Votre collaboration avec l’artiste new-yorkaise Diane Detalle est-elle un tournant dans votre processus de création ?
Oui, absolument. “90 Degrees” marque une étape importante dans mon processus créatif. J’ai l’habitude de sculpter de manière très intuitive, souvent à partir d’émotions ou d’inspirations liées à la nature et à la féminité. Avec Diane, j’ai découvert une nouvelle manière d’aborder la création. C’était la première fois que je sculptais en résonance directe avec des œuvres picturales. Cela m’a poussée à expérimenter de nouvelles textures, à sortir de ma palette habituelle et à penser mes bijoux comme une extension du mouvement et de la couleur présents dans ses toiles. Ce projet m’a ouvert à d’autres formes de narration artistique.
Comment est née cette collaboration ?
Diane et moi, nous sommes rencontrées à New York par l’intermédiaire d’un cercle d’amies artistes. Il y a eu tout de suite une connexion très fluide entre nos univers. Nous partageons cette même sensibilité pour le geste, la matière et l’abstraction poétique. Après quelques échanges autour de nos démarches respectives, l’idée de créer une collection commune a émergé très naturellement. C’était une envie mutuelle d’explorer un territoire entre nos deux disciplines, là où la peinture rencontre la sculpture à échelle corporelle.
Quel a été le principal défi de cette collaboration ?
Le défi principal a été de trouver un langage commun tout en respectant nos identités artistiques. Diane travaille avec de grands formats et des gestes amples, alors que mes pièces sont beaucoup plus petites, presque miniatures, et très détaillées. Il fallait que la collection reste fidèle à mon travail de bijoutière, tout en incarnant l’essence gestuelle de ses tableaux. J’ai passé du temps à observer ses coups de pinceau, ses mélanges de pigments, pour ensuite les traduire dans ma matière avec mes outils, mes textures, mes couleurs sur-mesure.
Comment décririez-vous cette collection ?
C’est une collection très expressive, libre et audacieuse. Elle évoque le mouvement, l’émotion brute, les énergies en tension et en expansion. Chaque pièce est sculptée à la main, avec des formes abstraites qui semblent en suspension ou en déséquilibre maîtrisé, d’où le nom “90 Degrees”, qui joue avec la notion d’angle, de pivot, de point de bascule. Les couleurs sont plus intenses que celles que j’utilise habituellement, en écho à la palette vibrante de Diane. C’est une collection qui attire l’œil et qui raconte quelque chose de profond sur la transformation et la complémentarité des forces créatives.
L’idée de mêler l’art et la bijouterie est particulièrement fascinante. Dans quelle mesure pensez-vous que vos pièces transcendent la simple définition du bijou pour devenir une véritable œuvre d’art ?
Je pense que mes pièces ont toujours été à la frontière entre l’objet à porter et l’objet à contempler. Je travaille chaque bijou comme une sculpture : je mélange mes propres couleurs à partir de blocs primaires, je modèle chaque pétale à la main, je laisse mes empreintes visibles, volontairement imparfaites, comme une signature du geste. Dans ce sens, mes bijoux ne sont pas juste des accessoires — ce sont des fragments d’univers, des émotions figées, des œuvres en miniature. La collaboration avec Diane a justement renforcé cette dimension artistique, en montrant que le bijou peut dialoguer avec d’autres formes d’art contemporain, et exister aussi bien sur un corps que dans une galerie.
Après cette expérience avec Diane Detalle, comment imaginez-vous l’avenir de vos créations ? Pensez-vous à de nouvelles collaborations ou de nouvelles formes d’expression ?
Oui, cette collaboration m’a profondément inspirée et m’a donné envie d’explorer davantage l’interdisciplinarité. J’aimerais collaborer avec d’autres artistes visuels, mais aussi des marques de mode ou d’objets qui partagent une même sensibilité esthétique et humaine. J’imagine aussi des collections capsules pensées pour des lieux — des hôtels, des musées, des destinations solaires — où mes créations raconteraient une histoire contextuelle. Et pourquoi pas un jour développer des pièces plus grandes, hybrides, entre l’installation et le bijou ? Je reste curieuse et ouverte aux formes que la matière et l’intuition me proposeront.
Crédits photos : Photographer: Ellen Hansen // Models: Sofia Belhouari, Gabrielle Reyes