lles sont en train de marquer l’histoire du football féminin au Maroc. Les Lionnes de l’Atlas participent, pour la première fois, à une Coupe du monde, la 9ème édition organisée du 20 juillet au 20 août 2023 en Australie et Nouvelle-Zélande. Une réussite attribuée à leur engagement et leur professionnalisme. Mais c’est aussi et surtout le fruit du travail de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) présidée par Fouzi Lekjaa qui est en train d’ouvrir une nouvelle ère pour le ballon rond féminin.
Répondant aux stratégies pour le Football féminin de la Fifa et de la Confédération africaine de football (CAF) lancées en 2018, la FRMF a élaboré le contrat-objectif pour le développement du football féminin (horizon 2024). Signé en août 2020 avec la Ligue Nationale du Football Féminin, les Ligues Régionales et la Direction Technique Nationale (DTN), ce dernier est qualifié de “plan Marshall” du football féminin. “Cette comparaison souligne l’ambition et l’ampleur du projet visant à revitaliser et à transformer le football féminin au Maroc”, explique Wafae Bekkouch, secrétaire générale de la Ligue Nationale de Football Féminin (LNFF).
“Avant sa mise en place, le football féminin n’était pas aussi développé. Il n’y avait pas un cadre bien défini, pas assez d’infrastructures, de soutien financier et de visibilité médiatique. Les compétitions féminines étaient peu nombreuses et les opportunités de formation et de développement étaient vraiment limitées”, développe-t-elle.
Des résultats probants…
Ambitieux et fondamental, le contrat-objectif s’attaque à toutes les lacunes qui empêchent l’essor du football féminin, que ce soit en termes de championnat, formation, subvention et accompagnement notamment des clubs. Trois ans après sa signature, les avancées sont colossales. Sur le volet sportif, on note l’instauration d’un championnat national U17 et des championnats régionaux de catégories de jeunes pour favoriser l’éclosion de talents, ainsi que le lancement d’un championnat national professionnel féminin (D1 et D2). “La saison inaugurale de ce dernier a été lancée en 2020-2021, avec la participation de plusieurs clubs”, appuie Wafae Bekkouch. “Ce championnat a représenté un jalon important dans le développement du football féminin au Maroc puisqu’il a permis d’établir une compétition régulière et structurée.” Sur le plan financier, ce sont le versement de 100.000 DH aux Ligues régionales pour le développement du football féminin et l’augmentation de la subvention annuelle réservée aux clubs de football féminin (1.200.000 DH pour les clubs de D1 et 800.000 DH pour les clubs de D2) sous réserve du respect du cahier des charges (critères sportifs, administratifs et de gouvernance). “Aujourd’hui, 42 clubs (D1 et D2) ont bénéficié des subventions octroyées par la FRMF”, fait savoir la secrétaire générale de la LNFF qui assure également que le nombre de licenciées et de joueuses engagées dans des compétitions officielles a connu une hausse notable. Côté technique, les sessions de formations se sont multipliées. “Une attention particulière a été portée à la formation des jeunes pousses féminines et à la professionnalisation de cette formation”, enchaîne-t-elle. “Le processus y est progressif. Il nécessite des efforts continus. Les initiatives sont mises en place pour améliorer la qualité des programmes, en veillant à ce que les jeunes aient accès à des entraîneurs qualifiés et à des installations adéquates. Cela peut également impliquer des partenariats avec des clubs professionnels et des institutions de formation pour garantir un encadrement de qualité.”
Mais encore beaucoup à faire…
En dépit des pas de géants, il reste encore plusieurs étapes pour atteindre les objectifs escomptés par le plan Marshall. Pour Wafae Bekkouch, il faut se concentrer sur trois domaines clés. Le premier : les infrastructures et ressources. “Il est essentiel de continuer à investir dans la construction et l’amélioration des infrastructures dédiées au football féminin. Cela comprend la création de terrains adaptés, de centres d’entraînement et d’installations modernes pour les joueuses”, développe-t-elle, avant d’appuyer que l’égalité des conditions d’entraînement pour les joueuses (infrastructures de qualité, équipements adéquats et ressources comparables à celles offertes à leurs homologues masculins) contribuera à favoriser le développement du football féminin et à permettre aux joueuses d’atteindre leur plein potentiel. Le deuxième axe ? La formation et l’encadrement à renforcer. “Il est important d’investir dans ces programmes afin d’offrir des opportunités d’apprentissage et de perfectionnement aux joueuses et aux entraîneurs à tous les niveaux (technique, tactique, physique, leadership et gestion footballistique)”, appuie-t-elle. Le dernier point : la sensibilisation et la promotion du ballon rond pour attirer encore plus de femmes tout en tentant de changer les mentalités. “Malgré les progrès réalisés, le football féminin au Maroc fait face à des stéréotypes de genre persistants”, déplore la secrétaire générale de la LNFF. “Les préjugés sociaux et culturels peuvent limiter les opportunités pour les joueuses et influencer négativement leur participation et leur progression dans le milieu.”
