Hajar Benyachou : “Le pacte d’actionnaires s’apparente à un contrat de mariage, mais avec les règles du divorce !”

Derrière son allure calme de juriste d’affaires, Hajar Benyachou cache une redoutable coach pour entrepreneuses ambitieuses. Avec son cabinet Sila Law Firm, elle décrypte les règles du jeu, sans jamais perdre le sens de l’équilibre, entre stratégie, vision et confiance en soi. Interview.

Quelles sont les principales étapes juridiques qu’une entrepreneuse doit anticiper avant d’entamer une levée de fonds ?
Une levée de fonds est souvent un moment charnière pour une entrepreneuse et doit normalement se préparer en amont car plus l’entrepreneuse est prête, plus la levée pourra se dérouler avec fluidité et rapidité. Dans un premier temps, il convient de noter qu’avant réalisation de tout investissement, l’investisseur va mener ce que l’on appelle dans le jargon juridique un « audit », une vérification approfondie de l’ensemble des aspects juridiques, financiers et opérationnels de l’entreprise. Concrètement, l’investisseur va examiner les statuts, les pactes d’associés, les contrats essentiels, la situation sociale et fiscale, mais aussi la propriété intellectuelle et la conformité réglementaire. L’objectif est double : identifier d’éventuels risques et confirmer que la société dispose de bases solides pour accueillir l’investissement. C’est une étape déterminante, car les conclusions de l’audit influencent directement les conditions de la levée de fonds. Pour les fondatrices qui commercialisent déjà leurs produits ou services, il est crucial d’encadrer ses relations à travers la signature de contrats. En effet, la mise en place de contrat permet aux investisseurs de s’assurer et de vérifier que les relations avec les clients et les fournisseurs sont bien sécurisées, avec des contrats clairs, durables et équilibrés. Avoir une base contractuelle solide, c’est non seulement protéger l’entreprise contre les imprévus, mais aussi refléter la maturité de l’entreprise et sa capacité à bâtir une croissance durable. Par ailleurs, mettre en place une organisation et une gouvernance claires est tout aussi crucial. Plus l’entreprise est structurée, plus elle inspire confiance aux investisseurs, qui veulent être certains qu’elle peut grandir sur des bases solides.

Quelles erreurs fréquentes observez-vous chez les entrepreneuses lorsqu’elles négocient avec des investisseurs ? Comment les éviter ?
Lorsqu’un investisseur exprime un intérêt pour entrer au capital d’une société et qu’un accord est trouvé sur la valorisation ainsi que sur le pourcentage de participation, l’un des premiers documents signés entre l’investisseur et la ou les fondatrices est ce que l’on appelle une « lettre d’intention ». Ce document formalise les principaux points de l’accord, notamment la valorisation retenue, la part du capital qui sera détenue par l’investisseur, et le calendrier envisagé pour l’opération. La lettre d’intention précise également qu’un audit juridique, financier et fiscal sera réalisé par l’investisseur avant l’investissement. Enfin, elle peut contenir certains engagements irrévocables qui seront intégrés dans le futur pacte d’actionnaires. Comme je le dis souvent, le pacte d’actionnaires s’apparente à un contrat de mariage, mais avec la particularité de définir également les règles du divorce. En effet, le pacte d’actionnaires fixe l’ensemble des droits et obligations réciproques : modalités de gouvernance, décisions stratégiques nécessitant l’accord de l’investisseur, droits de sortie forcée, mécanismes de protection contre la dilution, ou encore clauses de non-concurrence et de confidentialité. C’est un document central, car il organise la vie commune entre fondateurs et investisseurs, anticipe les situations de crise et protège l’équilibre entre toutes les parties. Pour revenir à la lettre d’intention, les entrepreneurs ont souvent tendance à se focaliser uniquement sur la valorisation et sur le pourcentage de capital que l’investisseur détiendra. Pourtant, certaines clauses de ce document sont déjà contraignantes et préfigurent des engagements importants qui seront ensuite repris dans le pacte d’actionnaires. Ces points, une fois acceptés, ne pourront généralement plus être renégociés. Il est donc essentiel de prendre le temps de lire attentivement, de comprendre chaque clause et, aussi, de se faire accompagner avant de signer.

