Vous avez fait recours contre l’obligation de quitter le territoire français. Où en est la procédure ? Quels sont vos espoirs ?
Oui, j’ai effectivement fait appel devant le tribunal contre l’Obligation de quitter le territoire français, et j’attends aujourd’hui la décision des autorités. Mon avocate, spécialisée dans ce type de procédures, suit le dossier de près. Pour l’instant, je n’ai pas encore de nouvelles concrètes. En attendant, j’essaie de maintenir le plan initial de mon projet artistique du mieux possible, et ce, malgré les incertitudes. Je garde l’espoir que ma situation sera re-examinée avec attention et humanité. Mon souhait est simplement de pouvoir poursuivre mon projet artistique en toute sérénité, de faire rayonner cette collaboration entre le Maroc et la France dans un cadre stable, légal et clair, et de continuer à créer en toute liberté.
Quel impact ce refus a-t-il sur votre carrière musicale ?
Il y a tout d’abord le report de la sortie de mon album. Initialement prévue le 25 septembre, elle est désormais fixée au 3 décembre. Puis est venue la réflexion artistique autour du visuel de la pochette, que j’avais rêvée de créer au Maroc, auprès de mes parents. S’y sont ajoutées les contraintes de circulation, les discussions à rallonge, les délais pour les clips et les captations vidéo… autant d’éléments qui repoussent sans cesse nos échéances. Cela compromet également certaines dates de concerts, notamment au Maroc pour Visa for Music à Rabat, ainsi que ma présence à la cérémonie des AFRIMA au Nigeria, où j’ai l’honneur d’être nominée comme Meilleure artiste féminine en Afrique du Nord…

Parlons plus longuement de votre nouvel album, “Family”. Comment l’avez-vous pensé ?
« Family » est un album qui célèbre la famille comme première cellule sociale, ce cocon d’où l’on s’élance et auquel on revient toujours. C’est un hommage à nos parents, ces compagnons de route dont les gestes, les mots et les silences nous ont façonnés, souvent sans qu’on s’en rende compte. À la suite de mon mariage, j’ai ressenti le besoin de traduire en musique cette transition : passer d’une cellule familiale à une autre, en emportant avec moi un héritage d’émotions, de réflexes, de souvenirs, mais surtout, de l’amour que j’ai appris à recueillir, à cultiver et à transmettre. « Family » est le récit de ce paradoxe : l’attachement viscéral aux racines et la nécessité d’étendre ses ailes, de s’inventer soi-même tout en restant fidèle à ce qu’on a reçu. C’est aussi le récit d’une complicité retrouvée avec nos parents, qui dans le meilleur des cas sont ces amis de longue date qui ont fait de leur mieux pour nous donner ce qu’ils avaient, parfois maladroitement, mais avec sincérité. Cet album est un voyage à travers les émotions contrastées : l’amour et la peur, l’attachement et le besoin de s’échapper, le sentiment d’être incompris ou mal aimé et celui de chercher l’apaisement. C’est aussi l’histoire de ces héritages invisibles, ces blessures que l’on porte parfois sans le savoir, ces voix du passé qui nous murmurent encore des mots d’antan. Des histoires personnelles et universelles s’entremêlent, comme des fragments de mémoire entre deux terres, deux générations, deux mondes. On y croise des personnages à la fois familiers et lointains, des âmes marquées par la vulnérabilité, la quête d’identité et le pardon. C’est une mosaïque de fragments d’amour, de doutes et de réconciliations. Chaque morceau devient alors une lettre adressée à ceux que l’on a aimés, une main tendue vers nos racines, et une invitation à accepter, enfin, d’écrire sa propre histoire. « Family », c’est une ode à l’amour inconditionnel, à la transmission, à ce lien indéfectible qui nous pousse à nous réinventer sans jamais oublier d’où l’on vient. Une quête de liberté dans laquelle chacun pourra retrouver des échos de ses propres liens, de ses propres rêves, de ses propres pardons.
Quelle chanson dans cet album capture le mieux votre univers ?
« Family » est le morceau qui a donné son nom à l’album, et celui dans lequel je me reconnais le plus. Je l’interprète à la fois en anglais et en darija, mêlant des sonorités traditionnelles du Nord du Maroc à une approche plus moderne. Les arrangements par Reid Willis et David Koch empruntent autant au classique qu’au contemporain et à l’électronique, créant un équilibre entre mes références orientales et occidentales. C’est un titre à la fois complexe et facile d’écoute, où se croisent des mélodies et des paroles chargées d’émotions : la joie, la mélancolie, la nostalgie… des sentiments que je relie intimement à ma famille.

Votre style est souvent comparé à celui de Lana Del Rey. Comment jouez-vous avec cette ambiance mélancolique dans vos compositions ?
Je me régale à composer mes morceaux et à écrire mes textes, c’est toujours un vrai plaisir. Sortir les violons, au sens figuré comme au sens propre, est pour moi un exercice de style qui m’habite et m’inspire La mélancolie, je ne l’invoque pas pour elle-même. Elle n’est pas un calcul, ni une pose, mais plutôt un état d’âme dans lequel je plane, un souffle intérieur qui nourrit le récit. J’y trouve un terrain de jeu où je m’amuse à visualiser des histoires et à leur donner des mots et des mélodies.
Crédit photos : Hind Aliliche