à la tyrannie du paraître

Certains critiques considèrent la sapiosexualité comme une forme d’élitisme déguisé, qui valoriserait une culture académique ou bourgeoise, au détriment d’autres formes de savoir ou de sensibilité.

Corbel ne nie pas cette dimension, mais nuance : “Déclarer haut et fort des goûts pour la sapiosexualité signifierait donc une forme d’élitisme, et pourrait relancer des complexes d’infériorité déjà existants ou bien des complexes de l’imposteur.” Mais il y voit aussi un contre-pied à la superficialité ambiante, dans une époque où “les seuls critères sont narcissiques, hypersexuels et matérialistes”.

Car paradoxalement, c’est au sein même des applications de rencontre, ces temples de l’image et du “swipe” instantané, que la sapiosexualité a trouvé son terrain. Pour Corbel, c’est même une bonne nouvelle : “Il s’agit peut-être d’une tendance bénéfique qui permet, dans cet univers des rencontres électroniques, de réintégrer la notion de culture.” Et de conclure avec une touche d’humour et de nostalgie : “Les romantiques du 19ème siècle étaient peut-être, sans le savoir, déjà des sapiosexuels.”

Ce qui est sûr, c’est que la sapiosexualité révèle un besoin de sens, de complexité, de profondeur, dans des relations souvent réduites à l’apparence. Est-elle une nouvelle forme de romantisme ? Une réponse contemporaine à la vacuité numérique ? Ou un simple critère parmi d’autres dans l’algorithme du désir ? Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : l’intelligence séduit. Et parfois, une phrase bien tournée vaut tous les abdos du monde.

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