Comment protéger sa vision et son pouvoir décisionnel dans l’entreprise face à des investisseurs parfois très exigeants ?
Lorsqu’un investisseur décide d’entrer au capital d’une société, il devient actionnaire et bénéficie, à ce titre, de droits de vote. Dans la majorité des cas, cet investisseur reste minoritaire : selon le montant apporté, sa participation dans une start-up varie généralement entre 5 % et 20 % du capital. Cependant, même en tant qu’actionnaire minoritaire, il va chercher à aménager ses droits à travers le pacte d’actionnaires conclu avec la ou les fondatrices. Concrètement, ce pacte peut prévoir que certaines décisions stratégiques ne pourront être prises sans son accord préalable, que ce soit en conseil d’administration ou en assemblée générale. Il est légitime qu’un investisseur sécurise ainsi son investissement. L’enjeu réside toutefois dans la recherche d’un juste équilibre : d’un côté, offrir à l’investisseur des droits adaptés pour protéger son apport ; de l’autre, préserver la capacité des fondatrices à gérer et à développer librement leur entreprise. Il est donc crucial pour l’entrepreneuse d’être attentive à cette liste et d’en comprendre les enjeux. Trop de restrictions peuvent la priver de sa capacité à agir rapidement, tandis qu’un bon équilibre lui permet de préserver sa vision tout en rassurant l’investisseur sur la transparence et la bonne gestion de l’entreprise.

Selon vous, quels types de financements (fonds d’investissement, crowdfunding, etc.) conviennent le mieux aux jeunes startuppeurs ?
Le type de financement diffère selon la maturité du projet et surtout selon le montant que les fondatrices souhaitent recevoir dans leur entreprise. Pour une start-up très jeune, qui en est encore au stade de l’idée ou du prototype, le financement par les proches ou encore le crowdfunding peut être une bonne option. C’est un moyen simple de démarrer sans avoir, dès le départ, à négocier avec des investisseurs aux exigences plus strictes. Il existe également des subventions et programmes publics de soutien à l’innovation, parfois spécialement dédiés aux jeunes entrepreneurs et à l’entrepreneuriat féminin. Ces aides, qu’elles proviennent d’organismes nationaux ou de programmes internationaux, peuvent financer les premières étapes de développement : études de faisabilité, prototypage, ou encore accompagnement en incubation. Elles représentent une ressource précieuse, car elles permettent de renforcer la crédibilité du projet sans dilution du capital. Par ailleurs, de part mon expérience, avant l’arrivée d’investisseurs plus sophistiqués, une startup est également fiancée par des Business Angels. Les Business Angels sont des investisseurs individuels qui, en plus d’apporter des fonds, mettent à disposition leur expertise, leur expérience et surtout leur réseau. Ils jouent un rôle clé dans les premiers stades de croissance, car ils permettent de passer du stade de l’idée à une entreprise structurée, prête à accueillir des fonds d’investissement plus importants. Dans l’environnement des start-up technologiques, on observe avec satisfaction une montée en puissance des femmes entrepreneuses. De plus en plus de fondatrices osent se lancer, notamment dans les secteurs innovants, et accèdent à des financements qui étaient auparavant largement dominés par des équipes masculines. Sur le marché marocain, il ressort que les femmes ont tendance à lever moins de fonds. C’est pourquoi les initiatives visant à soutenir l’entrepreneuriat féminin – qu’il s’agisse de programmes d’accompagnement, de réseaux dédiés ou de subventions spécifiques – sont essentielles pour rééquilibrer le paysage et encourager davantage de femmes à franchir le pas.

 

 

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