L’été rime avec vacances et détente… ou presque. Lorsque le couple n’a pas la même vision des vacances, c’est un véritable casse-tête. Car que faire quand l’un rêve de couchers de soleil en tête-à-tête, et que l’autre n’imagine pas l’été sans sa joyeuse troupe d’amis ? Ces divergences, aussi classiques soient-elles, peuvent rapidement devenir explosives si elles ne sont pas abordées à temps. Ce n’est pas simplement une question de destination ou d’activités : c’est une affaire de rythme, de valeurs, de besoin de lien ou de respiration. Pour Bernard Corbel, psychologue et psychothérapeute, il faut tout d’abord se rassurer : “Les divergences dans un couple, c’est tout à fait normal ! Ce n’est pas le symptôme d’un désamour. Au contraire, c’est celui de deux individualités vivantes, à condition, bien sûr, de les traiter avec écoute, confiance et empathie.” Un avis partagé par la psychothérapeute Kenza Jai Hokimi, qui appelle à observer avec lucidité la dynamique du lien amoureux: “Un couple nourri peut ressentir le besoin de faire un voyage en groupe sans que cela soit une punition. À l’inverse, un couple en tension peut chercher le groupe comme échappatoire”, développe-t-elle, avant d’ajouter: “Un couple en pleine reconstruction peut également préférer des vacances à deux pour reprendre du temps pour soi, afin de renforcer la connexion.” Selon elle, le type de vacances choisi parle autant des besoins individuels que de l’état du lien amoureux. “Les vacances reflètent aussi nos aspirations et nos blessures. Chez certains, elles peuvent même réveiller des peurs liées à l’enfance comme le sentiment d’abandon ou la peur d’être envahi par le groupe”, assure-t-elle. On croit parfois qu’on se dispute pour un lieu ou un programme alors qu’il s’agit en réalité d’un besoin fondamental non écouté. Dans ce contexte, le partenaire n’est ni un héros, ni un sauveur, mais un allié, comme le souligne Kenza Jai Hokimi. Et un allié n’impose pas ses désirs, il construit, main dans la main, un chemin commun.
Des frontières saines
Lorsque les vacances se font à plusieurs -que ce soit avec des amis ou la belle-famille-, il est essentiel de poser des limites claires. “Il est important de mettre un cadre pour renforcer le lien d’attachement sécure du couple”, affirme Kenza Jai Hokimi. Cela passe par des questions simples mais fondamentales comme combien de temps consacre-t-on au groupe ? Quand garde-t-on du temps en duo ? Quelles sont les choses à ne pas accepter en couple ? Mais soyons réalistes, cette posture n’est pas toujours simple à adopter. Elle exige de la clarté, mais aussi un vrai travail de compromis. Si l’un des deux se sent noyé par les exigences de l’autre ou du groupe, la frustration ne tardera pas à faire surface. Aussi, peut-être est-il judicieux de faire également des choix “logistiques”. Par exemple, penser à scinder une partie du séjour, ou encore à créer des “bulles” d’intimité au sein même du groupe. Rien n’interdit de dîner en bande mais de s’éclipser à deux pour une balade ou un petit-déjeuner sans bruit. “L’écoute sincère permet de comprendre ce qu’il y a de profond dans le désir de l’autre”, explique Bernard Corbel. “En s’écoutant avec intelligence, on peut parvenir à une étape de choix et de consensus. L’objectif est de définir un terrain d’entente, satisfaisant les deux parties moyennant des accommodations.” Et de rappeler : “En principe, la relation amoureuse devrait être basée sur la confiance et non sur la méfiance, la défiance ou le contrôle.” Cela suppose aussi, comme le rappelle Kenza Jai Hokimi, de protéger activement l’espace du couple, sans pour autant rejeter les autres : “Poser des limites, c’est aussi créer une alliance. C’est décider ensemble de ce qui est juste pour nous, pas contre les autres mais pour préserver notre lien.”
Comment co-construire les vacances ?
La vraie réussite des vacances ne dépend pas du décor mais de la qualité de la présence, insiste Kenza Jai Hokimi. “C’est la présence quand l’autre trébuche, doute ou n’est pas d’accord”, énumère-t-elle. Une présence qui ne cherche pas à fuir, convaincre ou imposer, mais à être là même quand c’est inconfortable. “Il est tout aussi important d’accepter l’imperfection. Un lien vivant se froisse parfois, mais il se retrouve aussi. Vous n’avez pas besoin d’être un couple modèle. Il faut juste être un couple qui cherche ensemble”, insiste-t-elle. “Même loin de chez soi, il faut continuer à tisser la dynamique du couple : comment je t’écoute ? Comment je m’exprime sans écraser ? Comment je reviens au lien, même quand on n’est pas d’accord ?”, soutient Bernard Corbel. Pour lui, ce qui fait le plus souvent défaut derrière les bonnes intentions de dialogue, c’est l’aptitude à la communication, qui passe par l’empathie. “L’empathie permet une position d’écoute qui demande de ne pas être dans son ego”, insiste-t-il. “Il faut le laisser au vestiaire pour savoir écouter !” Car “en s’écoutant bien, on peut se comprendre et, en se comprenant bien, on peut décider ensemble et faire les meilleurs choix”, enchérit-il. Penser les vacances à deux, c’est donc accepter qu’il n’y ait pas une seule bonne manière de faire, mais des ajustements continus à trouver ENSEMBLE. Cela peut passer par un tour de rôle dans le choix des séjours, par des compromis concrets ou par une meilleure répartition de la charge mentale liée à l’organisation. Car oui, planifier les vacances reste encore trop souvent une mission invisibilisée et genrée. Comme le souligne Bernard Corbel, “organiser un séjour, surtout s’il est unique dans l’année, est vécu comme un vrai enjeu. Celui ou celle qui s’en charge porte une responsabilité émotionnelle, pratique et financière qui peut être très lourde.” Mais revenons à nos envies de vacances. Et si les meilleures vacances, c’était tout simplement d’être entendue ? Car ce ne sont peut-être pas celles où l’on fait “ce qu’on veut”, mais celles où l’on s’est sentie écoutée, respectée, et jamais seule dans ses envies.