« Moi Capitaine » raconte l’aventureux périple de deux jeunes hommes de 16 ans, Seydou et Moussa, qui décident de quitter Dakar, leur terre natale, dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Mais sur leur chemin, les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont très vite anéantis par les dangers de ce périple. Leur seule arme dans cette odyssée restera leur humanité.
Les mots du réalisateur:
« MOI CAPITAINE » est né du tissage de plusieurs récits de jeunes qui ont éprouvé la traversée de l’Afrique vers l’Europe. En les écoutant, j’ai pris conscience que leurs histoires constituaient sans doute le seul récit épique contemporain possible. Avant de réaliser ce film, je connaissais, par le prisme des médias, les péripéties et atrocités subies par les migrants au cours de leurs longs voyages. Cependant, ces images concernaient quasi exclusivement la dernière partie du périple : des embarcations retournées en pleine mer, des cadavres flottants, des migrants désespérés implorant de l’aide, l’habituel décompte des morts et des vivants. Je m’étais malheureusement habitué à n’y voir que des chiffres, et non plus des êtres humains. Lors d’une visite d’un centre d’accueil de mineurs à Catane (Italie), j’ai entendu le récit saisissant d’un jeune africain qui, du haut de ses quinze ans, avait conduit un bateau jusqu’aux côtes italiennes, sauvant ainsi la vie de tous ses passagers. J’ai voulu que ma caméra filme dans la direction radicalement opposée de celles des médias.
Embrasser la perspective et le point de vue de ces personnes pour narrer ce voyage épique, fait de vie et de mort. Pour pouvoir raconter de l’intérieur cette aventure pleine de dangers, il était nécessaire que je me plonge dans leur monde, si éloigné du mien. Il m’a fallu pour cela construire une relation de collaboration constante avec tous ces jeunes, filles et garçons, qui ont vécu l’horreur et qui m’ont accompagné dans la construction du film. J’ai longtemps questionné ma légitimité à porter cette histoire, mais celle-ci est la leur. La clé était de pouvoir compter sur eux tant devant que derrière la caméra, afin d’être dans la démarche la plus authentique possible, loin de tout didactisme, en tant que messager discret. Face à un sujet si délicat et dramatique, j’ai veillé à créer la mise en scène la plus sobre et dépouillée qui soit, pour éviter toute complaisance stylistique ou vaine curiosité. Tous les chefs de poste ont dû suivre la même ligne directrice : fournir un travail d’une extrême précision dans les moindres détails, mais qui ne se voit pas. Le défi consistait à faire en sorte que notre travail reste invisible, comme si l’histoire se racontait d’elle-même. Un long travail de casting fut nécessaire, entre l’Europe et l’Afrique.
Finalement, le choix le plus pertinent et efficace était celui de très jeunes acteurs sénégalais qui n’étaient jamais sortis de leur pays, mais qui, à l’instar de la majorité de leur génération, rêvaient d’ailleurs. J’ai ainsi trouvé un parfait Seydou dans la tendresse de Seydou Sarr (prix du meilleur espoir à la Mostra de Venise 2023). Il est important, pour moi, que les acteurs soient à l’image de mes personnages ».