Le football, un moyen d’influence
Derrière le ballon rond, les enjeux sont nombreux. Car le football n’est pas un simple jeu. C’est un outil puissant pour promouvoir l’égalité et renforcer la place des femmes dans la société, comme le déclare Aziza Nait Sibaha, journaliste et fondatrice de Taja Sport. “La pratique permet aux femmes d’acquérir des compétences physiques, techniques et mentales, ainsi que des valeurs telles que l’esprit d’équipe, la discipline et la confiance en soi, en plus de renforcer leur autonomie”, développe-t-elle. En effet, le football est un excellent levier d’émancipation. Comme l’expliquent l’UNESCO, l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et Positive Football (UNFP) dans leur rapport intitulé “Quand le football s’accorde au féminin” publié en 2019, “Le football apparaît à bien des égards comme un accélérateur de changement social en faveur de la liberté des jeunes filles et des femmes”, prenant exemple sur le match Iran-Espagne lors de la Coupe du Monde de la FIFA™ de 2018 grâce auquel les Iraniennes ont pu, pour la première fois depuis 1979, pénétrer officiellement dans les stades. “Le football offre également aux femmes des opportunités de leadership et de prise de décision, que ce soit en tant que joueuses, entraîneures, dirigeantes ou arbitres”, enchérit Aziza Nait Sibaha. “En les encourageant à occuper des postes de responsabilité dans le milieu, on favorise leur participation active dans d’autres domaines de la société.” Problème : le manque de visibilité et de soutien médiatique par rapport au football masculin qui “peut entraver la promotion et la reconnaissance du football féminin, ainsi que l’inspiration des jeunes joueuses”, comme le pointe du doigt Wafae Bekkouch, ajoutant que “la FRMF et d’autres parties prenantes continuent de travailler activement pour surmonter ces obstacles et promouvoir l’évolution positive du football féminin au Maroc. Des investissements supplémentaires, une sensibilisation accrue et une égalité des chances sont nécessaires pour continuer à développer la pratique du football féminin dans le pays.” Un avis partagé par Aziza Nait Sibaha. Pour elle, “nous avons encore besoin d’un réel accompagnement médiatique pour une couverture de qualité sur les championnats féminins afin que le football s’installe définitivement dans le paysage collectif”. Se défaire des règles imposés par le patriarcat semble un chemin laborieux… mais déjà entrepris. La partie a commencé !
La question qui fâche
À quand un salaire et des primes à titre égal entre footballeurs et footballeuses ?
“La question de l’égalité salariale entre les joueurs et les joueuses est un sujet complexe et multidimensionnel, répond Wafae Bekkouch, secrétaire générale de la Ligue Nationale de Football Féminin (LNFF). Les écarts de revenus sont souvent dus à des facteurs tels que la différence de popularité, la demande du marché, les contrats de sponsoring, les revenus générés par les droits de diffusion, etc. Il est encourageant de voir que le plan de développement du football féminin au Maroc reconnaît l’importance d’attribuer des contrats professionnels aux joueuses et d’établir des salaires minimums. Cela représente une étape significative vers une meilleure reconnaissance et une meilleure rémunération des joueuses. Il est vrai que les salaires minimums mentionnés pour les joueuses des équipes seniors dans le plan de développement du football féminin au Maroc sont relativement bas par rapport à ceux des joueurs masculins. Cependant, il est important de noter que l’écart de rémunération entre les joueurs et les joueuses est un problème courant dans de nombreux pays et dans divers sports à travers le monde.”