Waris Dirie, la révoltée

Petite fille nomade, elle gardait des chèvres dans le désert somalien. Adulte, dans les années 80, elle devient l'un des top models les plus prisés au monde. Pourtant, la vie de Waris Dirie est loin d'être un conte de fée. Alors qu'une vieille femme l'excisait à l'âge de 5 ans avec une lame de rasoir cassée, Waris se jurait de consacrer sa vie à lutter contre ce crime. Pour FDM, la plus belle des fleurs du désert revient sur sa vie, et nous parle de son combat...

FDM : Vous vous battez depuis 15 ans pour dénoncer la pratique de l’excision. Votre message a-t-il été entendu ? 

Waris Dirie : Beaucoup de choses ont changé ces quinze dernières années : de nombreux pays ont adopté des lois plus strictes contre l’excision, surtout en Afrique. Mais étant donné que les lois ne suffisent pas ,il faut continuer à sensibiliser les parents, à leur dire que ce qu’ils projettent de faire à leurs filles n’est pas bien, que ce n’est pas normal, et illégal de surcroît. Beaucoup de pays ont aussi mis en place des campagnes de sensibilisation contre l’excision mais malgré cela, un tas de choses reste encore à faire, parce que l’excision ne pourra être éradiquée pour de bon que si certaines sociétés parviennent à modifier radicalement la perception qu’elles ont de la femme, et la place qu’elles lui accordent. C’est ce que j’essaie de promouvoir à travers de nombreux projets menés en Afrique, et qui visent à donner plus de poids à la femme au sein de la société.

Quelle est la situation aujourd’hui, et combiende fillettes continuent-elles de mourir à cause de cette mutilation ?

On estime aujourd’hui qu’au moins 150millions de femmes et de petites filles dans le monde sont victimes d’excision, et qu’approximativement 30 % d’enfants et de femmes meurent des suites de cette mutilation. Ces chiffres sont bien entendu des estimations, car malheureusement, la réalité est souvent bien pire.

L’excision est-elle pratiquée ailleurs qu’en Afrique ?

les communautés africaines installées en Europe, aux Etats-Unis et en Australie. En Europe, on estime à 500.000 le nombre de filles victimes, la majorité d’entre elles vivant dans les communautés africaines de France et d’Angleterre.

Quelles sont les croyances qui se cachent derrière l’excision ?

Les mutilations génitales que subissent les femmes ne sont basées sur aucune religion, bien que beaucoup de gens utilisent cet argument pour justifier le fait qu’ils pratiquent l’excision. A mon sens , c’est tout simplement la forme la plus cruelle de suppression et de tentative de domination des femmes. Les homme sont peur de la sexualité des femmes et essaient donc de les en priver.

Au-delà des lois, comment peut-on lutter contre ce crime ?

A travers l’éducation et en étant vigilants. Il faut en parler, que ce soit à la maison, à l’école, à l’université, à la salle de sport…Partout. Il est important que les gens soient au courant des dangers de cette pratique.

Retournez-vous de temps en temps en Afrique, en Somalie, votre terre natale, et en profitez-vous pour revoir votre famille ?

En ce moment, il est impossible de se rendre en Somalie, et ce, pour des raisons de sécurité ; mais je me rends régulièrement en Afrique de l’Est. Quant à ma famille, je n’ai jamais perdu le contact avec elle.

Vous avez été excisée alors que vous aviez à peine 5 ans et que vous auriez pu en mourir. Que vous êtes-vous dit au moment où vous avez subi cette mutilation ?

C’était le pire moment de ma vie. J’ai tout de suite su que ce que l’on était en train de me faire subir était mal et anormal. Je me suis sentie maltraitée, violée, et j’ai décidé, à ce moment précis, qu’un jour je me battrai contre cette cruauté.

Vous avez 13 ans quand votre famille décide de vous marier à un sexagénaire. Vous décidez alors de vous enfuir, allant jusqu’à traverser à pied un désert ! Avec le recul, comment expliquez-vous votre révolte, alors même que vous avez grandi dans un environnement socioculturel où ce genre de mariage est de coutume ?

C’est une très bonne question. Je pense que j’ai toujours été plus rebelle que la majorité des jeunes filles somaliennes nomades. Il était évident pour moi que cette vie-là n’était pas celle que je voulais. A mes yeux, rien ne pouvait être pire que de vivre avec ce vieil homme, d’être l’une FEMME S DU MAROC | F ÉVR I E R 2 0 1 2 37de ses nombreuses épouses… A tel point que de marcher seule à travers le désert était à mon sens une meilleure option.

Quelle est votre philosophie de vie ?

Profiter de la vie, de ce qu’on nous donne, et essayer d’en tirer le meilleur – que ce soit pour nous-mêmes ou pour les autres.

Est-ce une sorte de thérapie pour vous de parler publiquement de votre expérience personnelle, sachant que vous êtes peut être en train de sauver des vies ?

Je n’appellerais pas cela une thérapie car il m’est très difficile de parler si souvent de mon propre traumatisme devant tant de gens. Mais je me dois de parler au nom des fillettes qui continuent d’être mutilées et qui souffrent. Je ressens comme un besoin le fait de les aider. Elles ne sont que des enfants, et je suis dans une position qui me permet de faire quelque chose pour elles. Alors je dois le faire !

Certaines personnes comparent votre vie à un conte de fée. Etes-vous d’accord ?

Non, certainement pas. Tous ceux qui auront lu l’un de mes livres conviendront que ma vie est loin d’être un conte de fée.

Alors que vous étiez au somment de la gloire et connaissiez un succès mondial en tant que top model, vous avez décidé de mettre un terme à votre carrière pour consacrer votre vie à votre combat. Etait-ce une décision difficile à prendre ?

Non, pas du tout. Le mannequinat m’adonné l’opportunité d’être entendue, etj’ai saisi cette chance.

Etre une femme, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Etre forte, indépendante, aimante et attentionnée.

Qu’est-ce que la maternité a changé dans votre vie ?

Cela a augmenté ma force et mon amour pour ce monde et pour les gens qui y vivent.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Passer du temps avec mes enfants, et continuer mon combat contre l’excision et pour les droits des femmes.

Pouvez-vous nous présenter votre fondation et nous dire comment vous aider ?

Ma Fondation, “Desert Flower Foundation”,oeuvre dans le but d’attirer l’attention sur les mutilations génitales féminines, de prévenir contre cette pratique à travers des campagnes éducatives, des livres, des spots télévisés, des publicités, de nombreux sites internet, des discours, des interviews que je donne, etc. Nous travaillons aussi sur différents projets en Afrique, visant à responsabiliser les femmes, à les rendre plus fortes, à les aider à prendre de meilleures décisions s’agissant de leur vie et de celle de leurs filles. Je suis persuadée qu’aucune femme ne veut faire de mal à ses enfants. Ce qui les force à le faire, c’est la pauvreté et la dépendance. A travers des projets que nous menons en Afrique, nous travaillons à la création d’emplois pour les femmes, qui soient justement payés et durables. Combinés à des formations, ces emplois leur permettent de prendre le contrôle de leur vie, et de s’opposer à l’excision. 


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