Pour le meilleur et pour le pire… Jusqu’à ce que la mort voussépare.” Qu’est-ce que c’est beau quand même ! C’estclairement autre chose que de se pointer devant l’adoulpour signer un “acte de fornication” devant un tas de mâles, dontson père, et de toucher une dot en contrepartie.Ceci dit, la fête de mariage marocain reste quand même cetterare chose qui me fait regretter mon célibat. Être la reine d’un jourme semble tellement essentiel dans la vie d’une femme que je suispresque tentée de partir à la chasse au mari ou d’accepter les avancesde Redouan, le fils de tante Badia. Quoique… il est trop radin.Je me dis cela en essayant le caftan bleu-vert finement perlé auxcristaux Swarovski, repéré sur un site web spécialisé dans les mariageset qui m’a fait rêver des jours durant. Bien que je ne sois pas adeptedu lèche-vitrines virtuel, je suis allée à la découverte de ces sitesdont parlaient les copines et là, je m’emplis d’humilité et d’empathiepour celles qui vont jusqu’à faire des heures sup’ et s’endetter pourun caftan qu’elles ne mettront pas deux fois. Vous savez, ce caftanhaute couture payé en cinq chèques, qui devient trop grand au boutde quelques mois à force de se serrer la ceinture, et dont la valeurdoit absolument être connue de tous les invités avant la fin de la fête,histoire de mieux dormir ; autrement, même le Xanax n’y fait rien.“Ce caftan est juste sublime, mais un peu large au niveau du buste”,dis-je à la vendeuse, pour détourner son regard satisfait demes yeux qui brillent malgré moi. Je sais pourtant que je vais leprendre, quitte à y laisser le prix d’une cuisine équipée. Je ne suisqu’une infâme consommatrice, dépensière sans scrupules deséconomies durement faites toute l’année. Allez, je l’assume.Dans la cabine d’essayage d’à côté, ma cousine, la futuremariée. Elle a fait le tour des couturières. Elle a veillé à repérer lamoins chère, celle qui copie le mieux les dernières créations autarifs prohibitifs de la saison, puis a emprunté un caftan hors deprix pour plus cher qu’une tenue faite sur mesure… La logiqueéconomique de la transaction défie toute cohérence, mais on necontredit pas une femme qui se marie.C’est vrai qu’elle a le droit. C’est elle la reine, et toutes lesfilles aimeraient être à sa place. Les hommes ne le savent quetrop bien. C’est pas pour rien que tout le monde se dévergondelors des mariages. On dirait la saison des amours sur NationalGeographic. Tout le monde s’y met : les célibataires de 15 à 75ans, les mariés volages, les gays… même le vieil oncle Kacemqui se satisfait de sa vie de couple avec sa collection de timbresposte et son élevage de pigeons voyageurs !“Je peux essayer la ceinture en cristaux Swarovski ?”Mais rien ne se fait vraiment sans le consentement des reinesmères. Elles commencent d’abord par repérer la future bru ou lefutur gendre. Elles identifient ensuite la mère, exactement commeon vérifie l’étiquette d’une robe, pour jauger sa sympathie, se mesurerà elle et étudier la faisabilité d’une association des deux familles. Puis,elles entament enfin les démarches de rapprochement.C’est ainsi que tu te retrouves en pleine transe d’Aïta Marsaouiaface à la mère de Mehdi, qui te scrute de la tête au pieds, en ignorantcertainement que son fils préfère les fesses fermes de son éternelpote Hamid. Comme devant tante Badia, celle-là même qui teharcèle toute l’année pour que tu donnes sa chance à son Redouanchéri et qui, ce soir, te tourne le dos pour évaluer les autres filles. Etavant même de te rendre compte qu’on t’a acculée à la compétition,tu commences désespérément à chercher un bon parti parmi lesmecs pas encore pris. Ils filent l’un après l’autre.Au bout d’un moment, tu commences même à te demandersi Mehdi n’a pas dans l’idée de changer d’orientation. Oui, bref.Heureusement que ça prend fin, généralement après 48 heures desommeil. Pour moi, en tout cas. Tant pis pour les autres…“Je prends aussi les souliers dorés. Merci !” â—†